Des gymnastes ont fait valoir leur colère de ne pas avoir été entendues lors d’une réunion d’urgence commandée par la ministre des Sports du Canada au sujet de la maltraitance des athlètes.
Pas moins de 270 signataires ont jusqu’ici appuyé une lettre ouverte publiée lundi dernier.
Un groupe de 70 gymnastes avaient signé une lettre ouverte pour dénoncer cette réalité, lundi dernier. Puis, au cours des derniers jours, ce nombre a plus que triplé pour atteindre 270 en cours de journée vendredi. Cette sortie des gymnastes survient un mois après celle de dizaines d’athlètes en bobsleigh et skeleton réclamant le départ du président et directeur de la performance par intérim de leur fédération nationale.
Ces sorties publiques qui s’ajoutent à de nombreuses autres ont forcé la ministre Pascale St-Onge à convoquer une réunion d’urgence, jeudi, avec des représentants de diverses organisations, dont le Comité olympique canadien et À nous le podium.
Mais les gymnastes dénoncent le fait qu’elles ont été exclues de la conversation.
Brittany Rogers est aujourd’hui adulte et a pris sa retraite de la compétition depuis trois ans. Toutefois, les mots durs qu’on lui a répétés tout au long de son enfance dans la pratique de son sport continuent de la hanter comme un disque qui saute.
T’es grosse. T’es stupide. T’es pas assez bonne.
«Je ne crois pas avoir saisi l’ampleur des dommages jusqu’à ce que je me sois retirée du sport, a confié Rogers. Et je n’ai pas pu réfléchir profondément aux effets que cela a eus sur ma personnalité aujourd’hui et aux conséquences que je continue de subir avant de me retrouver à la retraite.»
Rogers, qui a représenté le Canada aux Jeux olympiques de 2012 et de 2016, fait partie des signataires de la lettre ouverte adressée à Sport Canada au sujet de la maltraitance dans le sport et particulièrement en gymnastique.
Si les situations d’abus sont alarmantes dans tous les sports, les abus physiques et psychologiques en gymnastique impliquent des personnes mineures. Puis, ces jeunes portent ces traumas jusque dans leur vie adulte.
«De nouvelles choses refont surface presque chaque jour, affirme Rogers. Ma confiance en moi est pratiquement inexistante. Je doute de moi. Parfois, je ne peux même pas me regarder dans le miroir parce que je juge durement mon apparence physique ou encore parce que c’est ancré en moi que je ne serai jamais à la hauteur.»
Elle raconte qu’enfant elle devait monter sur le pèse-personne lors de chaque entraînement et qu’aujourd’hui elle doit encore s’entraîner de manière intensive six jours par semaine par peur de prendre du poids. Une routine qu’elle déteste.
«Les gens ne réalisent pas quelles sont les répercussions à long terme de se faire dire qu’on est grosse, stupide et qu’on ne sait rien faire», souligne la psychologue sportive de renom Penny Werthner.
«Quand vous subissez des abus physiques, émotionnels, sexuels, cela a des conséquences à long terme et souvent à vie», ajoute la doyenne de la faculté de kinésiologie à l’Université de Calgary.
Kim Shore, une ex-athlète et ancienne membre du conseil d’administration de Gymnastique Canada, qui est aussi mère de jeunes gymnastes, déclare qu’il y a eu «de la frustration» de ne pas voir d’athlètes invités à la réunion d’urgence.
Une colère partagée par les athlètes des sports de glisse ayant aussi été à l’origine de dénonciations.
«Ce sont les deux groupes dont on sait qu’ils sont mobilisés, galvanisés et qui prennent la parole publiquement», explique Shore qui ne comprend pas l’omission de la ministre.
De son côté, la ministre du Sport dit avoir accéléré le déploiement d’un mécanisme indépendant de supervision de la sécurité dans le sport à même le Centre de Règlement des Différents Sportifs du Canada et qui sera obligatoire pour chacune des fédérations. Elle promet que le tout sera en place d’ici la fin du printemps.
La ministre a qualifié la situation de «crise» dans le sport au Canada, ajoutant qu’au moins huit fédérations sportives ont fait l’objet d’allégations d’abus depuis sa nomination il y a cinq mois.