La COVID longue est devenue un fardeau pour de nombreux Canadiens

Noushin Ziafati, La Presse Canadienne
La COVID longue est devenue un fardeau pour de nombreux Canadiens

Chaque matin, Samantha Cover se réveille et se prépare à affronter la journée.

Depuis deux ans, la mère de quatre enfants vit avec la maladie post-COVID-19 connue sous le nom de COVID longue, qui limite ses capacités à pratiquer une activité physique, à traiter des informations et à travailler de longues heures.

Si elle marche trop vite, elle commence à perdre le souffle. Les maux de tête sont fréquents et sa vision devient parfois floue. Elle souffre de brouillard cérébral, de fatigue, de perte de mémoire et d’un mal de gorge chronique.

«Je n’ai jamais réalisé à quel point ce serait bien de me réveiller et de me sentir moi-même parce que ce n’est pas arrivé depuis deux ans», a raconté Mme Cover, 40 ans, en entrevue. «Quand je me réveille, ça semble juste pire. J’ai mal à la tête, je ne peux pas penser correctement.»

Ses trois filles, qui ont entre 7 et 13 ans, présentent également des symptômes de COVID longue, notamment de l’anxiété, un brouillard cérébral et de l’essoufflement. Son fils semble exempt de symptômes, mais son mari a l’impression d’avoir ralenti, dit-elle.

«Cela a complètement changé notre qualité de vie», a déclaré Mme Cover, qui vit à St. Albert, en Alberta.

Deux ans après le début de la pandémie, les Canadiens atteints de COVID longue disent qu’ils se sentent souvent frustrés alors qu’ils doivent composer avec les effets à long terme du virus. Les experts, quant à eux, notent que le Canada n’a pas de système centralisé de collecte de données qui pourrait aider à étudier et à traiter la maladie.

Dans le cas de Mme Cover, sa famille a contracté la COVID-19 pour la première fois en mars 2020, puis a été réinfectée en septembre dernier.

Sa fille de 13 ans a de nouveau été déclarée positive lors d’un test rapide ce week-end – bien qu’elle ait été vaccinée et porte des masques de haute qualité – de sorte que le ménage a probablement le virus pour la troisième fois, dit-elle. Chaque fois, Mme Cover pense que ses enfants ont ramené le virus de l’école à la maison.

«Pour beaucoup de gens (…), ils tombent malades puis ils se rétablissent, donc ils ne s’en soucient pas vraiment», a-t-elle souligné. «Je me sens impuissante parce que j’ai l’impression que plus nous sommes infectés, plus ça va empirer pour nous et je ne sais pas ce que je peux faire pour protéger ma famille.»

La Dre Angela Cheung, scientifique principale au University Health Network de Toronto, affirme que de nombreux patients atteints de COVID longue «ne se sentent pas entendus».

Pour mieux comprendre la maladie et soulager les patients, il doit y avoir un «effort concerté» pour établir des cliniques spéciales financées par le gouvernement à travers le pays qui fourniront des soins et mèneront des recherches sur la COVID longue, dit Mme Cheung.

«Certains pays font mieux que nous (…), alors qu’au Canada, tout est très individualisé et c’est un peu délicat, pour ce qui est d’avoir des soins connectés pour ces patients», explique Mme Cheung, qui fait des recherches sur la COVID longue et ses traitements.

Des estimations conservatrices fixent actuellement le nombre de Canadiens atteints de COVID longue à 300 000, dit Mme Cheung. Cette donnée s’appuie sur l’estimation de l’Organisation mondiale de la santé selon laquelle au moins 10 % des personnes infectées par la COVID-19 seront atteintes de la maladie et sur le fait que plus de trois millions de Canadiens ont contracté le virus.

Mme Cheung a noté, cependant, que certains affirment que le nombre réel de cas de COVID longue se situe entre 10 et 50 % des personnes infectées, et qu’il y a des gens qui se remettent d’une COVID longue, de sorte que le nombre exact est impossible à déterminer.

Bien que les symptômes de la COVID longue n’aient pas changé au fil du temps – y compris la fatigue, l’essoufflement, le rythme cardiaque anormal, le brouillard cérébral et les troubles du sommeil – la vaccination a aidé à prévenir la maladie, a-t-elle noté.

Les traitements qui peuvent aider dépendent des symptômes, dit-elle, par exemple les inhalateurs de stéroïdes et les vaporisateurs nasaux pour ceux qui ont le nez qui coule, de la congestion et de la toux.

Mais le système de santé est toujours aux prises avec des patients qui ne sont pas encore sortis de l’hôpital en raison des effets à long terme du virus, qui affectent le nombre total de chirurgies et d’interventions urgentes qui peuvent être effectuées, a soutenu Mme Cheung.

Sonja Mally, qui souffre de COVID longue depuis le printemps 2020, estime que le système de santé a ignoré son état pendant une grande partie de la pandémie.

L’artiste basée à Toronto souffre du syndrome de fatigue chronique, de pertes de mémoire et de problèmes avec son système nerveux. Elle a été admise à l’hôpital lors de la première vague, mais dit que les professionnels de la santé n’avaient pas de réponses pour elle.

«Tu finis par sembler hypocondriaque. À ce moment-là, on m’a dit de ne pas trop m’inquiéter et de rentrer à la maison et de dormir», se souvient-elle.

Mme Mally, 36 ans, dit que la COVID longue l’a empêchée d’effectuer des tâches de base comme aller faire les courses, et qu’elle est incapable de travailler depuis 2020.

«J’étais jeune et en bonne santé quand je suis tombée malade», a-t-elle dit. «Je ne me voyais vraiment pas prise au piège dans le corps d’une personne de 94 ans à mon âge.»

Jonah McGarva, cofondateur de Long COVID Canada, qualifie la COVID longue d’«événement invalidant de masse».

Bien que le gouvernement fédéral ait publiquement reconnu la COVID longue comme une maladie en juillet 2021, M. McGarva dit que ceux qui en souffrent ont besoin de «beaucoup plus de soutien».

«En l’absence de directives en place, cela crée des problèmes où une grande partie de la communauté médicale et des praticiens ne sont pas aussi informés qu’ils devraient probablement l’être», a-t-il affirmé.

La Dre Neeja Bakshi, interniste généraliste au Royal Alexandra Hospital d’Edmonton, a commencé à voir des patients atteints de COVID longue dans une clinique en janvier. Elle raconte que les patients invités à évaluer leur qualité de vie sur une échelle de zéro à 100 répondent largement avec des notes aussi basses que 20.

«Cela a un impact sur leur capacité à travailler, cela a un impact sur leur capacité à fonctionner», a-t-elle déclaré.

«Et beaucoup de ces patients ont des familles, des enfants, donc cela a vraiment un impact sur tous les aspects de leur vie.»

Susie Goulding, qui a fondé COVID Long-Haulers Support Group Canada, un groupe Facebook de plus de 15 000 membres, affirme qu’il faut mieux reconnaître la COVID longue et son impact.

«Les Canadiens qui souffrent d’une COVID longue ne peuvent pas souffrir pendant 10 ans et attendre que la science les rattrape», a-t-elle dit. «Ils ont besoin que des systèmes de soutien soient mis en place maintenant.»

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Cet article a été produit avec le soutien financier des Bourses Facebook et La Presse Canadienne pour les nouvelles.

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