OTTAWA — Le gouvernement fédéral affirme qu’il a resserré les règles applicables aux avions russes, depuis qu’un avion de ligne commercial a pu contourner l’interdiction de pénétrer dans l’espace aérien canadien, à la fin du mois dernier, en prétendant à tort qu’il s’agissait d’un «vol humanitaire».
Le vol 111 d’Aeroflot, qui assurait la liaison entre Miami et Moscou, avait été autorisé à traverser l’espace aérien canadien, le 27 février dernier, alors qu’Ottawa venait d’interdire le jour même tout survol d’avions russes, en représailles à l’invasion de l’Ukraine par l’armée de Vladimir Poutine, qui avait commencé trois jours plus tôt.
Des responsables avaient expliqué alors que le vol 111 d’Aeroflot avait été autorisé à pénétrer dans l’espace aérien canadien parce qu’il s’était identifié comme «vol humanitaire», une désignation qui aurait été délibérément falsifiée, a suggéré lundi le directeur général de l’aviation civile à Transports Canada.
Alors que le ministère poursuit son enquête, Nicholas Robinson a suggéré devant le Comité permanent des transports des Communes que selon les responsables, Aeroflot a utilisé la désignation humanitaire pour «contourner» l’interdiction de vol du Canada.
«Les vols humanitaires sont destinés aux urgences (…) et dans ce cas-ci, nous ne voyons pas (l’urgence)», a indiqué M. Robinson.
La décision de laisser entrer le vol d’Aeroflot dans l’espace aérien canadien en raison de sa désignation «humanitaire» semble avoir été le résultat d’une confusion entre le gouvernement fédéral et Nav Canada, qui supervise le contrôle du trafic aérien dans tout le pays.
Le ministre des Transports, Omar Alghabra, a déclaré aux membres du comité, lundi, que la décision du gouvernement de fermer l’espace aérien canadien aux avions russes ne prévoyait aucune exemption pour les vols humanitaires. «C’est pourquoi une enquête est en cours sur ce qui s’est passé et comment ça s’est passé, a déclaré M. Alghabra. J’ai eu des conversations avec Nav Canada à ce sujet.»
Mais le vice-président et chef de la direction de l’exploitation de Nav Canada, Ben Girard, a déclaré au comité que les responsables avaient suivi les règles existantes de l’organisation, qui autorisent tous les vols humanitaires dans l’espace aérien canadien — ce qui, selon lui, a été confirmé par une enquête. Or, selon M. Girard, ce n’est que plus tard que l’interdiction fédérale sur les avions russes a été «clarifiée» pour bannir aussi les vols humanitaires.
55 vols russes déroutés
M. Girard a par ailleurs révélé lundi que Nav Canada ne disposait d’aucun pouvoir réel pour empêcher les avions russes de pénétrer dans l’espace aérien canadien. Toute infraction est plutôt signalée à Transports Canada, qui travaille ensuite avec la police et l’armée pour intervenir.
Les membres du comité des Communes ont également appris qu’avant l’interdiction du gouvernement, environ 140 avions russes traversaient l’espace aérien canadien chaque semaine. Après l’interdiction, 55 vols russes ont été déroutés en dehors de l’espace aérien canadien en une semaine, entre le 28 février et le 7 mars.
Sur les mers, environ 75 bateaux ont également été touchés par la fermeture des eaux canadiennes aux navires appartenant à des Russes et battant pavillon russe.
D’autre part, le ministre Alghabra a reconnu lundi qu’Air Canada et d’autres transporteurs faisaient face à des coûts plus élevés et à des itinéraires plus longs vers des destinations asiatiques telles que l’Inde et la Corée du Sud, en raison de la fermeture par la Russie de son propre espace aérien aux avions canadiens, en représailles.
«Ils ont dû dérouter la plupart ou la totalité de leurs vols qui survolaient généralement la Russie, a-t-il déclaré aux députés. Ainsi, des vols directs vers l’Inde passent maintenant par l’Europe, à savoir l’Irlande. Et cela ajoute un peu de temps et des coûts.»
Mais le ministre a estimé que les compagnies aériennes et les voyageurs canadiens appuyaient massivement l’interdiction par Ottawa des avions russes, dans le cadre de ses efforts pour punir Moscou de l’invasion de l’Ukraine.