Davantage de femmes ont suivi un traitement de fertilité pendant la pandémie, surtout celles qui travaillaient à domicile et n’ont pas eu à divulguer leurs problèmes de santé à un employeur, selon la directrice d’un groupe militant national.
Carolynn Dubé, directrice générale de Fertility Matters Canada, a indiqué que les cliniques à travers le pays ont constaté une augmentation du nombre de procédures de fécondation in vitro, ou FIV, dans lesquelles des ovules sont fécondés avec du sperme dans un laboratoire avant qu’un ou plusieurs embryons ne soient transférés dans l’utérus.
La pandémie a également vu un bond dans d’autres procédures de procréation assistée comme la congélation d’ovules ou de sperme.
Se rendre à un bureau avant ou après des analyses de sang et des échographies est déjà assez stressant, mais révéler ces informations personnelles à un employeur ajoute plus de pression pour les femmes soucieuses d’évoluer au sein d’une organisation ou d’obtenir une promotion, a noté Mme Dubé, de Moncton, au Nouveau-Brunswick.
«Le mode de vie pandémique de télétravail a certainement permis aux gens de sauter cette pièce du casse-tête et de ne pas avoir à être aussi ouverts à propos de plusieurs traitements subis tôt le matin», a indiqué Mme Dubé, qui a subi deux cycles de FIV et cinq transferts d’embryons qui lui ont permis de devenir mère de trois fils — un de huit ans et des jumeaux de trois ans.
«Les gens voient aussi, en général, leur vie un peu différemment. Vous savez, (ils se disent) ‘je ne veux plus remettre ça à plus tard’», a-t-elle avancé à propos des décisions de certaines personnes d’avoir recours à un coûteux traitement de fertilité pendant la pandémie.
Le prix moyen d’un cycle de FIV, généralement complété sur trois semaines, est d’environ 20 000 $, dont environ la moitié pour les médicaments, qui ne sont couverts qu’au Québec, a expliqué Mme Dubé. Le Québec, tout comme l’Ontario, l’Île-du-Prince-Édouard, le Nouveau-Brunswick et le Manitoba, paie une partie du coût de la FIV, a-t-elle indiqué, notant que ces deux dernières provinces offrent un crédit d’impôt et une subvention de fertilité unique.
Statistique Canada a publié une étude en décembre dernier suggérant que près d’un Canadien sur cinq âgé de jusqu’à 49 ans voulait retarder le moment d’avoir des enfants en raison de la pandémie. L’agence s’est appuyée sur des données d’enquête recueillies entre avril et juin 2021 auprès d’un membre du ménage parmi un échantillon de 20 000 habitations.
L’étude indique que les gens peuvent avoir retardé ou abandonné leur projet d’avoir un enfant en raison de problèmes de santé ou d’autres facteurs tels que la perte d’un emploi, la réduction de leurs revenus, l’incertitude financière ou le stress général, ce qui est comparable aux résultats de recherches dans d’autres pays.
«D’un autre côté, pour certains, la pandémie a peut-être suscité un intérêt nouveau pour la conception d’un enfant en raison du temps passé à la maison et du désir de vivre une expérience nouvelle et enrichissante», indique l’étude, qui n’a pas interrogé spécifiquement les répondants sur les problèmes de fertilité.
Caitlin Dunne, professeure agrégée à la division d’endocrinologie de la reproduction et d’infertilité de la faculté de médecine de l’Université de la Colombie-Britannique, a déclaré que le nombre de traitements de fertilité avait déjà augmenté avant la pandémie, mais que cette tendance s’est accélérée à mesure que les gens réfléchissaient davantage à ce qui est le plus important pour eux.
«Ils constatent qu’avoir une famille est vraiment en tête de leur liste», a déclaré Mme Dunne, qui est également codirectrice du Pacific Centre for Reproductive Medicine, qui compte trois cliniques principales — deux en Colombie-Britannique et une en Alberta.
Le nombre de cycles de FIV en Colombie-Britannique a bondi de 76 % l’an dernier par rapport à 2019, a déclaré Mme Dunne. Les procédures de congélation des ovules ont augmenté de 70 %, le transfert d’embryons congelés a augmenté de 45 % et davantage d’hommes ont reçu un traitement contre l’infertilité, a-t-elle ajouté.
Benoît Laplante, professeur de démographie familiale à l’Institut national de la recherche scientifique de Montréal, a déclaré que comprendre les décisions des personnes qui ont changé leurs plans d’avoir des enfants à la suite de la pandémie pourrait aider à éclairer les changements de politique au-delà de toute subvention pour des traitements de fertilité.
Le congé parental, les options de garde d’enfants abordables et l’Allocation canadienne pour enfants pour les familles à faible revenu sont «des mesures probablement plus efficaces» qui ont le plus grand impact pour soutenir les familles qui souhaitent avoir des enfants, a déclaré M. Laplante.
«Si vous aidez les femmes à s’occuper des soins de leurs enfants, vous favoriserez peut-être la fertilité, mais peut-être pas. C’est la question actuelle», a-t-il déclaré.
M. Laplante a dit que les taux de fécondité diminuaient régulièrement depuis 2008 pour des raisons économiques, car certaines personnes ont commencé à croire que «les choses ne seraient jamais, jamais assez bonnes pour elles, pour avoir des enfants».
Paul Kershaw, professeur agrégé à la School of Population and Public Health de l’Université de la Colombie-Britannique, a déclaré que les coûts élevés des logements signifient que le rêve de posséder un jour une maison avec de la place pour des enfants est devenu de plus en plus hors de portée pour de nombreuses personnes qui tardent à fonder une famille.
Mais les logements locatifs sont également rares, ce qui crée des niveaux élevés d’insécurité quant à l’avenir, a ajouté M. Kershaw.
De nombreuses familles comptent également sur le plan du gouvernement fédéral pour des services de garde à 10 $ par jour, a-t-il dit.
«Nous pouvons nous attendre à ce que cela donne un coup de fouet à la fécondité à l’avenir, car désormais, la garde des enfants ne coûtera plus l’équivalent d’un paiement de loyer», a déclaré M. Kershaw, qui a fondé le groupe à but non lucratif Generation Squeeze il y a plus de dix ans pour plaider en faveur des préoccupations des jeunes adultes.