La Cour suprême précise l’application de Jordan dans le cas d’un deuxième procès

Émilie Bergeron, La Presse Canadienne
La Cour suprême précise l’application de Jordan dans le cas d’un deuxième procès

OTTAWA — La Cour suprême du Canada a tranché, dans un jugement rendu public vendredi, que la fin des procédures judiciaires en vertu de l’arrêt Jordan n’aurait pas dû être accordée à un homme accusé d’agression sexuelle. Cette décision vient clarifier que le compteur repart à zéro quand un deuxième procès est ordonné.

La position du plus haut tribunal au paysa été entérinée par huit juges sur neuf.

Dans cette affaire, la Couronne tentait depuis 2018 de tenir un deuxième procès pour juger un Québécois acquitté de sept chefs d’agression sexuelle en 2017. Le septuagénaire ne peut pas être identifié en raison d’une ordonnance de non-publication.

Son deuxième procès n’avait pu se tenir puisque l’homme avait invoqué, avec succès, l’arrêt Jordan en se basant sur les délais de son premier procès.

Or, une majorité de magistrats de la Cour suprême a maintenant renversé l’arrêt de procédures judiciaires en statuant que les délais du premier procès ne pouvaient pas être pris en compte. L’accusé devra donc à nouveau se défendre devant la Cour du Québec.

«Le prononcé d’une ordonnance de nouveau procès a pour effet de ramener à zéro les aiguilles de l’horloge constitutionnelle calculant le délai», a écrit le juge en chef, Richard Wagner, au nom des juges majoritaires.

Le jugeWagner a néanmoins précisé qu’il était possible de tenir compte des délais en première instance «dans certaines circonstances exceptionnelles», bien que cela ne s’applique pas dans ce cas-ci.

Les juges majoritaires estiment que l’accusé a trop tardé à invoquer l’arrêt Jordan, qui établit un plafond maximal de 18 mois en cour provinciale et de 30 mois pour les tribunaux supérieurs.

«L’intimé n’a pas agi en temps utile. En effet, ni avant ni pendant la tenue de son premier procès l’intimé n’a soulevé la violation de son droit d’être jugé dans un délai raisonnable, peut-on lire. Il n’a pas non plus présenté de moyen en ce sens devant la Cour d’appel après que le ministère public eut décidé de porter en appel le verdict.»

La contestation tardive des délais «nuit à la saine administration de la justice», a déterminé la Cour suprême.

La juge dissidente Suzanne Côté a pour sa part évalué qu’on ne peut reprocher à l’accusé de ne pas avoir invoqué l’arrêt Jordan durant son premier procès – devant la Cour du Québec – puisqu’il espérait être acquitté.

L’homme a d’ailleurs été acquitté en février 2017. Le délai total entre le moment de l’accusation et le verdict avait été d’un peu plus de 72 mois, dont 62 mois étaient imputables à la Couronne, et l’accusé n’avait pas invoqué de délais indus.

Cependant, en juin 2018, la Cour d’appel cassait le verdict d’acquittement, invoquant des erreurs de droit du juge de première instance et ordonnait la tenue d’un nouveau procès. C’est à la suite de cette décision que l’accusé avait demandé un arrêt des procédures en se basant sur la question des délais indus, et ce, bien que le nouveau procès devait se terminer à la fin du mois de mai 2019, soit 11 mois après la décision d’ordonner un nouveau procès.

En février 2019, la juge qui devait entendre le nouveau procès donnait raison à l’accusé, estimant que les délais du premier procès avaient été déraisonnables et ordonnait un arrêt des procédures. La Couronne en avait appelé de cette décision.

En mai 2020, trois juges de la Cour d’appel avaient unanimement confirmé cette décision. Le tribunal avait précisé que bien que le premier procès était terminé, cela ne signifiait pas que les droits de l’accusé s’étaient éteints.

La Cour suprême a infirmé cette décision. L’accusé devra donc subir un nouveau procès devant la Cour du Québec.

– Avec des informations de Pierre Saint-Arnaud

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