L’époque anthropocène a débuté dans les années 1950, selon les scientifiques

Seth Borenstein, The Associated Press
L’époque anthropocène a débuté dans les années 1950, selon les scientifiques

Qu’il s’agisse du changement climatique, de la disparition des espèces ou de la pollution, l’homme a marqué la Terre de son empreinte avec une telle force et une telle permanence depuis le milieu du XXe siècle qu’une équipe spéciale de scientifiques affirme qu’une nouvelle époque géologique a commencé à ce moment-là.

Baptisée «anthropocène» (des termes grecs pour «humain» et «nouveau»), cette époque a débuté entre 1950 et 1954, selon les scientifiques. Bien qu’il existe dans le monde entier des preuves de l’impact de la combustion de combustibles fossiles, de la détonation d’armes nucléaires et du déversement d’engrais et de plastiques sur la terre et dans les cours d’eau, les scientifiques proposent de placer un marqueur historique dans un lac petit, mais profond, situé à l’extérieur de Toronto, au Canada : le lac Crawford.

«Il est évident que l’échelle des changements s’est incroyablement intensifiée et que l’impact humain en est la cause», a dit Colin Waters, un géologue de l’Université de Leicester qui a présidé le groupe de travail sur l’anthropocène. 

Cela place l’influence de l’Homme dans une catégorie quelque peu similaire à celle de la météorite qui s’est écrasée sur la Terre il y a 66 millions d’années, tuant les dinosaures et marquant le début de l’ère cénozoïque, ou ce que l’on appelle familièrement l’âge des mammifères. Mais pas tout à fait. Alors que cette météorite a marqué le début d’une nouvelle ère, le groupe de travail propose que l’Homme n’ait marqué le début que d’une nouvelle époque, qui est une période géologique beaucoup plus petite.

Le groupe cherche à déterminer une date précise de début de l’anthropocène en mesurant les niveaux de plutonium au fond du lac Crawford.

L’idée de l’anthropocène a été proposée lors d’une conférence scientifique il y a plus de 20 ans par le chimiste Paul Crutzen, aujourd’hui décédé et lauréat d’un prix Nobel. Des équipes de scientifiques ont débattu de la question depuis lors et ont finalement mis sur pied le groupe de travail chargé d’étudier la nécessité de l’anthropocène et, dans l’affirmative, de déterminer quand l’époque commencerait et où elle serait commémorée. 

Le lac Crawford, d’une profondeur de 29 mètres et d’une largeur de 24 000 mètres carrés, a été choisi parmi 11 autres sites parce que les effets annuels de l’activité humaine sur le sol, l’atmosphère et la biologie de la Terre sont si clairement préservés dans ses couches de sédiments. Ces effets vont des retombées nucléaires à la pollution menaçant les espèces, en passant par la hausse constante des températures.

Depuis environ 1950, le lac Crawford émet des signaux distincts et multiples qui montrent que «les effets de l’Homme submergent le système terrestre», a rappelé Francine McCarthy, une membre du comité et une spécialiste de ce site en tant que professeure de sciences de la Terre à l’Université Brock, au Canada.

«L’enregistrement annuel remarquablement préservé des dépôts dans le lac Crawford est vraiment étonnant», a estimé Marcia McNutt, la présidente de l’Académie nationale des sciences des États-Unis, qui ne faisait pas partie de la commission. 

L’anthropocène montre le pouvoir ― et l’orgueil ― de l’humanité, ont déclaré plusieurs scientifiques.

«L’orgueil démesuré consiste à imaginer que nous contrôlons la situation», a dit l’ancien conseiller scientifique de la Maison-Blanche, John Holdren, qui ne faisait pas partie du groupe de travail composé de scientifiques et qui n’est pas d’accord avec la date proposée pour le début de l’anthropocène, préférant une date beaucoup plus rapprochée. 

«La réalité est que notre pouvoir de transformation de l’environnement a largement dépassé notre compréhension des conséquences et notre capacité à changer de cap.»

Les géologues mesurent le temps en éons, ères, périodes, époques et âges. Le groupe de travail scientifique propose que l’époque de l’anthropocène succède à l’époque de l’holocène, qui a débuté il y a environ 11 700 ans à la fin d’une période glaciaire. 

Il propose également que cette époque marque le début d’une nouvelle ère, appelée Crawfordienne, d’après le lac choisi comme point de départ. 

La proposition doit encore être approuvée par trois groupes de géologues différents et pourrait être approuvée lors d’une grande conférence l’année prochaine.

Si les géologues n’ont pas déclaré que l’anthropocène marquait le début d’une mesure du temps plus importante, telle qu’une période, c’est parce que la période actuelle du quaternaire, qui a débuté il y a près de 2,6 millions d’années, est basée sur les glaces permanentes des pôles de la Terre, qui existent toujours. Mais dans quelques centaines d’années, si le changement climatique se poursuit et que ces glaces disparaissent, il sera peut-être temps de changer cela, a déclaré M. Waters.

«Si vous connaissez les tragédies grecques, vous savez que le pouvoir, l’orgueil démesuré et la tragédie vont de pair, a déclaré Naomi Oreskes, une historienne des sciences à Harvard et une membre du groupe de travail. Si nous ne nous attaquons pas aux aspects néfastes des activités humaines, et plus particulièrement au changement climatique, nous courons à la tragédie.»

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