Le 1er juin 1860, Le Franco-Canadien est lancé. Ce bi-hebdomadaire de quatre pages est désigné comme étant la propriété de deux imprimeurs déjà actifs dans la région, Pierre Cérat et Isaac Bourguignon. Dès le 17 juillet, cependant, seul le nom de Bourguignon est mentionné comme imprimeur-propriétaire. Ces hommes n’étant pas journalistes, la une indique qu’il est rédigé par un « Comité de collaborateurs » : les avocats Charles-Joseph Laberge et Alfred-Napoléon Charland, et le notaire Félix-Gabriel Marchand y publient des textes. Sans pouvoir le prouver hors de tout doute, Marchand en est certainement le principal rédacteur. Très engagé dans sa communauté, il sera élu député libéral à l’Assemblée législative du Québec en 1867 et il occupera le poste de premier ministre de la province de Québec de 1897 jusqu’à son décès en 1900. Il est important de préciser que la circonscription électorale de Saint-Jean élira sans exception un candidat libéral aux élections provinciales jusqu’en 1941 et il en sera de même aux élections fédérales jusque dans les années 1960. Le Franco-Canadien, qui affichera bientôt ses couleurs libérales, s’implante donc dans un sol très fertile et réceptif aux idées libérales.
En mars 1867, Félix-Gabriel Marchand devient propriétaire du Franco-Canadien afin, dit-il, de redresser une situation qui devenait de plus en plus difficile et d’assurer que la région aura toujours son organe de presse francophone.
Marchand ne demeure cependant propriétaire du journal que jusqu’en 1877, alors que le cartouche d’en-tête du 1er juin 1877 précise qu’Isaac Bourguignon est à nouveau propriétaire et Marchand, rédacteur en chef . Les activités politiques de ce dernier prenant de plus en plus d’importance, il abandonne, sans tambour ni trompette, son titre de rédacteur en chef du Franco-Canadien en mars 1878. Le journal demeure toutefois, sans contredit, l’outil politique de Marchand.
En une vingtaine d’années, les propriétaires du journal ont testé différentes formules afin de conserver les lecteurs ou en attirer de nouveaux, mais l’hebdomadaire demeure dans le giron de Félix-Gabriel Marchand et il est toujours conçu principalement comme un outil de diffusion des idées, voire comme une arme politique opposée aux conservateurs.
En juillet 1893, le Parti conservateur profite des nouvelles difficultés financières du journal pour manœuvrer et en prendre le contrôle tout en s’assurant que Bourguignon en demeure le propriétaire. Marchand, alors chef de l’opposition libérale à Québec, lance immédiatement, avec son ami l’avocat Alphonse Morin, Le Canada Français. Ce nouvel hebdomadaire veut conquérir le lectorat de la région et, surtout, continuer de faire entendre la voix des libéraux en affichant désormais, et sans équivoque, à la une, son lien avec le Parti libéral. La lutte entre les deux journaux est enclenchée. Les invectives sont nombreuses. À la fin du mois d’août 1895, Marchand et Morin ont toutefois gain de cause dans cette bataille. Ils profitent d’une clause du contrat initial de fondation du Franco-Canadien, qui donnait le privilège à Marchand, si Bourguignon voulait se départir du journal ou en cas d’insolvabilité, de reprendre possession du Franco-Canadien. Ce dernier est fusionné avec Le Canada français . Du jour au lendemain Le Franco-Canadien disparaît, et Marchand annonce à ses lecteurs que les deux journaux se sont réconciliés et que Le Franco-Canadien « rentre dans la voie du devoir côte à côte dans les rangs libéraux avec son jeune et vaillant confrère, Le Canada Français ». Ce journal assurera donc de manière non équivoque la défense du Parti libéral. Le Canada français est d’abord et avant tout un journal d’opinion qui gravite essentiellement autour d’un axe politique.
Le 17 juin 1898, Gabriel Marchand, le fils de Félix-Gabriel, devient rédacteur-propriétaire du Canada français.
Le 3 novembre 1899 apparaît pour la première fois dans le journal la chronique de Jean Rémuna, pseudonyme d’Arsène Bessette. Chaque semaine, le jeune journaliste, ami de Gabriel Marchand, fait paraître un texte sur des sujets aussi variés que la grippe, le bonheur ou l’actualité du moment. Du 16 novembre 1906 au 16 juillet 1909, les lecteurs retrouveront ses textes dans une chronique intitulée « Modernités ». Bessette propose à son lectorat des réflexions sur différents sujets plus ou moins liés à l’actualité ou des critiques littéraires ou artistiques.
En juin 1908, Gabriel Marchand est élu député libéral de la circonscription de Saint-Jean. Il cède alors la propriété du journal à la Compagnie de publication du Canada Français, mais il en demeure l’éditeur jusqu’à son décès, survenu subitement le 16 septembre 1910.