Gerald McMaster s’est toujours interrogé sur les mystères se cachant dans la collection d’art autochtone du Vatican.
Le célèbre conservateur et artiste de Toronto rappelle que les œuvres d’art sont importantes pour les Autochtones. Elles leur permettent de voir comment ils sont et comment est le monde autour d’eux.
Trop peu nombreuses sont les personnes qui ont pu admirer les objets d’art reposant sous les voûtes vaticanes, déplore M. McMaster.
«Qu’est-ce qu’on y cache? Pourquoi les cache-t-on?, s’interroge-t-il. Pourquoi les Autochones ne peuvent-ils pas avoir accès à ces voûtes alors qu’elles sont ouvertes aux conservateurs qui ne sont pas Autochtones, qui sont Européens.»
Une délégation autochtone rencontrera à la fin du mois de mars le pape François. Elle pourra avoir accès à une partie de la collection du Vatican. Elle devrait notamment visiter le musée ethnologique Anima Mundi qui contiendrait un nombre indéterminé d’objets autochtones.
Les autorités vaticanes disent que l’objectif de la délégation est de parler de la réconciliation, mais pour les conservateurs et les artistes autochtones, celle-ci est impossible à atteindre si d’importantes œuvres d’art autochtone demeurent dissimulées.
M. McMaster, de la nation siksika, en Alberta, a tenté en vain de voir la collection complète, mais s’il est un des plus grands experts sur le sujet. Il a remporté en 2022 le Prix de contribution exceptionnelle de la gouverneure générale. Il détient une chaire de recherche des pratiques de conservation autochtones et est directeur du Centre pour la connaissance des arts visuels autochtones de l’Ontario College of Art and Design.
Il compte plus de 40 années d’expérience en art, en muséologie et en esthétisme autochtones.
«J’ai essayé, essayé et essayé de nouveau, raconte M. MacMaster en parlant de ses tentatives d’avoir accès à ses propres œuvres. Je suis revenu du Vatican complètement déçu. J’ai été incapable de parler à quiconque. J’ai même tenté d’employer des Italiens qui connaissent des gens.»
Le pape a promis au cours des dernières années une plus grande transparence au sujet de cette collection.
Selon le site internet du musée Anima Mundi, ses objets et œuvres d’art sont exposés en rotation parce qu’ils sont vieux et fragiles. Ils nécessitent une attention particulière.
La collection comprend des masques, des pipes, des tapis, des colliers et divers autres objets ayant appartenu à des communautés autochtones en Amérique du Nord. Plusieurs de ces objets ont été des cadeaux donnés aux différents papes et à l’Église catholique.
Même si c’est le cas, la façon de les traiter et de les exposer doit être faite en collaboration avec les peuples autochtones, dit M. MacMaster.
«En s’emparant de ces objets, ils ont éliminé notre lien, réduit notre compréhension des capacités et des traditions intellectuelles de nos ancêtres. Ce sont les indicateurs démontrant que sommes liés à des sites spécifiques, affirme Audrey Dreaver, conservatrice à l’Université des Premières Nations du Canada établie à Regina. Cela a eu des répercussions sur tout. Cela a eu des répercussions sur notre façon de nous voir».
Mme Dreaver, une Nehiyiwak, compare cette mainmise sur des objets culturels aux coupes de cheveux que subissaient les enfants à leur arrivée dans les pensionnats pour Autochtones.
Selon elle, ce sont des signes d’une colonisation intellectuelle et psychologique. Les objets sont admirés, mais ils ne sont pas remis aux peuples autochtones. On ne considère pas que les Autochtones aient une assez grande expertise pour qu’ils puissent les examiner.
«Ils ont encore tendance à parler de nous comme si nous étions incapables de nous occuper de nos propres cultures et de nos propres histoires», dit Mme Dreaver.
L’artiste métisse Christi Belcourt souligne que le sujet va au-delà du simple retour de ces objets aux communautés autochtones. Elle rappelle que l’Église catholique est l’un des principaux propriétaires fonciers de la planète, ce qui lui a donné sa richesse et son pouvoir.
«Les territoires et les objets doivent être remis à leurs propriétaires autochtones légitimes à l’échelle de la planète», dit-elle.