Le commissaire pourra «imposer des ordres» à Air Canada, plaide Petitpas Taylor

Michel Saba, La Presse Canadienne
Le commissaire pourra «imposer des ordres» à Air Canada, plaide Petitpas Taylor

OTTAWA — Le commissaire aux langues officielles pourra «imposer des ordres» à Air Canada, a plaidé mercredi la ministre des Langues officielles, Ginette Petitpas Taylor.

La ministre comparaissait devant un comité parlementaire à la suite du dépôt, au début du mois, de son projet de modernisation de la Loi sur les langues officielles.

Plusieurs députés conservateurs lui ont tour à tour fait remarquer que cette nouvelle mouture de la loi n’a pas assez de mordant, citant les «sanctions administratives pécuniaires» allant jusqu’à de 25 000 $ qui pourraient être imposées aux contrevenants.

«Air Canada a fait en 2019, avant la pandémie, 8 milliards de chiffre d’affaires. (…) 25 000 $ pour une amende! Croyez-vous qu’on va faire trembler les colonnes du temple d’Air Canada avec ça?», lui a demandé le conservateur Bernard Généreux.

Mme Petitpas Taylor lui a répondu que bien que les sanctions et les amendes soient «tangibles», les autres pouvoirs seront bien plus efficaces.

«Le pouvoir d’ordonnance, c’est vraiment ça qui va avoir plus de mordant pour des compagnies comme Air Canada», a-t-elle indiqué lors d’un autre échange avec le conservateur Jacques Gourde.

Mme Petitpas Taylor a insisté que le commissaire aux langues officielles pourra carrément «imposer des ordres» alors qu’à ce jour, il ne peut que «faire des enquêtes et des rapports».

«Il voulait avoir plus d’outils, c’est exactement ce qu’on a livré», a-t-elle lancé.

Après la réunion du comité, le député Généreux a déclaré qu’il travaillera à clarifier la signification et l’étendue du pouvoir d’ordonnance.

«C’est vraiment fondamental, a-t-il déclaré. Si le commissaire aux langues officielles a le pouvoir de donner une ordonnance à quelque entreprise que ce soit dans les transports au Canada qui sont assujettis à la loi, ça peut aller très loin.»

Autres transporteurs aériens

Et justement, plusieurs députés ont été surpris d’apprendre de la bouche de la ministre qu’Air Canada ne sera plus la seule compagnie aérienne assujettie à la Loi sur les langues officielles.

Lors de la présentation du projet de loi, Mme Petitpas Taylor avait indiqué que seulement quatre sociétés de transport de voyageurs étaient visées: Air Canada, VIA Rail, les autorités aéroportuaires et Marine Atlantique.

Appelée à clarifier ses propos de mercredi, Mme Petitpas Taylor a répondu en entrevue avec La Presse Canadienne qu’au Québec «toutes les entreprises privées de compétence fédérale seront assujetties» à la loi et qu’«à l’extérieur du Québec, ce sera seulement dans les régions à forte présence francophone».

Autrement dit, un transporteur aérien comme WestJet serait par exemple assujetti à la loi seulement dans les «régions à forte présence francophone» où il exerce ses activités, a-t-elle illustré.

Les régions en question seront précisées dans un règlement qui sera concocté seulement après que la loi aura reçu la sanction royale, une situation qui «inquiète pas rien qu’un peu» le député Généreux.

Bras de fer avec Québec

Le Bloc québécois s’est désolé qu’Ottawa refuse de soumettre les entreprises de compétence fédérale à la Charte de la langue française, communément appelée la loi 101.

En plus, la nouvelle mouture de la Loi sur les langues officielles vient «interférer» en donnant le choix aux entreprises entre les deux lois, a dit le porte-parole bloquiste et vice-président du comité, Mario Beaulieu.

«Notre nouvelle loi s’inspire beaucoup de la loi 101 du Québec», lui a répondu la ministre Petitpas Taylor.

«Ce n’est pas du tout la même chose les deux lois, lui a envoyé M. Beaulieu du tac au tac. La loi 101 vise à faire du français la langue commune des milieux du travail, alors que la Loi sur les langues officielles elle permet de travailler en français.»

«Les entreprises de compétence fédérale vont avoir l’option de soit s’inscrire dans la loi 101, (…), mais aussi vont avoir l’option de s’inscrire au régime fédéral, mais notre régime fédéral n’est pas plus facile», a soutenu Mme Petitpas Taylor.

«Ben oui, il l’est, facile», a répliqué M. Beaulieu en lui coupant la parole, tandis que la ministre secouait de la tête en lançant un: «Non».

L’échange tendu survenait alors que quelques heures plus tôt des élus d’un comité parlementaire de l’Assemblée nationale, à Québec, ont voté à l’unanimité pour soumettre à la loi 101 les entreprises de compétence fédérale qui exercent leurs activités dans la province.

«Les travailleurs québécois ont le droit de travailler en français et ils ont tous les mêmes droits, peu importe qu’ils soient dans une entreprise de juridiction fédérale ou dans une entreprise de juridiction québécoise», a déclaré peu avant le vote le ministre responsable de la Langue française, Simon Jolin-Barrette.

Ainsi, les banques, les transporteurs aériens, les entreprises de télécommunications et toutes les autres entreprises dont les activités sont de compétence fédérale devront se soumettre au processus de francisation précisé dans la loi 101.

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