Enquête lancée sur le recours par le gouvernement à la Loi sur les mesures d’urgence

Émilie Bergeron, La Presse Canadienne
Enquête lancée sur le recours par le gouvernement à la Loi sur les mesures d’urgence

OTTAWA — Comme il était tenu de le faire, le gouvernement Trudeau a lancé lundi une enquête sur le premier recours à la Loi sur les mesures d’urgence de l’histoire du Canada.

L’investigation sera menée par le juge franco-ontarien Paul S. Rouleau, qui agira à titre de commissaire. Celui-ci a œuvré à la Cour d’appel de l’Ontario et à la Cour suprême des Territoires-du-Nord-Ouest, entre autres.

«Il examinera les circonstances qui ont mené au recours à la Loi sur les mesures d’urgence et formulera des recommandations visant à empêcher que de tels événements ne se reproduisent», a déclaré le premier ministre Justin Trudeau par voie de communiqué.

L’exercice se déroulera sous la forme d’une commission d’enquête publique. Le ministre de la Protection civile, Bill Blair, a indiqué en mêlée de presse que le commissaire aura les pleins pouvoirs qui lui sont conférés en vertu de la Loi sur les enquêtes, comme celui d’obliger des témoins à comparaître et d’ordonner la production de documents.

Le ministre de la Sécurité publique, Marco Mendicino, a affirmé que le conseil des ministres était prêt à collaborer dans le cadre de l’enquête, y compris pour fournir des documents classifiés. Il n’a toutefois pas précisé si tous les documents de ce type qui existent seront partagés.

«C’est une décision pour le juge et (celui-ci) va faire son travail (de manière) indépendante, impartiale. C’est un processus qui a beaucoup d’intégrité», a-t-il offert en réponse aux questions des journalistes.

Le juge Rouleau s’est dit honoré du mandat qui lui est confié. «Au cours des jours et des semaines à venir, je travaillerai à mettre sur pied la Commission des états d’urgence. Je communiquerai sous peu de plus amples renseignements sur son fonctionnement», a ajouté, par communiqué, celui qui devra remettre son rapport final d’ici au 20 février 2023.

Lundi était la date butoir pour que le fédéral mette en branle le processus d’enquête sur son utilisation de la Loi sur les mesures d’urgence lors des blocages de camionneurs aux postes frontaliers canadiens et dans le centre-ville d’Ottawa, plus tôt cette année.

Le texte législatif établit que le gouvernement fédéral dispose de 60 jours après la fin de son recours à la loi pour lancer le processus d’investigation.

Des voix se sont élevées, dans les dernières semaines, pour réclamer que l’enquête soit pleinement indépendante. L’Association canadienne des libertés civiles (ACLC), qui s’est tournée vers la Cour fédérale pour contester le recours qui a été fait à la Loi sur les mesures d’urgence, a signé une déclaration conjointe en ce sens avec 13 autres organisations, dont la Ligue des droits et libertés.

L’ACLC n’a pas été convaincue, lundi, par l’enquête annoncée. «Les tentatives faites par le gouvernement pour détourner l’attention du public de ses propres actions sont préoccupantes. Les remarques émises par le premier ministre et d’autres membres de son cabinet ne portent pas sur l’essentiel, à savoir, la responsabilité du gouvernement, ce qui ne fait que rendre la nécessité de poursuivre notre action en justice encore plus manifeste», a réagi, par écrit, la directrice du programme de justice pénale de l’organisation, Abby Deshman.

Aux Communes, le Bloc québécois a salué la formule préconisée d’une commission d’enquête publique. «Ce qu’on aime, c’est que le mandat du juge Rouleau est assez large et comme ce sera public, on aura, au jour le jour, des informations pertinentes qui nous permettrons d’à notre tour questionner le gouvernement en Chambre», a commenté la leader parlementaire ajointe de la formation politique, Christine Normandin.

Le conservateur Gérard Deltell a pour sa part accusé les libéraux de manquer de  transparence en refusant de déposer à la Chambre des communes tous les documents pertinents entourant sa décision de recourir à la Loi sur les mesures d’urgence.

«Comme la loi l’oblige, (le gouvernement) a déclenché une enquête aujourd’hui, mais il le fait à la dernière minute», a-t-il par ailleurs déploré.

L’enquête n’est pas le seul examen post-mortem de la façon dont le gouvernement et les forces de l’ordre ont géré les manifestations ayant paralysé le centre-ville d’Ottawa. Un comité de sénateurs et de députés a été mis sur pied pour examiner la façon dont les pouvoirs ont été utilisés.

L’un des coprésidents de ce comité, le bloquiste Rhéal Fortin, a récemment signalé à La Presse Canadienne qu’il avait l’intention de suivre de près les travaux de l’enquête maintenant lancée par le gouvernement Trudeau.

«C’est clair que ça va alimenter nos propres réflexions», a-t-il dit en soulignant que les travaux de l’enquête déclenchée et ceux du comité qu’il copréside sont menés «en parallèle», bien qu’ils pourront s’avérer complémentaires.

Un autre coprésident, le néo-démocrate Matthew Green, a soutenu lundi que «tout élément légal et législatif entourant la Loi sur les mesures d’urgence seront suivis de près». Il estime que les procédures légales impliquant des organisateurs du «convoi de la liberté» ont déjà permis d’en savoir plus sur les intentions qu’ils avaient et le financement de leurs activités, par exemple.

Contrairement aux conservateurs et aux bloquistes, les néo-démocrates avaient appuyé le recours à la Loi sur les mesures d’urgence au cours d’un vote à la Chambre des communes. M. Green a indiqué que sa position n’a pas changé même s’il a affirmé en avoir appris davantage sur les événements depuis.

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