La Lettonie souhaiterait une force permanente de l’OTAN dans les pays baltes

Lee Berthiaume, La Presse Canadienne
La Lettonie souhaiterait une force permanente de l’OTAN dans les pays baltes

OTTAWA — Le premier ministre Justin Trudeau est sorti jeudi d’une réunion privée avec son homologue letton avec la promesse de renforcer la présence militaire du Canada en déployant davantage d’officiers des Forces armées canadiennes dans l’État balte.

M. Trudeau n’a cependant pas accordé au premier ministre letton Krišjānis Kariņš sa principale demande, soit apporter le soutien clair du Canada à l’élargissement de forces de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) permanentes en Lettonie et dans les autres pays baltes, la Lituanie et l’Estonie.

M. Trudeau a indiqué aux journalistes après sa rencontre que les risques doivent être réévalués, pour savoir à quel point il faut se serrer les coudes pour se protéger d’éventuelles agressions russes. 

M. Kariņš était allé à sa réunion à huis clos avec M. Trudeau dans l’espoir d’insister sur la nécessité d’une présence militaire considérablement renforcée dans les pays baltes pour contrer toute perception russe de faiblesse de l’OTAN dans la région.

Le Canada compte actuellement près de 700 soldats à la tête d’un groupement tactique de l’OTAN en Lettonie. Il s’agit de l’une des quatre forces de l’OTAN dans les pays baltes et en Pologne créées en 2016 et destinées à dissuader une agression russe dans cette région. L’alliance en prévoit quatre autres en Bulgarie, en Hongrie, en Roumanie et en Slovaquie.

Dans une entrevue avec La Presse Canadienne avant sa rencontre avec M. Trudeau, M. Kariņš a souligné que les Canadiens se comportent admirablement bien aux côtés de leurs collègues de neuf autres pays membres de l’Alliance atlantique, et que la Lettonie est reconnaissante de cette présence militaire.

Pourtant, il a soutenu que le groupement tactique dirigé par le Canada dans son pays, ainsi qu’en Lituanie et en Estonie, avait été créé dans un contexte différent, alors qu’une guerre avec la Russie semblait un scénario improbable, et que l’invasion de l’Ukraine par Moscou avait changé tous les calculs.

Les groupements tactiques ont été présentés comme des «fils de détente», dans le but de faire réfléchir le Kremlin à deux fois avant de lancer une attaque, car cela apporterait une réponse unifiée de l’ensemble de l’alliance militaire de l’OTAN, composée de 30 membres.

M. Kariņš semble être d’accord avec les experts qui avertissent depuis longtemps que ces fils-pièges ressemblent davantage à des ralentisseurs qui ne feraient pas grand-chose pour empêcher la Russie de traverser les pays baltes avant que l’OTAN ne puisse réagir, une situation qui, selon lui, est désormais inacceptable.

«Ce que nous voyons en Ukraine et la façon dont la Russie mène la guerre (…) signifient que cette stratégie doit être ajustée, a-t-il dit. Là où l’armée russe va, non seulement les infrastructures civiles sont détruites, mais des civils sont abattus, mutilés, assassinés, violés, torturés, déportés, tués. Cela signifie que nous devons avoir une position plus solide dans les pays baltes pour empêcher qu’une attaque ne se produise en premier lieu.»

M. Kariņš et ses homologues de l’Estonie et de la Lituanie voisines ont depuis appelé l’OTAN à augmenter considérablement la taille et les capacités des groupements tactiques dans leurs trois pays en ajoutant plus de troupes et d’équipements.

Le premier ministre letton a spécifiquement appelé à une «défense au niveau de la division» dans chaque pays, ce qui comprendrait l’ajout de radars, de défenses antiaériennes et antimissiles et d’autres capacités. Cela représenterait potentiellement des milliers de soldats supplémentaires dans la région.

Il a également demandé que les forces soient rendues permanentes, ce qui n’est pas le cas actuellement. La mission du Canada a récemment été prolongée jusqu’en mars 2025 après plusieurs prolongations précédentes. Il a ajouté que cette décision enverrait «un signal très clair à Moscou».

«Le signal que Moscou doit comprendre n’est pas qu’ils seraient punis pour être entrés (en Lettonie), a-t-il indiqué. Mais que s’ils entraient, ils échoueraient dès la première minute. Pas dès la première semaine ou dès le premier mois, mais dès la toute première minute.»

La Lettonie ne souhaite pas nécessairement que le Canada fournisse les troupes supplémentaires nécessaires, a-t-il ajouté, mais que le gouvernement joigne sa voix à ceux qui réclament une présence élargie et permanente de l’OTAN dans les pays baltes lorsque les dirigeants de l’alliance se réuniront en Espagne le mois prochain.

M. Trudeau a reconnu la nécessité de «recalculer» les hypothèses précédentes de l’OTAN et ce qu’elle considère comme acceptable en ce qui concerne une attaque contre les pays baltes, notant les rapports d’atrocités par les troupes russes dans des endroits comme Boutcha et Marioupol, en Ukraine. 

Mais il ne dira pas si le Canada appuie l’expansion des groupements tactiques et leur pérennisation.

Le premier ministre canadien a plutôt annoncé le déploiement imminent d’un général et de six officiers d’état-major des forces armées dans un quartier général de l’OTAN à Ādaži, près de la capitale lettone de Riga, où ils aideraient à coordonner les activités de l’alliance dans les pays baltes.

«C’est quelque chose que la Lettonie avait en fait demandé au Canada de fournir pour continuer à aider dans la région, a précisé M. Trudeau. Ensemble, nous continuerons de nous défendre contre les menaces qui pèsent sur la démocratie et la stabilité mondiale et à les dissuader partout dans le monde.»

L’armée russe aurait subi des pertes importantes lors de son invasion de l’Ukraine, ce qui soulève des questions sur sa capacité à s’engager dans un conflit plus large avec l’OTAN. Certains ont également averti que davantage de troupes de l’OTAN à sa frontière pourraient provoquer Moscou.

Mais M. Kariņš a déclaré que la Russie est le provocateur avec son invasion de l’Ukraine, et que parce que la décision du président russe Vladimir Poutine d’attaquer a défié toute logique, il est impossible d’exclure une expansion potentielle du conflit dans les pays baltes s’il considère la région comme vulnérable.

«Ce que vous devez exclure, c’est qu’il pourrait réussir de quelque manière que ce soit», a conclu le premier ministre letton.

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