Projet de loi pour que les juges soient mieux outillés sur la violence conjugale

Mia Rabson, La Presse Canadienne
Projet de loi pour que les juges soient mieux outillés sur la violence conjugale

OTTAWA — Les juges devront suivre régulièrement une formation sur la violence conjugale et le contrôle coercitif, si un projet de loi connu sous le nom de «loi Keira» est adopté par le Parlement.

Le projet de loi est surnommé ainsi en l’honneur de Keira Kagan, une fillette de quatre ans qui avait été retrouvée sans vie avec son père biologique, Robin Brown, au pied d’une falaise près de Milton, à l’ouest de Toronto, en février 2020.

Deux semaines plus tôt, la mère de Keira, Jennifer Kagan, avait demandé au tribunal une injonction urgente pour faire suspendre les visites non supervisées de Brown à sa fille, parce qu’elle craignait une escalade de comportements abusifs.

L’affaire avait été ajournée en attendant l’enquête des services d’aide à l’enfance et pour permettre à Brown de donner sa version, mais la petite Keira est morte avant la fin de ce processus.

Mme Kagan a déclaré en conférence de presse qu’elle avait été victime de violence conjugale lorsqu’elle était mariée à Brown. Cette relation s’est terminée lorsque Keira était bébé.

Elle a soutenu que lors des audiences du tribunal de la famille, le juge lui avait dit que la violence conjugale et le contrôle coercitif qu’elle avait subis dans son couple n’étaient pas pertinents pour la garde de la petite Keira.

«Keira a été mise en contact dangereux avec un individu extrêmement dangereux, a déclaré Mme Kagan. Et le résultat ? Elle a été tuée à l’âge tendre de quatre ans. Elle ne méritait pas cette fin violente et prématurée.»

L’enquête du coroner a déterminé que Keira était morte d’un traumatisme à la tête provoqué par un objet contondant. Le rapport indique que la police n’avait pas pu déterminer les circonstances exactes de sa mort, mais souligne également que la police avait répertorié plusieurs facteurs de risque en ce qui concerne Brown et la violence domestique.

Mme Kagan a déclaré que les juges au Canada utilisent des «stéréotypes dépassés» sur la violence domestique et ne savent pas la reconnaître vraiment. Ces signes comprennent le contrôle coercitif, un modèle de comportement qui inclut des agressions, des menaces, des humiliations, des intimidations et d’autres abus pour blesser ou effrayer une victime.

«Nous sommes ici aujourd’hui parce que Keira a été exclue d’un système judiciaire qui est systématiquement mal informé sur la violence domestique et qui n’a pas mis la sécurité des enfants au premier plan», a déclaré Mme Kagan.

La «loi Keira» fait partie d’un projet de loi d’initiative parlementaire déposé par la députée libérale montréalaise Anju Dhillon, avec l’appui de ses collègues libérales ontariennes Ya’ara Saks et Pam Damoff.

Le projet de loi vise également à modifier le Code criminel afin que les juges puissent exiger un dispositif de surveillance à distance lorsque l’accusé d’une infraction contre un partenaire intime est libéré sous caution.

C’est la deuxième fois ces dernières années qu’un projet de loi est débattu pour que les juges suivent une formation continue sur un sujet précis. Le premier projet de loi, adopté il y a un an, oblige maintenant les juges à suivre une formation sur les agressions sexuelles.

La députée Damoff a déclaré qu’on avait songé à ajouter l’année dernière la formation sur la violence domestique et le contrôle coercitif à ce projet de loi, lorsqu’il était devant le Sénat, mais on a craint que cet ajout ne retarde encore son adoption. Il aura fallu quatre ans et trois tentatives pour faire adopter cette loi, présentée pour la première fois par l’ancienne chef conservatrice par intérim Rona Ambrose. 

Mme Damoff a déclaré que le principe de la «loi Keira» est appuyé par tous les partis au Parlement et a la bénédiction du gouvernement libéral. Elle espère qu’il franchira rapidement toutes les étapes de la procédure parlementaire.

Le projet de loi C-233 a franchi la deuxième étape du débat en Chambre vendredi et a été transmis pour examen au Comité permanent de la condition féminine des Communes.

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