Pas assez de services pour les élèves en difficulté, selon le Protecteur du citoyen

Caroline Plante, La Presse Canadienne
Pas assez de services pour les élèves en difficulté, selon le Protecteur du citoyen

QUÉBEC — Déjà avant la pandémie, les élèves du primaire en difficulté d’apprentissage peinaient à recevoir tous les services auxquels ils ont pourtant droit en vertu de la Loi sur l’instruction publique.

C’est le principal constat du Protecteur du citoyen, Marc-André Dowd, qui a mené une vaste enquête en 2019-2020 après avoir été mis au fait de la difficulté d’accéder à ces services pour certains élèves.

Il a présenté lundi un rapport spécial d’une soixantaine de pages, lors d’une conférence de presse à l’Assemblée nationale, en suggérant que la situation post-pandémique pourrait être bien pire.

«Dans un grand nombre de dossiers actuellement au Protecteur du citoyen, (…) la pénurie de main-d’oeuvre est un élément qui est de plus en plus préoccupant», a déclaré M. Dowd.

Des élèves qui attendent leur tour

Dans son rapport intitulé «L’élève avant tout», il déplore que les organismes scolaires ne disposent pas du personnel requis pour répondre aux besoins de tous les élèves.

Plus de 86 000 élèves du primaire — soit un élève sur sept — présentaient, avant la pandémie, des difficultés d’adaptation ou d’apprentissage.

M. Dowd note que l’offre de services éducatifs complémentaires (orthopédagogie, psychoéducation, orthophonie, éducation spécialisée) est limitée par le financement disponible.

Et que «d’importantes contraintes administratives» imposées par le ministère de l’Éducation nuisent à la disponibilité du personnel spécialisé auprès des élèves.

Cette situation est «grandement» préoccupante, puisque les services sont offerts «selon ce qui est possible», plutôt que «selon ce qui est nécessaire», a-t-il dit.

«À une étape cruciale de leur développement, des élèves du primaire n’ont pas toute l’attention nécessaire de la part du système scolaire pour favoriser leur réussite», déplore le Protecteur.

«Alors qu’ils « attendent leur tour » pour des services auxquels la loi leur donne droit, ces élèves en difficulté ne font pas les progrès attendus et leurs retards persistent, freinant leur parcours scolaire.»

Au Québec, la loi garantit à chaque élève le droit de recevoir gratuitement des services d’enseignement et des services éducatifs complémentaires, mais elle ne mentionne pas de délai acceptable pour les dispenser.

L’enquête du Protecteur du citoyen démontre que dans la moitié des cas recensés, l’élève a dû attendre de cinq à huit mois avant d’obtenir une première évaluation de ses besoins.

Ensuite, dans le quart des cas, il est question de plus de huit mois d’attente pour mettre les services en place. Le milieu scolaire est plus enclin à offrir des services si l’enfant est en situation d’échec.

«Or, l’atteinte de la note de passage n’est pas un barème pour conclure qu’un enfant n’a pas ou n’a plus de difficultés d’adaptation ou d’apprentissage.

«Dans certains cas, les services ont simplement cessé au moment où l’enfant a obtenu la note de passage, alors que les besoins étaient encore là», dénonce le Protecteur.

42 % vont au privé

Dans ce contexte, les écoles elles-mêmes invitent les parents à aller chercher de l’aide pour leurs enfants au privé, a souligné en conférence de presse M. Dowd.

«C’est 42 % des 800 parents qui ont participé à notre appel à témoignages qui ont été invités à faire appel au privé, à un moment ou un autre, pour aller chercher des services.

«Il y a un enjeu là qui est un enjeu d’équité, parce qu’avoir recours aux services du privé, bien, il y a des gens qui n’ont pas les moyens.»

Lundi, la Centrale des syndicats du Québec (CSQ), qui représente 125 000 membres en éducation, a salué le travail de M. Dowd.

Elle a rappelé qu’elle avait dénoncé «à de nombreuses reprises» le fait que les services soient établis en fonction de l’enveloppe disponible et non des besoins des élèves.

«Il existe un fossé entre ce que la loi prescrit et ce qui se passe sur le terrain», a affirmé la vice-présidente de la CSQ, Line Camerlain.

Modèle «déficient», admet Roberge

Dans une déclaration envoyée aux médias, le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, a reconnu que le modèle de financement des services aux élèves en difficulté était «déficient».

«En 2023, un nouveau modèle de financement sera en vigueur. Un modèle de financement qui sera plus efficace et qui répondra adéquatement aux besoins des élèves», a-t-il affirmé.

Le ministre estime que ce nouveau modèle pourra libérer 375 000 heures de bureaucratie en faveur des services directs aux élèves.

Le rapport «L’élève avant tout» se fonde sur des plaintes et des signalements récurrents de parents et de membres du personnel professionnel des services éducatifs complémentaires.

Plus de 800 membres du personnel professionnel qui offrent des services éducatifs complémentaires et autant de parents d’élèves ont participé à l’enquête.

Le Protecteur du citoyen a également mené de nombreuses entrevues avec des gestionnaires et des administrateurs de centres de services scolaires et de commissions scolaires.

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Recommandations du Protecteur du citoyen:

– valoriser davantage les postes en services éducatifs complémentaires et effectuer un suivi des postes à pourvoir;

– élaborer des outils pour orienter le rôle, les responsabilités ou la participation des parents, des élèves et des intervenants dans la dispensation des services éducatifs complémentaires;

– développer, à l’intention du personnel enseignant, l’offre de formation continue portant sur les besoins des élèves;

– revoir le modèle de financement des services éducatifs complémentaires et les modalités de reddition de comptes en se basant sur les besoins réels des élèves;

– établir et financer un seuil minimal de services à l’échelle de la province.

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