Les Premières Nations du Québec créent une stratégie d’autodétermination

Clara Descurninges, La Presse Canadienne

MONTRÉAL — L’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador (APNQL) a annoncé jeudi la création d’un Bureau de l’autodétermination et de l’autonomie gouvernementale, dans le cadre d’une stratégie pour assurer ces droits.

Le Bureau servira à mettre en commun les ressources et expertises des différentes Nations, mais aussi à mener des recherches sur des enjeux liés à l’autodétermination. Une veille stratégique et médiatique sera aussi faite à ce sujet.

«J’aimerais rappeler une évidence: que les Premières Nations sont des peuples distincts possédant des droits fondamentaux, dont celui à l’autodétermination et celui à l’autonomie gouvernementale», a fait valoir jeudi le chef de l’APNQL, Ghislain Picard, accompagné des chefs des Nations de l’APNQL, lors d’une conférence de presse à Montréal.

Il a ajouté que la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, qui a été adoptée en juin 2021 par le Parlement canadien, reconnaît cet état de fait. En 2019, l’Assemblée nationale avait adopté à l’unanimité une motion demandant au gouvernement «de reconnaître les principes et de s’engager à négocier la mise en oeuvre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones avec les Premières Nations et les Inuits».

«Je tiens à préciser que l’exercice de ce droit à l’autodétermination n’est pas une action contre les Québécois et les Canadiens. C’est plutôt une action prise par et pour nos Nations et nos communautés, a mentionné le chef Picard. Il s’agit d’une prise en charge légitime des responsabilités qui nous sont imputables comme élus et gouvernements de nos Nations.»

De gouvernement à gouvernement

«Historiquement, ce qui est très souvent arrivé, c’est qu’on a légiféré à notre propos, on nous a considérés comme des subalternes, que nous n’étions pas égaux, mais cette époque arrive à sa fin», a commenté la grande cheffe de Kahnawake, Kahsennehawe Sky-Deer, lors de la conférence. «Nous devons dépasser les structures comme la Loi sur les Indiens et les autres lois coloniales qui ont affecté nos peuples.»

«Nous allons nous tenir debout devant les gouvernements coloniaux, qui préféreraient nous voir rester assis en silence», a déclaré le chef Picard, alors que les chefs des Nations de l’APNQL se tenaient derrière lui.

Il a rappelé que les instances décisionnelles autochtones ne sont pas simplement des membres de la communauté civile, mais bien des gouvernements indépendants à part entière.

Malgré cela, «les gouvernements (du Québec et du Canada) ne nous laissent plus le choix: trop de décisions relèvent d’une idéologie paternaliste que nous croyions révolue», a-t-il soutenu.

Il a ainsi fait référence à plusieurs points de tensions qui se sont accumulés au courant des dernières années, notamment le choix de Québec de contester devant les tribunaux la loi fédérale C-92, qui reconnaît l’autorité des Autochtones en ce qui concerne leurs services à l’enfance. Québec plaide que C-92 empiète sur les compétences provinciales.

Le chef Picard a aussi déploré un manque d’écoute de la part du gouvernement provincial. «Nous nous sommes prêtés à l’exercice qui nous a été régulièrement offert, de proposer des solutions, de proposer notamment des amendements à des projets de loi clés» qui pourraient avoir des conséquences sur les communautés des Premières Nations, a-t-il dit. «Et nous constatons que la porte, contrairement à ce que nous aurions attendu, est loin d’être ouverte et est même complètement fermée.»

Il a cité le projet de loi 15 sur la protection de la jeunesse, le projet de loi 96 sur la langue française, ainsi que «la notion de sécurisation culturelle, qui a fait l’objet de nombreuses recommandations».

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Cet article a été produit avec le soutien financier des Bourses Meta et La Presse Canadienne pour les nouvelles.

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