MONTRÉAL — Le budget 2022-2023 prévoit ajouter 1 milliard de dollars à la mise en œuvre du Plan pour une économie verte 2030, qui disposera donc d’une enveloppe totalisant 7,6 milliards de dollars sur cinq ans pour lutter contre les changements climatiques, mais pour les groupes environnementaux, les efforts du gouvernement ne sont pas à la hauteur de l’urgence.
Ce n’est pas tant les sommes consenties par le gouvernement pour la lutte au changement climatique, que de la façon dont ces sommes seront dépensées qui dérange le directeur des relations gouvernementales chez Équiterre.
« Même si on augmente les budgets prévus au Plan pour une économie verte, on continue de dépenser l’argent de la même façon et dans les mêmes programmes. Il faudra donc s’attendre aux mêmes résultats. Ça ne changera pas les habitudes suffisamment pour avoir l’impact requis sur nos émissions de GES », indique Marc-André Viau.
Déséquilibre entre le réseau routier et le transport collectif
Équiterre et plusieurs groupes environnementaux déplorent notamment le déséquilibre toujours marqué entre le financement du réseau routier et celui du transport collectif.
Dans le Plan québécois des infrastructures, le gouvernement compte consacrer 30,7 milliards $ pour le financement de routes et 13,4 milliards pour le transport en commun, «malgré l’engagement de rééquilibrer à 50-50 ces investissements», fait remarquer Christian Savard, le directeur général de Vivre en ville.
«Le déséquilibre toujours marqué entre le routier et le collectif, 70% contre 30%, est un bon indicateur de l’ambition du gouvernement en matière climatique. C’est dommage parce qu’on ne semble pas faire l’adéquation entre ces options de transport faible en carbone et les dépenses des ménages en transport », souligne pour sa part Marc-André Viau d’Équiterre.
La Fondation David Suzuki rappelle que le secteur du transport, qui est responsable d’environ 40 % des émissions de GES, est celui qui pollue le plus au Québec.
«Avec les mesures annoncées dans le présent budget, force est de constater que le gouvernement risque encore une fois d’échouer l’atteinte de ses cibles de réduction de GES », fait valoir Sabaa Khan, la directrice pour le Québec de la fondation.
« Non seulement on n’a rien de nouveau, mais en plus on retarde délibérément les projets qui sont prêts comme le tramway de Québec. C’est très révélateur», ajoute M. Viau.
L’aide d’urgence post-pandémique de 196 millions au transport collectif est toutefois soulignée positivement par les groupes environnementaux.
Mais en « investissant moins de 2% de son budget total en mesures environnementales et climatiques, le gouvernement ne reconnaît pas l’interdépendance entre l’économie et l’environnement, et ainsi, l’urgence d’agir pour s’attaquer à ces crises existentielles», ajoute Sabaa Khan.
Diminution du rabais pour les véhicules électriques
Le programme Roulez vert, qui permet d’obtenir un rabais à l’achat d’un véhicule électrique est prolongé. Toutefois, à partir du 12 avril 2022, les consommateurs devront débourser davantage pour ce type de véhicule.
Le rabais est ainsi abaissé de 8 000$ à 7 000$ pour les véhicules entièrement électriques, de 8 000$ à 5 000$ pour les véhicules hybrides rechargeables et de 4 000$ à 3 500$ pour les véhicules électriques d’occasion.
Plusieurs groupes environnementaux demandaient que les programmes incitatifs à l’achat de véhicules électriques soient financés par les propriétaires de véhicules énergivores et polluants, ce qui n’est toutefois pas l’intention du gouvernement.
Pas d’argent pour de nouveaux territoires protégés
Pour Nature Québec, dont le cheval de bataille est la protection des forêts et des écosystèmes, ce budget est la preuve que «le gouvernement Legault ne comprend toujours pas qu’il y a urgence d’agir en matière d’environnement pour éviter le pire».
Le gouvernement s’est engagé à atteindre la cible de 30 % du territoire protégé d’ici 2030 et pour la directrice générale de l’organisation Alice-Anne Simard, «des efforts substantiels seront nécessaires dans les huit prochaines années pour atteindre cette cible internationale, et des investissements additionnels auraient donc dû être prévus dès cette année ».
Alice-Anne Simard s’insurge que «l’industrie forestière bénéficiera pour sa part d’un soutien additionnel de l’ordre de 152 millions de dollars» et selon elle, au moins autant «d’investissements devraient aller à protéger les forêts québécoises qu’à les raser ».
Un appui aux plans climat de Montréal et de Québec
Nature Québec accueille toutefois positivement les investissements de 117,2 millions de dollars et 49 millions de dollars qui devraient être consacrés aux plans climat des villes de Montréal et Québec.
« Mais les investissements devraient être beaucoup plus élevés et être élargis à toutes les municipalités du Québec qui auront besoin du gouvernement pour décarboniser leurs bâtiments et augmenter leur résilience face aux canicules et aux inondations grâce aux infrastructures vertes », souligne Alice-Anne Simard.
Nature Québec et d’autres organisations comme la Fondation David Suzuki demandaient au gouvernement de consacrer au minimum 1 % du budget d’infrastructure du Québec au développement d’infrastructures naturelles qui sont importantes en adaptation climatique et qui augmentent la résilience au changement climatique.
« L’équivalent de 1% des investissements en infrastructures publiques, soit environ 142 millions de dollars, aurait dû aller à la création de nouvelles infrastructures vertes, par exemple le verdissement des rues, des toits, des écoles et des hôpitaux afin de lutter contre les îlots de chaleur et la pollution atmosphérique », fait valoir Alice-Anne Simard.
Valoriser des milieux contaminés
Le budget 2022-2023 prévoit consacrer 357 millions de dollars additionnels d’ici cinq ans «pour appuyer la valorisation de milieux contaminés et la réhabilitation de terrains, stimuler la transition énergétique et soutenir les pratiques durables».
Ainsi, 61 millions de dollars sur six ans devraient être dépensés pour la mise en œuvre du plan d’action de gestion de l’amiante et des résidus miniers amiantés.
Bonification du plan d’agriculture durable
Québec compte également investir 143 millions de dollars sur cinq ans pour bonifier le Plan d’agriculture durable, réduire la pollution atmosphérique et sonore, améliorer la gestion des eaux usées, poursuivre le soutien pour un Québec plus résilient face aux sinistres et encourager l’écoconception et la réduction des matières résiduelles.
Équiterre voit d’un bon œil les sommes prévues au Plan pour une agriculture durable et les investissements annoncés dans la politique bioalimentaire, mais dit s’inquiéter de l’absence de mesure d’aide d’urgence pour les institutions.
« Les objectifs de saine autonomie alimentaire devraient se refléter dans les enveloppes budgétaires allouées aux institutions québécoises en raison notamment de leur co-bénéfice sur la santé et le développement des jeunes. Malheureusement, on ne retrouve pas cette priorité dans le budget », souligne Marc-André Viau.
Une stratégie pour l’hydrogène vert
Des investissements de 152 millions de dollars sont également prévus au cours des cinq prochaines années afin de déployer la première stratégie sur l’hydrogène vert et les bioénergies et pour la refonte du programme des crédits d’impôt pour la production de biocarburants et d’huile pyrolytique.