Certains aînés veulent prendre moins de médicaments… mais pas tous

Jean-Benoit Legault, La Presse Canadienne
Certains aînés veulent prendre moins de médicaments… mais pas tous

MONTRÉAL — Si une vaste majorité d’aînés sont prêts à prendre moins de médicaments si c’est possible, presque 15 % d’entre eux tiennent en revanche à conserver toute leur médication actuelle, démontre une étude réalisée à l’Université Laval.

Cet attachement «irrationnel» de certains aînés à leur médication est difficile à comprendre, admet l’auteure de l’étude, la professeure Caroline Sirois de la Faculté de pharmacie et du Centre de recherche du CHU de Québec – Université Laval.

Peut-être, dit-elle, que des aînés qui prennent un médicament depuis très longtemps lui font confiance et comprendraient mal qu’on leur demande d’arrêter.

«Peut-être (que les personnes âgées) ne seraient pas à l’aise parce qu’elles se disent, ‘mais on m’a toujours dit que je devrais prendre ce médicament-là, donc il y a peut-être des bénéfices’», a dit Mme Sirois.

Un aîné qui prend depuis plusieurs années un médicament contre le cholestérol pourrait par exemple s’inquiéter de subir un AVC, comme c’est arrivé à un proche, s’il devait interrompre sa médication ― et ce, même si on lui explique qu’il n’y a plus d’avantages à poursuivre à partir d’un certain âge, et qu’il peut même y avoir un risque potentiel d’effets secondaires plus importants, a-t-elle illustré.

La professeure Sirois et ses collègues ont recruté dans des pharmacies ou des centres communautaires du Québec 110 personnes âgées de 65 ans et plus. La moyenne d’âge des participants à l’enquête était de 75 ans, et ils prenaient entre deux et six médicaments différents par jour.

La grande majorité des participants accepterait de ne plus prendre un médicament jugé inapproprié par leur médecin, mais un participant sur 7 refuserait.

Lors d’une étude antérieure, l’équipe de la professeure Sirois avait démontré que 48 % des Québécois de plus de 65 ans prenaient au moins un médicament potentiellement inapproprié.

Le risque de prendre un médicament inapproprié augmente évidemment en fonction du nombre de prescriptions, et on devrait donc accorder une attention particulière aux personnes polymédicamentées, a dit Mme Sirois.

«On a beaucoup de questionnements à ce niveau-là et on n’a pas beaucoup de réponses dans la littérature, a-t-elle admis. Plus on a de médicaments, plus on risque d’avoir (…) un produit pour lequel les bénéfices sont moins grands que les risques ou pour lequel il existe d’autres alternatives.»

«Donc il y a vraiment quelque chose qui se passe dans notre population en général. On prend beaucoup de médicaments et on a beaucoup de médicaments dont on questionne la qualité et la pertinence, donc il faut faire quelque chose.»

Les professionnels de la santé sont de plus en plus conscients de l’importance de réévaluer la pertinence de la médication, a ajouté Mme Sirois, mais il s’agit d’un exercice complexe qui «malheureusement, prend beaucoup de temps».

«Lors d’un rendez-vous annuel avec un médecin, on a un temps limité, puis faire une vraie bonne revue de tous les médicaments, de regarder les bénéfices, les effets secondaires réels ou potentiels, les objectifs qu’on veut chercher, c’est très long, donc on n’a pas le temps nécessairement de faire ça», a-t-elle dit.

Mais même si le processus est long, le jeu en vaut la chandelle, croit Mme Sirois, puisqu’il pourrait permettre non seulement de réduire les coûts pour le système de santé, mais aussi d’améliorer la qualité de vie des patients.

Les conclusions de cette étude ont été publiées dans le Journal of Applied Gerontology.

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