OTTAWA — Le ministre fédéral de la Justice a déclaré mardi qu’un projet de loi visant à lutter contre la haine en ligne demeure une «priorité absolue» pour son gouvernement, alors que Justin Trudeau a souligné la nécessité pour les Canadiens de respecter la liberté d’expression de chacun.
Le ministre Arif Virani soutient que la plus récente guerre entre Israël et le Hamas a entraîné une forte augmentation des discours haineux en ligne depuis le 7 octobre. Il rappelle que ces tensions se sont également manifestées par de violentes agressions visant des groupes religieux et communautaires.
«On n’a pas besoin de ça dans ce pays, et je pense qu’un projet de loi sur la haine en ligne peut aider à résoudre ce problème», a déclaré M. Virani mardi matin avant la réunion hebdomadaire du cabinet, à Ottawa.
Le ministre n’a toutefois pas précisé si le nouveau projet de loi serait déposé en Chambre avant les vacances des Fêtes, qui débuteront probablement à la mi-décembre. «J’espère qu’il sera déposé bientôt, parce que j’entends (les pressions) des intervenants et des Canadiens inquiets.»
Les libéraux avaient promis pour la première fois lors de la campagne électorale de 2019 de présenter un projet de loi visant à lutter contre les «préjudices en ligne» comme «la radicalisation, l’incitation à la violence, l’exploitation des enfants et la création ou la distribution de propagande terroriste».
Un projet de loi a effectivement été déposé en juin 2021, mais il est mort au feuilleton lors du déclenchement d’élections anticipées plus tard cette année-là.
Les organisations juives et musulmanes admettent qu’il est essentiel que le gouvernement fasse les choses correctement lorsqu’il s’agit de définir ce qu’on entend au juste par «préjudices en ligne».
D’importants organismes juifs estiment qu’une telle loi est nécessaire pour forcer les «géants du web» à supprimer les commentaires antisémites de leurs plateformes. Le Centre consultatif des relations juives et israéliennes a eu des discussions avec le gouvernement sur le contenu du projet de loi. Le directeur général, Shimon Koffler Fogel, a déclaré qu’il souhaitait voir «un protocole clair et transparent» pour permettre aux plateformes de traiter avec les utilisateurs qui diffusent de tels discours haineux.
Le Conseil national des musulmans canadiens a signalé une forte augmentation des commentaires haineux ciblant les musulmans et d’autres personnes d’origine arabe depuis le début de la guerre au Proche-Orient le 7 octobre.
Stephen Brown, PDG de l’organisme, a déclaré qu’il a eu de nombreuses conversations avec des membres du gouvernement au sujet du projet de loi à venir. Il estime que le libellé de la loi devrait partir d’une définition claire de «ce qui est considéré comme haineux au Canada».
«Nous nous opposons également à tout ce qui empêcherait les critiques légitimes à l’égard de gouvernements étrangers ou à tout ce qui empêcherait l’expression légitime d’opinions politiques», précise M. Brown.
Le ministre Virani admet que la rédaction du projet de loi est complexe, mais il assure qu’il s’agit d’une «priorité absolue» pour lui et d’autres membres du cabinet.
Le premier ministre Trudeau a qualifié il y a deux semaines «d’épouvantable» la montée de l’antisémitisme au pays, citant les attaques contre des synagogues, des manifestations contre des commerces, des centres communautaires et des écoles juives. «C’est inacceptable. Ce n’est pas qui nous sommes», disait-il le 8 novembre dernier dans un appel au calme.
«En même temps, la montée de l’islamophobie au Canada, les attaques et l’intolérance, une récrimination de quiconque ose montrer un drapeau palestinien, ça non plus, ce n’est pas qui nous sommes en tant que Canadiens», a-t-il ajouté. «Et quelqu’un qui exprime son chagrin pour les otages, ce n’est pas une approbation des civils morts» dans la bande de Gaza.