Vie privée: le commissaire en C.-B. conclut que les partis fédéraux sont assujettis

Brenna Owen, La Presse Canadienne
Vie privée: le commissaire en C.-B. conclut que les partis fédéraux sont assujettis

VANCOUVER — Le commissaire à la protection de la vie privée de la Colombie-Britannique conclut que les partis politiques fédéraux sont eux aussi assujettis à la loi provinciale sur la protection des renseignements personnels des citoyens de cette province. 

Cette décision, estiment les experts, ouvre la porte à un niveau de surveillance indépendante qui n’est pas actuellement en place lorsqu’il s’agit de comprendre comment les partis politiques utilisent les renseignements personnels des citoyens.

Selon Colin Bennett, professeur au département de sciences politiques de l’Université de Victoria, c’est la première fois qu’un organisme de réglementation indépendant affirme sa compétence sur les partis fédéraux.

Le professeur Bennett, spécialisé dans la protection de la vie privée et des renseignements personnels, soutient que le Canada fait partie d’une poignée de pays démocratiques où la loi sur la protection de la vie privée ne couvre pas les partis politiques.

Par contre, en Colombie-Britannique, la loi et la surveillance du commissaire s’étendent aux partis politiques provinciaux.

Dans sa décision, rendue le 1er mars, le commissaire à la protection de la vie privée de la Colombie-Britannique soutient que les partis fédéraux sont eux aussi assujettis à la loi provinciale en ce qui concerne la collecte, l’utilisation et la divulgation des renseignements personnels de citoyens de cette province.

«(Le commissaire) leur demande simplement de respecter le même ensemble de règles que les autres organismes respectent, en particulier lorsqu’ils utilisent de grandes quantités de données personnelles pour s’engager dans des campagnes numériques», estime le professeur Bennett.

Les partis libéral, conservateur et néo-démocrate ont 30 jours pour demander une révision judiciaire de la décision du commissaire de la Colombie-Britannique. Si la décision était maintenue, une enquête pourrait être menée sur les pratiques de traitement des données de ces trois partis fédéraux, ainsi que des Verts.

Le porte-parole libéral Matteo Rossi a indiqué que son parti réexaminait la décision «conformément à la solide politique de confidentialité et aux mesures de sécurité de l’information de notre parti». 

Il assure toutefois que «tout l’engagement démocratique du Parti libéral est entièrement conforme aux règles et règlements d’Élections Canada et suit la politique de confidentialité claire et stricte de notre parti, qui est conçue pour protéger les renseignements personnels des Canadiens en garantissant leur confidentialité, leur sécurité et leur exactitude».

Les partis conservateur et néo-démocrate n’ont pas répondu aux demandes de commentaires.

Réponses peu satisfaisantes 

La décision du commissaire découlait de plaintes déposées par trois résidents de la Colombie-Britannique qui avaient demandé aux partis fédéraux quels renseignements personnels ils détenaient à leur sujet, comment ces renseignements étaient utilisés et à qui ils avaient été divulgués. Les réponses des partis ne les ont pas satisfaits.

Les partis libéral, conservateur et néo-démocrate ont tenté de faire annuler les plaintes et ont contesté la compétence constitutionnelle du commissaire provincial sur des partis fédéraux. Le Parti vert du Canada n’a pas contesté les plaintes ou l’enquête.

Andrew Clement, professeur émérite à la faculté d’information de l’Université de Toronto, est l’un des trois résidents de la Colombie-Britannique qui avaient porté plainte au commissaire. Il estime que toute enquête sur les pratiques des partis fédéraux en matière de renseignements personnels pourrait apaiser les inquiétudes — ou les confirmer.

Disparités entre provinces

Par ailleurs, si l’enquête arrive à des conclusions qui obligent les partis fédéraux à modifier leurs pratiques afin de se conformer aux lois de la Colombie-Britannique, cela signifierait que les résidents de cette province auraient des droits différents de ceux des autres Canadiens, soutient le professeur Bennett.

Le Québec a modifié l’an dernier sa loi relative à la protection des données personnelles pour y inclure certaines dispositions qui couvrent les partis politiques. Par contre, les récentes modifications apportées à la loi fédérale sur la protection de la vie privée n’ont pas permis d’assujettir les partis, souligne le professeur Clement.

Le commissaire fédéral à la protection de la vie privée, Daniel Therrien, a déterminé en mai dernier que les partis politiques ne sont pas assujettis à la loi fédérale puisque leurs activités ne sont pas de nature commerciale. Mais il a aussi rappelé à l’époque que son bureau avait demandé à plusieurs reprises que les partis politiques soient assujettis à la loi fédérale et qu’ils soient surveillés de façon indépendante.

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