N.-É: un chef de police estime que la GRC l’a poussé à garder un rapport secret

Michael Tutton et Keith Doucette, La Presse Canadienne
N.-É: un chef de police estime que la GRC l’a poussé à garder un rapport secret

HALIFAX — Un chef de la police de la Nouvelle-Écosse a déclaré à un enquêteur l’année dernière qu’à la suite de la fusillade de masse de 2020, il s’était senti «poussé» par la Gendarmerie royale du Canada (GRC) de ne pas publier un rapport qui avait averti que le tireur était une menace connue des années avant son carnage.

Dans une entrevue largement critique à l’égard de la GRC, le chef de la police de Truro, David MacNeil, a déclaré que peu de temps après les meurtres des 18 et 19 avril 2020, les officiers de la GRC, Chris Leather et Janis Gray, avaient organisé un appel pour discuter afin de savoir si le chef divulguerait publiquement un avertissement de 2011 concernant le tueur, Gabriel Worman.

M. MacNeil a déclaré que les officiers supérieurs semblaient préoccupés par le fait qu’un rapport de sécurité envoyé neuf ans avant le meurtre – qui avertissait les officiers que Gabriel Wortman possédait des armes à autorisation restreinte et qu’il «voulait tuer un policier» – serait rendu public à la suite de demandes d’accès à l’information.

Le chef a déclaré que la GRC lui avait demandé si le document «causerait potentiellement des problèmes», et il aurait répondu qu’il publiait le document et que cela ne posait pas de problème pour son service de police. 

David MacNeil a dit à l’enquêteur chargé de l’enquête publique sur la fusillade que lui et son chef adjoint avaient l’impression d’être «poussés dans une direction avec laquelle il n’était pas à l’aise».

Cependant, le capitaine Chris Marshall, un porte-parole de la GRC, a déclaré que Chris Leather et Janis Gray avaient simplement contacté la police de Truro «pour plus de détails, y compris le contexte des informations contenues dans le bulletin et si des informations supplémentaires étaient disponibles».

Le document qui a été déterré par la police de Truro était l’un des nombreux cas indiquant que le tireur avait été signalé à la police au cours de la décennie précédant les meurtres.

Truro est la ville la plus proche des scènes de meurtre dans le centre et le nord de la Nouvelle-Écosse. Dans son entrevue avec la commission, M. MacNeil a décrit les informations fournies par la GRC à la police de Truro comme une fusillade qui se déroulait de manière «fragmentée» et «n’ayant aucun sens».

Appels téléphoniques

M. MacNeil a déclaré que la première indication que la police de Truro avait eu des problèmes était lorsqu’elle avait reçu un appel du centre de santé de Colchester East Hants vers minuit, environ deux heures après que le premier appel au 911 a été passé à la GRC depuis le secteur de Portapique.

Le chef de la police a indiqué aux enquêteurs que, selon les enregistrements téléphoniques de son service policier, la police de Truro a appelé la GRC à 00h06 pour obtenir une mise à jour, mais la GRC n’a pas été en mesure de prendre l’appel. M. MacNeil a dit que la GRC avait rappelé à 00h55 avec des informations initiales indiquant qu’il y avait une «situation de tireur actif» à Portapique.

Il a mentionné aux enquêteurs qu’il n’avait pas été informé personnellement que quelque chose se passait jusqu’à ce qu’il reçoive un message texte de son chef adjoint vers 8h30 ou 9h00.

«Je n’ai eu aucun avis officiel de qui que ce soit d’autre que cela, car il ne semble pas que nous connaissions vraiment l’ampleur en tant que service de police et ce qui se passait jusqu’à plus tard», a déclaré M. MacNeil.

Il a dit avoir envoyé un courriel à des officiers supérieurs de la GRC et avoir offert l’aide de la police de Truro. Il aurait reçu une réponse quelques minutes après 10h le remerciant pour l’offre, mais l’informant que la GRC avait un «suspect coincé à Wentworth».

«Donc à partir de là, les décisions que j’ai prises le reste de la journée étaient basées sur ce courriel indiquant qu’ils avaient un suspect à Wentworth», a-t-il dit. Mais en fait, le tueur n’a pas été identifié et n’a été retrouvé qu’un peu avant 11h30.

Une fois au bureau vers 10h25, M. MacNeil a déclaré qu’on lui avait dit que les informations provenant de la GRC avaient été «très sporadiques» et que la police de Truro «n’avait pas vraiment de consigne».

M. MacNeil a affirmé que la police de Truro avait reçu des avertissements concernant trois possibles véhicules conduits par le suspect, dont un après 8h du matin indiquant que le tireur se trouvait dans une réplique de voiture de la GRC entièrement identifiée. Ce n’est qu’après le carnage qu’il a été mis au courant d’une vidéo d’un citoyen montrant le tueur qui traversait la ville Truro, a dit M. MacNeil.

Les enquêteurs se sont référés à une chronologie de la GRC indiquant qu’un de leurs agents a appelé la police de Truro à 10h15 pour leur demander de fermer tous les points d’accès de leur ville au cas où le suspect s’y rendrait. Le chef a dit qu’il n’était pas clair ce que cela signifiait précisément à ce moment. «Par exemple, où voulez-vous le barrage routier?» a-t-il dit aux enquêteurs. 

Il a affirmé qu’il n’y avait pas eu de suivi à la suite de l’appel parce qu’il y avait eu un autre appel téléphonique à 10h59 informant que le suspect se trouvait sur une route au sud de Truro, puis un autre informant que le suspect pourrait se trouver dans une épicerie, créant une confusion quant à son emplacement exact.

M. MacNeil a fait savoir qu’à 11h29, la GRC a appelé pour dire qu’elle avait tué le suspect.

Le chef a soutenu que ses commentaires critiques n’étaient pas liés à la possibilité que son service de police puisse jouer un rôle dans le remplacement de la GRC dans les zones rurales autour de Truro.

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