Le Québec affiche un bilan pandémique étonnant par rapport à d’autres juridictions

Pierre Saint-Arnaud, La Presse Canadienne
Le Québec affiche un bilan pandémique étonnant par rapport à d’autres juridictions

MONTRÉAL — Le Québec présente un bilan pandémique étonnant lorsqu’on le compare à d’autres juridictions, et ce, tant du côté de la surmortalité que de l’espérance de vie.

Les données publiées par l’Institut de la statistique du Québec (ISQ), mercredi, font ainsi état d’une surmortalité de 4,5 %, soit environ 6400 décès de plus que ce qui aurait normalement été attendu, entre mars 2020 et mars 2022. 

Pourtant, le Québec comptabilise un peu plus de 15 000 décès liés à la COVID depuis le début de la pandémie, un des bilans les moins reluisants au monde. Toutefois, il semble maintenant évident que ce chiffre est surévalué.

Une comptabilisation des données distincte

L’ISQ fait d’ailleurs remarquer que les différentes autorités ne comptabilisent pas les causes de décès liées à la COVID-19 de la même façon. Selon l’Institut, l’analyse de la surmortalité permet la meilleure comparaison des conséquences sanitaires de la pandémie. 

«La manière dont nous faisons les choses est différente ici des autres provinces et d’autres juridictions au Canada et à travers le monde», a expliqué le directeur national de la santé publique par intérim, le docteur Luc Boileau, en marge de son annonce de la levée du port obligatoire du masque à compter du 14 mai.

«Le meilleur portrait qui permet de déterminer s’il y avait vraiment quelque chose de terrible qui s’est produit comparativement à d’autres juridictions est le taux de surmortalité», a-t-il indiqué.

Par contre, a-t-il pris soin de préciser, «il est impossible d’avancer avec une probabilité élevée que ce sont seulement 6400 personnes qui sont mortes de la COVID-19, dont le décès était directement relié à la maladie. C’est seulement le taux de surmortalité de 4,5 % qui donne le chiffre de 6400.»

Le docteur Boileau a expliqué qu’il y a bel et bien eu 15 000 personnes «qui sont mortes de la COVID ou avec la COVID», ce qui signifie que la COVID était présente, mais n’était pas toujours la cause du décès. Ce calcul est attribuable au fait que la présence de la COVID chez une personne décédée devait être indiquée dans les formulaires destinés aux autorités provinciales même si une autre maladie avait causé le décès.

Une forte amélioration après l’échec initial

Le docteur Boileau reconnaît que le Québec s’est retrouvé en queue de peloton en début de pandémie et l’hécatombe survenue dans les CHSLD en témoigne largement. «Par contre, dit-il, ce qu’on a réussi à montrer au Québec, c’est que cette mortalité a été mieux contrôlée sur l’ensemble de la pandémie jusqu’à maintenant que dans d’autres juridictions.»

L’Institut de la statistique lui donne raison: «Le bilan de surmortalité des États-Unis est largement supérieur à celui du Québec, tandis que celui du reste du Canada, initialement inférieur à celui du Québec, s’en est progressivement rapproché et l’a surpassé en 2021», peut-on lire dans son analyse.

Les données de surmortalité de 16 pays analysés par l’Institut sont d’ailleurs révélatrices: le taux de 4,5 % pour les deux dernières années place le Québec au septième rang de ces 16 pays. Les États-Unis viennent au dernier rang avec un taux de 18 %, précédés de l’Italie (14,4 %), de l’Espagne (13,1 %), du Royaume-Uni (11,1 %), de la Belgique (9,7 %), des Pays-Bas (9,2 %), de la Suisse (8,8 %), de la France (7,3 %),  de la Suède (6,4 %) et du Canada hors Québec (6,2 %), toutes des juridictions affichant une surmortalité plus élevée que celle du Québec. Trois pays scandinaves, la Finlande, le Danemark et la Norvège, se classent mieux que le Québec, tout comme la Corée du Sud. 

L’impact des mesures

«Ce n’est pas dû uniquement au fait d’avoir été chanceux ou pas. C’est aussi dû à comment on a organisé les services. Les politiques publiques qui ont été mises de l’avant pour protéger la population, les plus vulnérables, la façon dont on a géré les dispositions à prendre dans les différents milieux», a fait valoir Luc Boileau.

Sans surprise, le premier ministre François Legault n’était pas peu fier de commenter ces chiffres, mercredi. «Ce que ça veut dire, c’est que les consignes qu’on a mises en place depuis deux ans, ont donné des effets», a-t-il dit. 

«Évidemment, un décès, c’est un décès de trop, mais grâce aux consignes, grâce au masque, grâce à tous les efforts qu’on a faits sur la vaccination, on se retrouve que le Québec a eu moins de décès que dans le reste du Canada, qu’aux États-Unis, que dans le reste du monde», a poursuivi le premier ministre, qui a salué «la solidarité des Québécois qui ont suivi les consignes et qui ont accepté d’aller se faire vacciner plus qu’ailleurs». 

De son côté, le docteur Boileau a aussi précisé que le chiffre de 6400 cache d’autres réalités qu’on peut difficilement évaluer. Par exemple, la grippe vient de faire son apparition, mais il n’y avait préalablement eu aucun cas d’influenza durant deux ans, probablement en raison des mesures sanitaires très strictes qui en ont empêché la progression. Or, l’influenza fait en moyenne quelque 360 décès par année au Québec, mais ce nombre peut être beaucoup plus élevé: par exemple, la grippe a été la cause de 1042 décès en 2018. «Il y a eu moins de cas d’influenza, mais plus de cas de COVID, et ça pourrait avoir influencé les données», a-t-il expliqué.

L’espérance de vie repart à la hausse

Une autre donnée dévoilée mercredi par l’ISQ montre que l’espérance de vie des Québécois s’est remise du choc causé par la pandémie de COVID-19. 

L’espérance de vie de la population québécoise, qui était de 82,9 ans en 2019, dernière année avant la pandémie et qui avait chuté à 82,3 ans en 2020, a rebondi en 2021 pour atteindre 83 ans.

De ce côté, les femmes maintiennent leur avantage:; l’ISQ précise que la durée de vie moyenne s’établit à 81,1 ans chez les hommes et à 84,9 ans chez les femmes. 

Or, la fiche analytique de l’Institut montre aussi que contrairement au Québec, l’espérance de vie de 2021 n’est pas revenue au niveau de 2019 dans la majorité des pays pour lesquels des données sont disponibles. 

Avant la pandémie, on observait déjà un léger ralentissement de la croissance de l’espérance de vie au Québec, mais ce ralentissement était plus marqué dans le reste du Canada et plus encore aux États-Unis. Par exemple, l’écart entre le Québec et les États-Unis, qui était d’environ 2 ans en 2001, est passé à 4 ans en 2019, et il s’est creusé davantage avec la pandémie pour atteindre 6 ans, selon l’estimation provisoire de l’année dernière.

«L’écart entre le Québec et les autres juridictions autour de nous s’accentue. C’est une bonne nouvelle, et ce, malgré tout ce qui s’est passé dans cette période lourde de pandémie», a noté le directeur de la santé publique.

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