QUÉBEC — Premier choc frontal entre le gouvernement Legault et le maire de Québec, Bruno Marchand, sur l’enjeu du projet de tramway.
Devant de nouvelles conditions imposées par les caquistes pour autoriser le projet à aller de l’avant, le maire soupçonne le gouvernement de faire un calcul électoraliste à courte vue. Il a reçu l’appui de l’opposition libérale, ainsi que de Québec solidaire (QS) et du Parti québécois (PQ).
Les caquistes, qui détiennent la majorité des circonscriptions dans la région, accusent le maire de ne pas partager leur vision régionale du transport et de ne pas tenir compte des automobilistes qui viennent d’aussi loin que de Portneuf et de Saint-Apollinaire.
M. Marchand les a appelés à «s’élever» et il a refusé de nouvelles conditions. Selon lui, le gouvernement ne respecte pas les compétences de la Ville en aménagement urbain.
«La CAQ fait le bon vieux calcul: ‘mes circonscriptions sont pro-auto, donc si je démonise le transport en commun, ce sera gagnant pour moi’», a imagé le maire en conférence de presse à l’hôtel de ville.
«Je pense que c’est de la politique à courte vue», a-t-il déploré, en rappelant que la circulation allait s’accroître de 100 000 déplacements supplémentaires par an d’ici à 2028 et qu’il fallait apporter des solutions à la crise climatique, avec le transport en commun.
La Ville a besoin d’un décret du conseil des ministres pour lancer l’appel d’offres et respecter son échéancier. Chaque jour de retard augmente de 274 000 $ le coût du projet, a rappelé l’opposition libérale.
Le gouvernement est prêt à l’édicter pour le 6 avril, mais énonce des conditions à satisfaire: une «vision régionale», qui correspondrait à l’adhésion au projet de tunnel autoroutier Québec-Lévis, le controversé «troisième lien»; un recul sur l’enjeu de la «rue partagée» s’il n’y a pas acceptabilité; des assurances sur le financement par le fédéral des dépassements de coûts.
Sur les informations voulant que le gouvernement fasse du chantage pour obtenir un appui clair du maire au «troisième lien», M. Marchand a été catégorique.
«Quand on me parle de vision régionale, si on me demande de signer un chèque en blanc sans connaître les tenants et aboutissants, la réponse est non», a-t-il tranché, en réclamant les études et les chiffres du gouvernement.
«Je ne vendrai pas mon âme au diable.»
En mêlée de presse, en matinée, le premier ministre François Legault a reproché à mots couverts au maire de Québec de ne pas écouter ses concitoyens.
Tout au contraire, rétorque le maire. Les citoyens sont consultés et ce sont eux qui réclament notamment un concept de «rue partagée» sur un des tronçons, où tramway, autos, cycliste et piétons cohabiteraient, a-t-il répondu.
Or le gouvernement reproche alors au maire de ne pas tenir compte des banlieusards de Saint-Augustin, Saint-Apollinaire, Portneuf, etc.
M. Marchand a rappelé que les élus de la Ville de Québec sont élus par les concitoyens de Québec.
«Ce n’est pas vrai qu’on va bâtir quelque chose pour les gens de Saint-Apollinaire. Tant mieux s’ils le prennent, mais on va bâtir quelque chose pour les gens d’ici, qui l’utilisent, qui vivent la congestion.»
«Les citoyens, qui veulent le tramway, sont pris en otage par le gouvernement», a dénoncé le porte-parole libéral en matière de transports, André Fortin.
La CAQ est en train de «tout faire pour tuer le projet», a-t-il poursuivi en point de presse au parlement.
Sa collègue, la députée Marwah Rizqy, qui était à ses côtés, a rebaptisé le parti de M. Legault la «Coalition autoritaire Québec».
Elle aussi estime que la CAQ fait un calcul politique.
«Est-ce que la CAQ a peur d’un parti politique?» a demandé M. Fortin, en évoquant ainsi la montée dans la région de Québec du Parti conservateur d’Éric Duhaime, qui est contre le tramway.