La nouvelle génération de joueurs de tennis s’est établie, en 2022

Alexandre Geoffrion-McInnis, La Presse Canadienne
La nouvelle génération de joueurs de tennis s’est établie, en 2022

MONTRÉAL — L’année 2022 a marqué un tournant historique dans l’univers du tennis masculin. Le ‘Big Three’, qui dominait son sport depuis près de deux décennies déjà, a commencé à s’effacer afin de céder l’avant-scène à de jeunes coqs tels que Carlos Alcaraz et Félix Auger-Aliassime, entre autres. 

Cette tendance s’est confirmée lors de la publication du classement final de 2022 plus tôt ce mois-ci, lorsque Alcaraz est devenu le plus jeune tennisman à finir une année au premier rang mondial depuis que celui-ci a été informatisé par l’ATP en 1973. 

Il est du même coup devenu le premier joueur en 20 ans à ne pas s’appeler Rafael Nadal, Roger Federer, Novak Djokovic ou Andy Murray — soit depuis Andy Roddick en 2003 — à terminer une année au premier rang mondial. Un exploit.

«Pendant 20 ans, ç’a toujours été les mêmes joueurs qui gagnaient les gros tournois, a récemment déclaré l’Espagnol au média britannique ‘The National’. En ce moment, il y a tellement de chances de gagner ces tournois et tellement de joueurs qui peuvent y aspirer. Je suis très heureux de constater qu’il y a beaucoup de joueurs qui peuvent aspirer au sommet. Notre groupe est vraiment imposant.»

Alcaraz, qui a fêté son 19e anniversaire en mai, est demeuré au premier rang du classement masculin depuis qu’il a remporté son premier titre du Grand Chelem en carrière à Flushing Meadows en septembre, après avoir disposé de Casper Ruud en finale.

Signe que les temps changent dans le tennis masculin, huit membres du top-10 mondial sont maintenant âgés de 26 ans ou moins. Les seules exceptions à la règle étant Nadal (no 2) — qui s’est tout de même signalé avec deux autres titres du Grand Chelem en 2022, portant son total à 22 en carrière — et Djokovic (no 5) — qui a triomphé à Wimbledon en juillet pour étoffer sa collection de titres majeurs à 21 —, les deux derniers membres du ‘Big Three’. 

Malgré tout, les jeunes joueurs ont su tirer leur épingle du jeu cette saison. C’est notamment le cas d’Auger-Aliassime. Celui-ci est passé du 11e rang mondial au début de 2022 au sixième à la fin de l’année, notamment grâce à une séquence irrésistible au cours de laquelle il a remporté trois titres consécutifs cet automne — à Florence, Anvers et Bâle. 

«J’ai connu un très bon début d’année — j’ai failli participer aux demi-finales aux Internationaux d’Australie, à un point près —, et ensuite il y a eu Rotterdam, où j’ai eu un premier déclic (…) C’est vrai que ma victoire à Rotterdam m’a enlevé un gros poids sur les épaules. On dirait que ce début d’année là m’a donné beaucoup de confiance en moi et en mon jeu, et après il y a eu des hauts et des bas. Mais j’ai réussi à garder un très bon niveau, à être constant à travers ça, et ce que j’ai réussi à faire en fin d’année, je pense que ç’a vraiment solidifié ma place parmi les meilleurs joueurs du monde», a déclaré Auger-Aliassime à La Presse Canadienne, après un entraînement en marge de la World Tennis League, à Dubaï.

Une progression si fulgurante que le chef de la performance chez Tennis Canada, Guillaume Marx, a déclaré lors du traditionnel bilan de fin d’année de son organisation ce mois-ci qu’il (Auger-Aliassime) «suit son chemin, je pense, pour remporter un titre du Grand Chelem d’ici les deux prochaines années». Rien de moins, pour celui qui a reçu il y a quelques jours le titre de joueur par excellence et joueur de simple de l’année selon Tennis Canada. 

«Oui, je crois que c’est réaliste pour moi, si je regarde où j’en suis aujourd’hui, a admis sans hésitation Auger-Aliassime. Je n’ai toujours pas gagné de tournoi Masters 1000, ni de Grand Chelem, mais je crois que c’est le genre de titre que je dois gagner plus tôt que tard dans ma carrière — pour m’enlever ce poids-là des épaules. Mais oui, j’envisage ça avec beaucoup de motivation, et de détermination. J’ai ce qu’il faut pour y parvenir, et je pense que c’est maintenant à moi de rendre ça possible.»

La hiérarchie mondiale a aussi été passablement secouée dans les compétitions par équipe, notamment la Coupe Davis. Propulsé par Auger-Aliassime, Denis Shapovalov et leurs coéquipiers, le Canada a remporté le Saladier d’argent, le trophée le plus prestigieux dans le monde du tennis par équipe, pour la première fois de son histoire le mois dernier. Un moment particulièrement mémorable, de l’avis d’Auger-Aliassime.

«Un tournoi comme celui-là, un trophée comme celui-là, que tu peux ramener chez toi, c’est absolument magnifique, a-t-il mentionné. J’espère que ce ne sera pas le dernier, que ce ne sera pas la dernière coupe Davis de ma carrière avec le Canada, mais dans tous les cas je pense que je vais me souvenir de ce moment-là pour le reste de ma carrière, et de ma vie également.» 

Le pays est du même coup devenu le 16e de l’histoire à remporter les grands honneurs de cette compétition. De plus, le Canada est assuré de participer aux Finales de la Coupe Davis de 2023, qui s’amorceront le 11 septembre.

On ne peut évidemment passer sous silence le départ à la retraite de l’un des plus grands joueurs de l’histoire — sinon le plus grand —, Roger Federer. Le Suisse a fait ses adieux au tennis en septembre, lors d’un match de double mémorable disputé aux côtés de son vieil ami Nadal, dans le cadre de la Coupe Laver. 

Qui arrêtera Swiatek?

Chez les dames, un changement de garde est aussi en train de s’opérer, et plusieurs observateurs se demandent maintenant qui sera en mesure de freiner Iga Swiatek. 

Les performances de Swiatek lui ont d’ailleurs permis d’être nommée la joueuse de l’année sur le circuit de la WTA pour la première fois de sa carrière, après s’être emparée du premier rang mondial en avril et y être demeurée jusqu’à la fin de la campagne.

Swiatek, la recrue de l’année sur le circuit professionnel féminin en 2020, a dominé la WTA avec 67 victoires et huit titres — dont deux acquis en Grand Chelem. Cette fiche comprend sa série de 37 victoires, au cours de laquelle elle a décroché six titres, et qui s’est étalée de février à juillet 2022. Il s’agissait de la plus longue séquence du genre en tennis féminin en 25 ans.

«J’ai l’impression que tout est tombé en place cette saison, avait dit Swiatek en visioconférence avec l’Associated Press alors qu’elle était imbattable. Je ne m’attendais pas à être si constante sur le terrain.»

La Polonaise âgée de seulement 21 ans a donc conclu la saison avec une impressionnante avance devant ses principales adversaires en tête du classement mondial de la WTA, qui a été publié le mois dernier. La Tunisienne Ons Jabeur — qui fut finaliste à Wimbledon et aux Internationaux des États-Unis — fera partie de ses principales rivales, après avoir terminé la campagne en deuxième position — un sommet personnel.

Swiatek a notamment profité de l’annonce surprise de la retraite de l’Australienne Ashleigh Barty en mars, à l’âge de 25 ans, pour s’emparer de la couronne. Elle a ensuite obtenu son deuxième titre du Grand Chelem aux Internationaux de France en juin, avant de s’adjuger celui des Internationaux des États-Unis en septembre. Elle était alors devenue la première joueuse depuis l’Allemande Angelique Kerber en 2016 à obtenir deux titres majeurs au cours d’une même saison.

Quant aux Canadiennes du top-100 mondial, c’est-à-dire Leylah Annie Fernandez (no 39), Bianca Andreescu (no 45) et Rebecca Marino (no 65), ce fut une année en demi-teinte, de l’avis même du chef du tennis féminin professionnel et de transition de Tennis Canada, Sylvain Bruneau. 

Le Québécois a souligné lors du bilan de fin d’année de Tennis Canada que Fernandez et Andreescu, qui sont respectivement âgées de 20 et 22 ans, ont le potentiel pour s’établir dans le top-20 mondial. Mais elles devront se retrousser les manches pour y parvenir. 

Selon Bruneau, ces résultats décevants sont attribuables en partie aux relâchements qui se produisent parfois après de grands résultats — il a cité les cas d’Eugenie Bouchard après Wimbledon en 2014, d’Andreescu après les Internationaux des États-Unis de 2019 et de Fernandez après ceux de 2021. La blessure de Fernandez aux Internationaux de France l’été dernier, et la pause d’Andreescu entre novembre 2021 et avril 2022, ont également affecté leur progression respective au classement.

Bruneau a aussi reconnu qu’il avait été déçu du résultat de ses protégées à la Coupe Billie Jean King le mois dernier. À ce sujet, il a rappelé que le Canada avait joué de malchance en affrontant les deux derniers pays champions de la compétition — la Russie en 2021, et la Suisse en 2022. 

Il reste maintenant à voir si les Canadiennes sauront redresser la barre en 2023, afin d’être à la hauteur des résultats de leurs compatriotes masculins. 

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