QUÉBEC — Les pannes d’électricité se multiplient et durent de plus en plus longtemps, déplore la vérificatrice générale du Québec, en concluant que la fiabilité du service offert par Hydro-Québec à la population laisse à désirer, au moment même où la demande ne cesse de croître.
Au Québec, durant la dernière décennie, le nombre de pannes de courant est passé de 36 314 en 2012, à 42 035 en 2021, en hausse de 16%. Pendant la même période, la durée moyenne de ces pannes a fait un bond de 100 à 163 minutes par client, soit une hausse de 63 %.
Dans son rapport annuel 2022-2023 déposé mercredi à l’Assemblée nationale, Guylaine Leclerc s’inquiète de la qualité du service essentiel offert par la société d’État aux millions de Québécois qui dépendent d’elle pour se chauffer et s’éclairer.
Loin de s’améliorer, tout indique que la situation ira de mal en pis. En 2020, Hydro-Québec s’était donné l’objectif de diminuer la durée moyenne des pannes par client, qui devait passer de 189 minutes à 175 minutes en 2025. Or, la moyenne ne cesse d’augmenter. En 2021, c’était 201 minutes. Au lieu de réviser à la baisse ses objectifs, Hydro-Québec les revoit à la hausse, avec désormais une cible de 221 minutes en 2026.
En général, Mme Leclerc note une «baisse marquée» du service offert par la société d’État à ses millions de clients, déplorant aussi le manque d’efforts déployés par Hydro-Québec pour prévenir les pannes et remplacer ses actifs vieillissants.
Le rapport produit par le bureau du Vérificateur général ne porte pas sur la production d’électricité ni sur le transport de la source d’énergie, se concentrant uniquement sur l’analyse de la qualité du réseau de distribution d’Hydro-Québec, un secteur où on a pu documenter des «lacunes importantes» quant à la gestion et aux pratiques en vigueur.
«La fiabilité du service de distribution s’est dégradée au cours des dernières années», conclut-elle dans son rapport, ajoutant que le plan de réduction des pannes, adopté par la direction en 2020, n’a pas donné les résultats escomptés.
Ce plan, d’abord estimé à 800 millions $, a dû être bonifié à 1,1 milliard $, soit une hausse de 43 % du coût.
On observe aussi des ratés du côté de la «maintenance préventive», soit le travail fait en amont pour éviter la multiplication des pannes de courant. Seulement le quart des travaux prévus à cette fin en 2021 ont été réellement effectués.
La multiplication des pannes coûte cher: de 2016 à 2021, Hydro-Québec a consacré de 144 à 202 millions $ pour les réparer.
Pour éviter les pannes, il importe de pouvoir compter sur des actifs en bon état de fonctionner. Or, Hydro-Québec, le pilier sur lequel compte le gouvernement Legault pour effectuer la transition énergétique du Québec, «n’est pas outillée» pour faire face au défi du vieillissement de ses actifs, un phénomène inquiétant «qui s’accentuera dans les prochaines années».
La vérificatrice constate des lacunes dans la stratégie d’Hydro en ce qui a trait au nécessaire remplacement d’équipements vieillissants. On calcule qu’on devra remplacer de 7000 à 30 000 poteaux par année d’ici 2035 et 14 000 transformateurs d’ici 2030. Mais la vérificatrice estime qu’il existe un risque réel qu’Hydro-Québec ne soit pas en mesure de remplir cette commande, faute d’effectifs en nombre suffisant sur le terrain.
«La saine gestion des actifs du réseau de distribution d’électricité d’Hydro-Québec est capitale, puisqu’Hydro-Québec fournit un bien essentiel à la quasi-totalité de la population québécoise et que le coût d’acquisition historique de ces actifs est d’environ 17 milliards $», écrit-elle.
Réaction d’Hydro-Québec
Dirigée par Sophie Brochu, la société d’État a réagi au rapport en se faisant rassurante, acceptant d’emblée les recommandations de la vérificatrice et se disant «déjà à l’oeuvre» pour corriger les lacunes identifiées.
En vue de réduire le nombre de pannes, ses deux priorités seront les suivantes: accroître les investissements consacrés à la maintenance préventive des poteaux et augmenter les activités de maîtrise de la végétation, qui cause de 40 à 70% des pannes. Le budget dévolu au contrôle de la végétation, qui peut entrer en concurrence avec les équipements d’Hydro, atteignait 100 millions $ l’an dernier.
À propos du vieillissement de ses équipements, la direction d’Hydro-Québec reconnaît que «notre réseau a atteint la moitié de sa durée de vie utile». Elle s’engage à assurer «la pérennisation de nos actifs et de raffiner nos stratégies préventives».
Dans les rangs de l’opposition, la lecture de la situation était différente. La porte-parole de Québec solidaire, la députée Christine Labrie, a affiché son inquiétude, en affirmant que «les gens ne comprennent pas pourquoi les infrastructures (d’Hydro-Québec) sont si mal entretenues».