Percée dans le traitement du cancer du poumon non à petites cellules

Jean-Benoit Legault, La Presse Canadienne

MONTRÉAL — Combiné à la chimiothérapie et administré avant l’intervention chirurgicale, un médicament qui rétablit la réponse immunitaire antitumorale augmente de façon importante les chances de survie des patients atteints d’un cancer du poumon non à petites cellules, constate une étude à laquelle ont collaboré des chercheurs montréalais.

Le cancer du poumon non à petites cellules (CPNPC) est la forme de cancer du poumon la plus courante.

Lors d’un essai clinique de phase 3, l’administration du nivolumab néoadjuvant a réduit de 37 % le risque de récidive après la chirurgie. De plus, la période médiane de survie sans événement ― c’est-à-dire, le temps qui s’est écoulé entre l’inscription à l’essai et la progression ou la récurrence de la maladie ou le décès ― a augmenté de près d’un an grâce au nouveau traitement.

«C’est la première fois en quelques décennies qu’on a un résultat si impressionnant pour pouvoir obtenir une guérison pour des patients qui ont la possibilité d’être opérés, mais pour qui on sait que le cancer est assez avancé que les chances de récidives sont très élevées», s’est réjoui le directeur médical du réseau d’oncologie thoracique McGill, le docteur Jonathan Spicer, qui a agi comme chirurgien principal et membre du comité directeur de l’étude CheckMate-816.

Le docteur Spicer prédit que les résultats de cette étude viendront «changer la donne pour nos patients».

Du côté du CHUM, le docteur Moishe Liberman, qui a lui aussi contribué à cette étude, abonde dans le même sens et estime que ce «développement représente la plus grande avancée en 20 ans dans le traitement de ce type de cancer».

Jusqu’à présent, le traitement standard de ces patients prévoyait une intervention chirurgicale suivie d’une chimiothérapie; toutefois, seulement la moitié des patients survivaient assez longtemps pour être traités en chimiothérapie. Avec la nouvelle approche, plus de 95 % des patients pourront recevoir une chimio-immunothérapie avant d’être opérés, a-t-on indiqué par voie de communiqué.

Cela devrait prolonger la survie des patients et permettre aux chirurgiens de leur proposer une intervention moins invasive et moins complexe, a expliqué le docteur Spicer.

Le docteur Spicer et ses collègues ont recruté 352 patients atteints d’un CPNPC aux fins de leur étude. La moitié des participants a reçu trois cycles de nivolumab combinés à une chimiothérapie, et l’autre moitié trois cycles de chimiothérapie avant de subir une intervention chirurgicale.

La durée médiane de survie sans événement a été de 31,6 mois dans le premier groupe et de 20,8 mois dans le deuxième. Un an après le début de l’étude, ces pourcentages étaient de 76,1 % et de 63,4 % respectivement, et deux ans après le début de l’étude, de 63,8 % et de 45,3 %.

Après deux ans, 82,7 % des patients du premier groupe étaient toujours vivants, contre 70,6 % des patients du deuxième groupe, ce qui se traduit par une amélioration de 12 % du taux de survie global chez les patients ayant reçu la chimiothérapie et le nivolumab, qui a comme effet de réveiller le système immunitaire à la présence de cellules cancéreuses qu’il doit nettoyer.

De plus, les chercheurs ont constaté chez le quart des patients du premier groupe une absence de cellules tumorales viables résiduelles dans la tumeur primaire et les ganglions lymphatiques prélevés. La même réponse pathologique complète a été vue chez seulement 2,2 % des patients de l’autre groupe.

Enfin, la thérapie combinée a semblé permettre une réduction de la durée des interventions chirurgicales et favoriser le recours à des approches beaucoup moins invasives, particulièrement chez les patients souffrant d’un cancer de stade plus avancé.

«C’est d’autant plus important quand on parle du poumon parce qu’on s’en sert à chaque minute de nos poumons, a souligné le docteur Spicer. C’est vraiment une première qu’on soit capables de peut-être réduire la quantité de poumons qu’on doit enlever tout en maintenant une résection complète de la maladie, et aussi la possibilité de faire des chirurgies plus fréquemment avec des techniques moins invasives, des petites incisions permettant une récupération plus rapide du patient. Donc ça, ce sont vraiment des résultats très importants pour ces patients-là.» 

D’après l’étude, à peine le quart des patients atteints d’un CPNPC peuvent être opérés. Entre un tiers et un peu plus de la moitié des patients qui subissent une chirurgie présentent une récidive et finissent par succomber à la maladie. Ces résultats représentent donc pour eux un espoir significatif.

«Ce sont des patients (…) qui ont une maladie qui est avancée, qui est déjà répandue dans les ganglions, une grosse tumeur, a conclu le docteur Spicer. La chance d’une métastase au cerveau ou dans les os à une date ultérieure est quand même élevée. Donc on sait que si on fait juste leur faire une chirurgie, dans quelques mois ou un an ou deux après, il y a une métastase qui va se manifester, tandis que quand on combine ces traitements-là, on peut vraiment augmenter le taux de guérison.»

Les résultats de cette étude ont été présentés lors de la réunion annuelle de l’American Association for Cancer Research et publiés simultanément dans le prestigieux New England Journal of Medicine.

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