L’assemblée d’investiture de Han Dong à Toronto n’inquiétait pas le Parti libéral

Jim Bronskill et Laura Osman, La Presse Canadienne
L’assemblée d’investiture de Han Dong à Toronto n’inquiétait pas le Parti libéral

OTTAWA — Le directeur de la campagne électorale libérale de 2019 a déclaré mardi qu’il avait recommandé à Justin Trudeau de ne prendre aucune mesure concernant de présumées irrégularités lors de l’assemblée d’investiture dans une circonscription de Toronto.

Le témoignage de Jeremy Broadhurst jette un nouvel éclairage sur les allégations d’ingérence chinoise dans la sélection de Han Dong comme candidat libéral dans la circonscription de Don Valley-Nord.

M. Broadhurst a affirmé mardi devant la commission Hogue que les responsables du renseignement avaient informé les instances du Parti libéral en 2019 des irrégularités présumées et qu’il avait transmis cette information au premier ministre.

Il soutient qu’il a effectué un suivi auprès des instances du parti impliquées dans l’assemblée d’investiture, qui n’avaient rien remarqué d’inhabituel.

En outre, les responsables du renseignement n’ont pas recommandé au Parti libéral de prendre des mesures à la suite de ces informations.

M. Broadhurst a indiqué mardi à la commission qu’il estimait que la barre pour renverser un résultat démocratique devrait être extrêmement élevée, et M. Trudeau a par la suite décidé qu’il n’y avait aucune mesure à prendre dans Don Valley-Nord.

L’Enquête publique sur l’ingérence étrangère dans les processus électoraux et les institutions démocratiques fédéraux est présidée par la juge Marie-Josée Hogue, de la Cour d’appel du Québec. Les audiences publiques font partie de l’enquête sur une possible ingérence étrangère de la Chine, de l’Inde, de la Russie et d’autres pays lors des deux dernières élections générales fédérales.

Une ingérence «peu efficace» ? 

Témoignant plus tôt mardi à l’Enquête publique, Nathalie Drouin, conseillère à la sécurité nationale et au renseignement auprès du premier ministre, a admis qu’il y avait eu de l’ingérence étrangère lors des élections canadiennes, mais que cela ne signifiait pas que ces manoeuvres avaient eu un impact sur les résultats des élections au Canada.

Une note d’information du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) de 2023, déposée à la commission cette semaine, indique que des «acteurs étatiques» étrangers peuvent intervenir avec succès au Canada parce qu’il y a peu de conséquences juridiques ou politiques. 

L’ingérence étrangère devient donc «à faible risque et à forte rentabilité», conclut le SCRS dans le document lourdement caviardé.

Mme Drouin a contesté cette analyse du SCRS selon laquelle les activités d’ingérence auraient été efficaces. Elle estime que les Canadiens pourraient croire à tort que des acteurs étrangers ont eu de fait un impact sur les résultats des élections au Canada. 

«Je pense que nous avons dit, et nous le répétons, que (l’ingérence étrangère) existe au Canada, et nous avons également dit que nous n’avons pas constaté que ces tentatives et activités (…) ont eu un impact sur les deux élections», a soutenu Mme Drouin, qui est également greffière adjointe du Conseil privé, poste qu’elle occupait aussi lors des deux dernières élections générales.

Le document du SCRS avait été préparé dans le cadre d’une séance d’information destinée au premier ministre à la suite de reportages contenant des fuites de renseignements sur une possible ingérence étrangère. Ces reportages ont déclenché une vague de soutien en faveur d’une enquête publique sur l’intégrité des élections canadiennes.

Le document du SCRS affirmait que la Chine était intervenue «clandestinement et de manière trompeuse» dans les élections générales de 2019 et de 2021. L’agence de renseignement indiquait que les activités chinoises lors des deux campagnes étaient largement axées sur le soutien à des politiciens considérés comme plutôt favorables à la Chine ou neutres sur les questions intéressant Pékin.

De hauts fonctionnaires chargés d’évaluer de possibles cas d’«incident électoral majeur» n’ont pas estimé que les activités d’ingérence lors des deux élections étaient suffisamment graves pour justifier d’en informer le public, dans le cadre d’un protocole spécial.

L’ex-greffière du Conseil privé

Dans un témoignage à huis clos rendu le mois dernier devant la commission, l’ancienne greffière du Conseil privé Janice Charette a parlé d’un problème d’ingérence étrangère survenu lors des élections de 2021. Un résumé du témoignage, rendu public mardi, ne précise pas cette préoccupation.

Un groupe de cinq hauts fonctionnaires chargés d’évaluer la pertinence d’alerter la population «en cas d’incident électoral majeur» a estimé à l’époque que les activités d’ingérence soulignées n’avaient pas atteint le seuil requis pour une annonce publique, mais ils ont estimé «qu’une certaine atténuation était nécessaire», indique le résumé du témoignage de Mme Charette.

En sa qualité de greffière du Conseil privé, Mme Charette a demandé au directeur du SCRS, David Vigneault, «de lui revenir avec des options et des conseils sur ce qui pourrait être fait, le cas échéant», ajoute le résumé de son témoignage.

«Mme Charette et le directeur du SCRS se sont entendus sur une façon de répondre à cette préoccupation», qui n’a pas été soulevée directement auprès du premier ministre Trudeau à l’époque.

M. Trudeau devrait comparaître mercredi devant la commission d’enquête.

Un premier rapport sur les conclusions de la commission est attendu le 3 mai. La juge Hogue orientera ensuite son enquête vers des questions politiques plus larges, en examinant la capacité du gouvernement fédéral à détecter, dissuader et contrer l’ingérence étrangère. Un rapport final est attendu d’ici la fin de l’année.

Partager cet article
S'inscrire
Me notifier des
guest
0 Commentaires
Inline Feedbacks
Voir tous les commentaires