La Saskatchewan crée un tribunal pour évaluer le «règlement sur l’électricité propre»

Jeremy Simes, La Presse Canadienne
La Saskatchewan crée un tribunal pour évaluer le «règlement sur l’électricité propre»

REGINA — Le gouvernement de la Saskatchewan a recours pour la première fois à sa «loi sur l’autonomie» de la province afin d’examiner les impacts du projet de «règlement sur l’électricité propre» du gouvernement fédéral.

Le règlement sur l’électricité propre d’Ottawa obligerait les provinces à œuvrer pour un réseau électrique sans émissions de gaz à effet de serre d’ici 2035.

La ministre de la Justice, Bronwyn Eyre, estime que cette mesure crée de l’incertitude pour les investisseurs. Elle a donc déclaré mardi qu’elle mettait en œuvre la «Saskatchewan First Act» afin de mettre sur pied un tribunal chargé d’étudier les impacts économiques qu’aurait ce nouveau règlement fédéral de «réduction des émissions».

«Mais qu’est-ce que ça signifie au juste ? Quels seront les impacts de ces politiques sur nos entreprises: ne pas explorer autant, ne pas en faire autant ? Absolument.

«Nous devons avoir une idée nuancée et détaillée de ce que ces politiques signifient pour l’économie de la Saskatchewan et pour la population de la Saskatchewan», a soutenu la ministre de la Justice mardi.

La veille, le gouvernement de l’Alberta voisine avait utilisé pour la première fois sa «Loi sur la souveraineté de l’Alberta au sein d’un Canada uni» en déposant une motion autorisant éventuellement les fonctionnaires et les régulateurs albertains à ne pas collaborer à l’application du règlement fédéral — sans aller jusqu’à enfreindre la loi.

Les écologistes ignorés 

La loi «Saskatchewan First», adoptée au printemps dernier, vise à réaffirmer la compétence de la province en matière de ressources naturelles et de production d’électricité. La loi permet également à la province de créer un tribunal.

La ministre Eyre a indiqué mardi que les membres du tribunal devront soumettre un rapport décrivant les coûts de ces mesures fédérales. Ses membres vont travailler au cours des prochains mois, en discutant avec des chercheurs et des acteurs de l’industrie pour les aider à élaborer leur rapport, a-t-elle précisé mardi.

La ministre Eyre a déclaré qu’il n’était pas prévu de parler avec des groupes environnementaux, car le tribunal doit se concentrer uniquement sur les impacts économiques pour l’industrie.

Ses membres ont également le pouvoir de contraindre des témoins à s’entretenir avec eux. Mais Michael Milani, un avocat de Regina qui présidera ce tribunal, a déclaré qu’il était peu probable que les membres utilisent ce pouvoir d’assignation à comparaître.

Il a par ailleurs ajouté qu’il demanderait à Ottawa de présenter sa position, afin «d’obtenir les informations les meilleures et les plus complètes possibles». 

Au cabinet du ministre fédéral de l’Environnement, Steven Guilbeault, le porte-parole Oliver Anderson a déclaré mardi qu’Ottawa avait fait preuve de transparence dans l’élaboration de son projet de règlement. Il a ajouté dans un courriel que le ministère était heureux de continuer à collaborer avec les provinces afin d’apporter des ajustements au règlement.

«En fin de compte, la Saskatchewan est très bien placée pour profiter de tous les avantages et opportunités liés à la construction d’un réseau électrique propre, avec ses capacités d’énergie nucléaire, éolienne et solaire de classe mondiale et d’un chef de file dans les technologies de captage du carbone», a écrit M. Anderson.

Combat dans l’Ouest 

La Saskatchewan et l’Alberta sont depuis longtemps en désaccord avec Ottawa concernant son règlement sur l’électricité propre.

Les deux provinces de l’Ouest affirment que l’échéancier d’Ottawa pour 2035 n’est pas réaliste — elles visent plutôt 2050. Elles estiment aussi que ce règlement entraînerait des factures d’électricité plus élevées et des problèmes de fiabilité du réseau.

Le ministre Guilbeault plaide qu’Ottawa prévoit de couvrir jusqu’à la moitié des coûts, au moyen de crédits d’impôt, de financements à faible coût et d’autres programmes.

Son cabinet a déclaré qu’Ottawa avait dépensé 40 milliards $ pour aider les provinces à construire des infrastructures électriques sans émissions, qui soutiennent les emplois tout en réduisant les émissions.

Plus tôt ce mois-ci, Dustin Duncan, ministre responsable du service public d’électricité de la Saskatchewan, a soutenu que le règlement fédéral coûterait 40 milliards $ à la province.

Les responsables des finances de la Saskatchewan ont également estimé qu’une série de politiques environnementales fédérales – la tarification du carbone, le règlement sur les combustibles propres, les plafonds d’émissions et les initiatives relatives au méthane – coûteraient à la province 111 milliards $ d’ici 2035.

Outre l’avocat Milani, le tribunal comprend également l’ancienne ministre des Finances de la Saskatchewan Janice MacKinnon, l’ancien PDG de SaskEnergy Kenneth From, le chercheur en agriculture Stuart Smyth et une travailleuse des sables bitumineux, Estella Peterson.

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