TORONTO — Un jour après que le président d’Unifor, Jerry Dias, a annoncé sa retraite soudaine, pour des raisons de santé, le syndicat national a révélé lundi qu’il enquêtait sur lui depuis la fin de janvier.
Le plus grand syndicat du secteur privé au Canada a indiqué lundi dans un communiqué que la secrétaire-trésorière, Lana Payne, avait reçu une plainte le 26 janvier alléguant que M. Dias avait enfreint les statuts et règlements d’Unifor.
Le syndicat, qui représente 315 000 travailleurs au Canada, n’a pas dévoilé les détails de la plainte, mais a déclaré que M. Dias avait été informé d’une enquête indépendante, qui est en cours, le 29 janvier dernier, et qu’il avait pris un congé de maladie le 6 février.
Il devait prendre sa retraite en août prochain, lors du congrès d’Unifor, mais il a informé le conseil exécutif national de son départ immédiat à la retraite, vendredi dernier. Il précisait alors qu’il continuait à faire face à des ennuis de santé, indiquait le syndicat dimanche en annonçant la nouvelle.
«Après huit ans et demi, je peux dire avec fierté que nous avons mis sur pied une formidable organisation et fait d’Unifor le syndicat influent et prospère qu’il est aujourd’hui, écrivait-il dimanche dans le communiqué. J’ai pleinement confiance que les dirigeantes et les dirigeants, le personnel et les sections locales continueront à faire d’Unifor une force audacieuse et progressiste pour les travailleuses et les travailleurs d’un océan à l’autre.»
Le syndicat a refusé de commenter l’affaire jusqu’à ce qu’il reçoive le rapport d’enquête, attendu «dans un proche avenir», indique-t-on. Le conseil exécutif national d’Unifor prévoit discuter de la question lors d’une réunion le 21 mars.
Au Québec, Unifor compte près de 55 000 membres et est affilié à la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ).
Un leader dur et résolu
M. Dias, qui dirigeait le syndicat depuis 2013, avait été réélu en 2016 et en 2019. Il était connu pour être un leader syndical dur et résolu, prêt à tout pour garantir la sécurité d’emploi, les acquis et les droits des travailleurs.
Dimitry Anastakis, de l’Université de Toronto, attribue à M. Dias la revitalisation d’Unifor, qui est actuellement en meilleure posture, selon lui. Mais il admet que l’enquête pourrait nuire à sa réputation. «Ce n’est pas (la sortie) qu’on souhaite, et en tant que personne qui soutient les travailleurs ordinaires, comme nous devrions tous l’être, cela n’aide pas», a indiqué le professeur d’histoire des entreprises canadiennes.
La nouvelle de l’enquête est particulièrement «décevante», car de nombreux syndicats ont des antécédents de scandales internes, ajoute-t-il, et M. Dias avait semblé inverser cette tendance — il était «pugnace, terre-à-terre, et un défenseur du gars ordinaire».
M. Dias avait pris la tête d’Unifor en 2013, à la suite de la fusion du syndicat des Travailleurs canadiens de l’automobile et du Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier. Mais son implication syndicale avait commencé bien avant. Fils de militants syndicaux, il a suivi les traces de son père, qui était président de la section locale chez le constructeur aéronautique De Havilland dans les années 1960 et 1970. Le fils Dias a remplacé son père dans ces fonctions en 1987.
Jerry Dias a été un personnage clé lors de la négociation de l’Accord Canada–États-Unis–Mexique, mais l’une de ses plus grandes victoires est survenue à Oshawa. C’est là que General Motors du Canada a annoncé qu’elle fermerait d’ici la fin de 2019 une usine d’assemblage qui employait environ 2600 travailleurs syndiqués d’Unifor.
Furieux, M. Dias a appelé au boycottage des véhicules GM fabriqués au Mexique, dans le cadre d’une campagne pour sauver l’usine. Il a également dévoilé le numéro de téléphone personnel de Doug Ford et a invité le chanteur britannique Sting à se produire à l’extérieur de l’usine, en solidarité avec les travailleurs.
Ses efforts ont porté leurs fruits en 2020 lorsque, dans un revirement spectaculaire, GM a annoncé qu’il rouvrirait l’usine, investirait jusqu’à 1,3 milliard $ et embaucherait jusqu’à 1700 travailleurs.
Cette année-là, M. Dias s’est aussi battu pour les droits des travailleurs de la Co-Op Refinery, en Saskatchewan. Il l’a fait avec un tel enthousiasme qu’il a été arrêté et fait face à des accusations de méfait, après qu’Unifor a mis en place des blocages alors que s’aggravaient les tensions au sujet du régime de retraite.
En décembre dernier, Doug Ford l’avait nommé président du Conseil du premier ministre pour le commerce avec les États-Unis et la compétitivité de l’industrie, un groupe de travail visant à protéger l’industrie automobile ontarienne.