WASHINGTON — Le temps pressait et l’émissaire américain pour le climat, John Kerry, le savait.
Les négociations internationales sur le climat tenues à la mi-décembre se sont soldées par un accord sur l’élimination progressive du pétrole, du gaz et du charbon – des combustibles fossiles qui sont à l’origine du réchauffement climatique.
La date officielle de clôture de la conférence parrainée par les Nations Unies, un jour après le 80e anniversaire de M. Kerry, approchait à grands pas. De plus, l’homologue chinois de M. Kerry, Xie Zhenhua, qui a contribué à la conclusion d’accords passés avec lui, a annoncé qu’il prenait sa retraite. Une occasion d’accord pouvait bien s’éclipser lors du sommet connu sous le nom de COP28, qui se tenait à Dubaï.
«Cela m’a poussé à participer à beaucoup plus de réunions, individuelles ou autres, et a franchement entraîné quelques autres personnes dans l’effort de persuader et de faire la différence», a relaté M. Kerry lors d’une récente entrevue avec l’Associated Press accordée avant sa retraite prévue cette semaine.
Dans le feu des négociations, le ministre de l’Énergie de l’Arabie Saoudite, un pays riche en pétrole qui s’oppose depuis longtemps aux tentatives diplomatiques visant à limiter les combustibles fossiles, s’est mis d’accord sur un libellé appelant à «s’éloigner» des approvisionnements énergétiques émetteurs de carbone.
M. Kerry s’est souvenu de s’être dit de ne «pas trop s’exciter encore», affirmant qu’il avait déjà vu des victoires s’évanouir à la dernière minute.
Ce n’est pas arrivé cette fois-là.
Au lieu de cela, l’accord conclu s’est avéré être ce que M. Kerry qualifie aujourd’hui de point culminant des 30 années d’efforts mondiaux visant à freiner le changement climatique. Le tout en seulement 48 heures.
«Cela a été une avancée majeure», a souligné M. Kerry. Et elle l’a amené à tirer sa révérence de son poste de diplomate climatique après trois ans. En janvier, M. Kerry a annoncé son intention de démissionner et mercredi sera son dernier jour au travail.
Assis dans son bureau du département d’État américain aux plafonds caverneux et aux murs ornés d’art moderne et de photographies, John Kerry a réfléchi à ses années comme dirigeant des efforts américains pour lutter contre le changement climatique et a expliqué pourquoi il pensait que l’accord de Dubaï était si important.
Pour l’Accord de Paris historique de 2015, que M. Kerry, alors secrétaire d’État, avait signé avec sa petite-fille sur ses genoux, les nations étaient uniquement tenues de mettre en œuvre les plans qu’elles avaient rédigés. Cela a permis à des pays comme la Chine de laisser de côté des éléments importants, comme la nécessité de réduire les émissions de méthane, un puissant gaz à effet de serre.
«Nous avons désormais un accord mondial selon lequel nous devons abandonner les combustibles fossiles, que nous devons le faire de toute urgence, immédiatement au cours de cette décennie, à partir de maintenant, et que nous devons le faire en incluant tous les gaz à effet de serre», a-t-il expliqué.
Une «force du bien»
Pourtant, jusqu’à présent, tout le monde n’est pas séduit par les efforts internationaux en faveur du climat.
«Exagéré», a déclaré l’historienne des négociations climatiques Joanna Depledge, faisant référence à l’évaluation de M. Kerry selon laquelle Dubaï était le point culminant de la diplomatie climatique.
«Avez-vous constaté une évolution des prix du pétrole et du gaz en réponse à l’adoption du consensus de Dubaï?», a questionné par courriel Mme Depledge, de l’Université de Cambridge en Angleterre.
«Non, et moi non plus. Nous faisons des progrès graduels. C’est super. Mais une toute nouvelle voie? Non.»
Mme Depledge estime que M. Kerry restera dans les mémoires comme «une force du bien dans les négociations», tournant la page sur des périodes difficiles, comme le retrait des précédentes administrations américaines – à deux reprises – des accords internationaux sur le climat.
Un point de non-retour
John Kerry a déclaré que la deuxième fois que les États-Unis se sont sortis d’un accord, lorsque l’ancien président Donald Trump a retiré les États-Unis de l’accord de Paris peu après son entrée en fonction en 2017, la réputation du pays a été endommagée, tout comme les efforts internationaux pour lutter contre le changement climatique. Mais aujourd’hui, M. Kerry a dit qu’il assurait aux dirigeants d’autres pays que même si un candidat comme M. Trump, qui se représente aux élections, gagnait, «personne ne peut inverser ce que le monde fait actuellement».
«Pourquoi? Parce que le marché au sens large partout dans le monde, les présidents, les premiers ministres, les monarques, les rois et les dirigeants des pays ont tous décidé d’avancer dans cette direction, certains à un rythme différent. Mais ils bougent», a-t-il expliqué.
Il s’agit «d’un vaste changement sur le marché», a-t-il ajouté.
Même s’il quitte son poste de principal négociateur américain sur le climat, M. Kerry ne se retirera pas complètement la scène climatique. Il prévoit participer au prochain cycle de négociations plus tard cette année à Bakou, en Azerbaïdjan, même si le conseiller principal de la Maison-Blanche, John Podesta, dirigera la délégation américaine.
M. Kerry espère passer de la conclusion d’accords à leur réussite.
Une véritable retraite?
Les plus de 40 années passées par John Kerry dans l’espace public, dont plusieurs moments difficiles, l’ont sans aucun doute aidé à se préparer aux hauts et aux bas des négociations sur le climat. Après des décennies au Sénat, M. Kerry a perdu l’élection présidentielle en 2004 face au président sortant George W. Bush.
«J’ai simplement décidé en une journée que je n’allais pas m’apitoyer sur mon sort et pleurer dans ma tasse de thé, a-t-il soutenu. J’allais retourner au travail et la vie continue.»
Après tant d’années en politique, est-il prêt à prendre véritablement sa retraite?
«Je sais comment relaxer sur un canapé et regarder les matchs de football. Pour passer un bon moment», a déclaré M. Kerry avec peu d’émotion.
«Mais ça ne dure pas si longtemps.»