Un Québécois en région éloignée documente sa vie avec le Parkinson sur TikTok

Spencer Gillis, La Presse Canadienne
Un Québécois en région éloignée documente sa vie avec le Parkinson sur TikTok

Sans eau courante et équipé seulement d’un poêle à bois pour chauffer son chalet dans un coin éloigné du Québec, Mark Hogben commence chacune de ses journées en faisant un feu et en faisant bouillir de l’eau du lac.

Ensuite, l’homme de 54 ans se connecte sur TikTok pour vérifier les analyses de ses dernières vidéos et entrer en contact avec une communauté mondiale d’amis en ligne, dont plusieurs, comme lui, sont atteints de la maladie de Parkinson.

Alors que TikTok est surtout connu pour ses vidéos virales sur les tendances en danse de la génération Z et ses sketches comiques, l’ancien Montréalais se dit surpris d’attirer des millions de vues pour des clips le montrant effectuer des tâches banales telles que couper du bois, aller chercher de l’eau et nettoyer sa cheminée.

Mais ce qui a vraiment attiré l’attention des internautes, c’est le fait qu’il fait tout cela avec une maladie neurodégénérative. Il dit que la première vidéo dans laquelle ses symptômes de stade trois sont apparents est celle qui a attiré le plus grand public.

«Je ne voulais pas faire un TikTok montrant mon visage parce que peu importe à quel point j’essaie de ne pas trembler, on va s’en apercevoir. Après 200 vidéos, j’ai fait la première où j’ai parlé et montré mon visage parce que je voulais voir comment il fonctionnerait analytiquement. Je me suis présenté, espérant secrètement que je n’obtiendrais aucune vue. Elle en a obtenu 2,7 millions», raconte M. Hogben à propos du clip, dans lequel il ne révèle pas explicitement sa maladie.

«Les gens ont reconnu ma maladie de Parkinson et ont commencé à me contacter, me demandant comment je vis éloigné sans aucune aide et depuis combien de temps je suis dans la forêt. J’ai parlé à des personnes du monde entier qui ont la maladie de Parkinson ou connaissent quelqu’un qui en souffre.»

M. Hogben dit qu’il a déménagé dans son refuge insulaire sur le lac Kipawa il y a environ sept ans et qu’il a largement embrassé la solitude – à l’exception des vidéos qu’il met en ligne deux fois par jour pour ses près de 164 000 abonnés.

Avant cela, M. Hogben a passé 30 ans à Montréal, où il a travaillé pour la compagnie de jeux vidéo Gameloft. Sa femme y vit toujours et lui rend visite l’été, ainsi que leurs deux fils adultes.

Il se souvient avoir reçu un diagnostic de stade 1 de la maladie de Parkinson en 2015 après avoir ressenti une fatigue inhabituelle, des douleurs articulaires et un tremblement dans son petit doigt droit.

Troublé par les premiers symptômes, il dit avoir déménagé dans son chalet à environ 600 kilomètres pour réaliser le rêve de sa vie de vivre sur le lac. Il pensait également que le nouveau mode de vie ― y compris le temps passé à l’extérieur, l’exercice régulier et une plus grande indépendance, comme le suggéraient ses médecins ― aiderait à gérer les symptômes.

Cependant, il voulait aussi être seul.

«J’en suis très conscient lorsque je parle à quelqu’un et que son regard se pose sur ma main tremblante. Je sais ce qui lui passe par la tête. Au début, je ne voulais plus de sympathie.»

Aujourd’hui, il dit que sa maladie de Parkinson provoque des tremblements, de la rigidité, de la lenteur et une perte d’équilibre dans tout le corps. Il ne peut plus nouer ses lacets, donc il n’en utilise plus.

«Je ne recommanderais pas cette vie aux personnes atteintes de la maladie de Parkinson, mais cela a fonctionné pour moi. Ici, je suis obligé d’être actif et indépendant pour survivre. Les médecins me disent de continuer à faire ce que je fais», dit M. Hogben.

Les téléversements quotidiens sur TikTok et les amis qu’il s’est faits en ligne l’ont aidé à traverser les sombres mois d’hiver. Il dit que faire des vidéos, répondre aux commentaires et analyser les données de ses vidéos le gardent créatif et occupé, ce qui l’aide à éviter l’ennui et la solitude.

Il réévalue son mode de vie chaque mois de septembre lors de son examen neurologique annuel à Montréal.

«Je vois la vie comme une excursion en canoë», dit-il. «Parfois, vous ne savez pas où est le portage jusqu’à ce que vous y arriviez. Je continuerai à faire ça aussi longtemps que je le pourrai; je verrai demain quand j’y serai.»

Ses vidéos ne parlent pas vraiment de la maladie de Parkinson – au 30 mars, il n’en avait parlé que deux fois depuis qu’il avait rejoint la plateforme de partage de vidéos. Mais il dit que les personnes atteintes de la maladie le trouvent sur TikTok et qu’il apprécie les messages privés et les conversations.

Et ces personnes, ainsi que ses autres abonnés, ont été essentielles pour l’aider à retrouver sa confiance.

«Une fois que j’ai annoncé que j’avais la maladie de Parkinson, j’ai cessé de m’en inquiéter», note M. Hogben.

«Maintenant, quand quelqu’un me voit trembler à l’épicerie, ça ne me dérange pas. Grâce à TikTok, j’ai déjà eu un million de personnes qui m’ont vu trembler ― une de plus ne fera pas de différence.»

— Spencer Gillis est un rédacteur pigiste spécialisé dans la culture et le sport qui vit à Montréal. Il est boursier en journalisme mondial à l’École de santé publique Dalla Lana de l’Université de Toronto.

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