Deuil et espoir pour l’anniversaire de la mobilisation contre les féminicides

Clara Descurninges, La Presse Canadienne

MONTRÉAL — Le Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale (RMFVVC) a souligné mercredi le premier anniversaire de la mobilisation sociale contre la vague de féminicides qui a balayé le Québec.

Le 2 avril 2021, des manifestants se sont réunis un peu partout dans la province pour élever leurs voix contre la violence conjugale, alors que huit femmes avaient été tuées en autant de semaines.

«Je suis vivante, heureuse, épanouie», déclare une survivante dans une vidéo lancée mercredi lors d’une conférence de presse virtuelle. Dans le court-métrage, les témoignages de six femmes se succèdent, relatant coups, enfermement et isolement, mais c’est l’espoir qui prend le dessus. «Je suis en train de récupérer ma vie», dit une autre. 

Alors que des images de la manifestation du 2 avril se succèdent à l’écran, une survivante conclut: «Notre voix toute seule n’est pas si forte que ça, mais si on se regroupe ensemble, à un moment donné on va être entendues.»

Selon la présidente du RMFVVC, Chantal Arseneault, ce moment a vu naître «une réelle prise de conscience collective» et a «vraiment représenté un moment charnière dans la lutte contre la violence conjugale».

Des pas en avant

La coresponsable des dossiers politiques au RMFVVC, Louise Riendeau, a souligné une année marquée par la violence, mais aussi par les avancées.

Elle a cité la mise sur pied graduelle des tribunaux spécialisés, qui permettront selon elle un «meilleur accompagnement des victimes et de réduire les délais», tout en prenant en compte les impacts des traumatismes vécus par les femmes sur leur capacité à témoigner.

De plus, un projet pilote pour le système de bracelets anti-rapprochement pour les conjoints violents, marrainé par la vice-première ministre et ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault, sera implanté ce printemps. «Nous avons bon espoir qu’on pourra augmenter le sentiment de sécurité des victimes qui vont pouvoir en bénéficier», s’est réjouie Mme Riendeau.

Elle a aussi salué la création en septembre d’une ligne téléphonique où «des avocats de l’aide juridique peuvent offrir jusqu’à quatre heures de consultation aux victimes de violence conjugale et de violence sexuelle».

La réforme de la Loi sur la santé et la sécurité au travail, adoptée en octobre dernier, donne désormais «une nouvelle obligation pour les employeurs de prévenir la violence conjugale dans les lieux de travail», notamment en prenant des mesures pour soutenir et protéger un employé victime de violence.

On peut voir «des changements notables dans la couverture médiatique. On a réussi dans la dernière année à s’écarter du vocabulaire du drame familial ou du drame passionnel», a conclu Mme Riendeau.

Encore du chemin à faire

Malgré tous ces pas en avant, «le travail est loin d’être terminé», a-t-elle rappelé.

«Ces derniers jours, on a assisté aux débats sur la loi sur la protection de la jeunesse et c’était un peu navrant de voir que le ministre (Lionel) Carmant a refusé plusieurs amendements qui à notre sens auraient permis (…) de vraiment mieux tenir compte de la violence conjugale.»

Par exemple, l’un d’eux demandait que, lors d’allégations de violence conjugale, les évaluations de l’enfant et des parents soient faites par un spécialiste de la question.

Mme Riendeau demande aussi que la loi québécoise ait une définition plus complète de ce qu’est la violence conjugale, qui est une forme de «contrôle coercitif». «Ce n’est pas juste un ou des événements isolés, mais c’est une trame où le conjoint essaie de restreindre la liberté de sa partenaire», a-t-elle fait valoir, ajoutant que les formes psychologiques de contrôle sont souvent méconnues.

Elle souhaite finalement que tous les intervenants qui pourraient entrer en contact avec une situation de violence conjugale soient adéquatement formés pour être capables de reconnaître une situation dangereuse. Elle pense aux policiers, mais aussi «aux intervenants psychosociaux, aux médecins et aux équipes médicales».

L’effet pandémie

La pandémie ― et les mesures sanitaires qui ont suivi ― ont entraîné une hausse marquée de la violence conjugale au Québec. En 2021, 17 femmes ont été tuées dans un tel contexte.

Les dernières données du ministère de la Santé indiquent qu’entre 2010 et 2019, «en moyenne, 33 tentatives de meurtre, 11 homicides et 2 crimes de négligence criminelle sont perpétrés annuellement» en situation de violence conjugale.

Ce même rapport montre que les trois quarts des infractions contre la personne commises dans un cadre de violence conjugale sont faites par des hommes, sur des femmes.

Le taux d’infractions par habitant a connu une hausse de 7,5 % en dix ans. Ce chiffre inclut entre autres les homicides, les agressions sexuelles, les voies de fait, le harcèlement et les menaces.

Il faut cependant noter qu’au pays, environ quatre victimes sur cinq ne font pas de signalement à la police, selon une enquête de 2019 de Statistique Canada.

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Si vous vivez de la violence conjugale ou connaissez quelqu’un dans cette situation, vous pouvez rejoindre la ligne SOS violence conjugale au 1-800-363-9010 pour obtenir de l’aide.

Ce service est gratuit, anonyme et disponible 24 heures sur 24.

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Cet article a été produit avec le soutien financier des Bourses Meta et La Presse Canadienne pour les nouvelles.

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