Un juge refuse la demande d’injonction de McGill pour démanteler le campement

Morgan Lowrie, La Presse Canadienne
Un juge refuse la demande d’injonction de McGill pour démanteler le campement

MONTRÉAL — Un juge de la Cour supérieure du Québec a refusé la demande d’injonction de l’Université McGill visant à démanteler le campement propalestinien installé sur son campus du centre-ville de Montréal depuis la fin avril.

Le juge Marc St-Pierre a statué mercredi que l’institution n’a pas prouvé que la situation au campement était suffisamment urgente pour justifier l’émission d’une ordonnance afin de forcer l’évacuation des terrains.

Dans une décision publiée mercredi, il a déclaré que la situation soulevait des questions complexes en raison de la confrontation de deux droits fondamentaux – dans ce cas-ci, la liberté d’expression des manifestants contre les droits de propriété de l’Université McGill. Il a ajouté qu’il était nécessaire d’avoir un débat plus large sur la question, notamment pour déterminer si une «occupation pacifique» doit relever du droit à la liberté d’expression.

«(La) question est importante en plus d’être complexe de sorte qu’une analyse plus approfondie que ce qui se fait normalement dans (un) contexte d’une injonction provisoire est souhaitable», a-t-il écrit. 

Les avocats de l’université ont demandé lundi à un juge d’ordonner aux manifestants de cesser de camper ou d’occuper son terrain. Elle souhaitait aussi que la police de Montréal soit autorisée au besoin à l’aider à démanteler le campement.

L’avocat de l’Université McGill Jacques Darche a déclaré au tribunal que le campement présente un risque pour la santé et la sécurité et empêche l’institution de tenir des cérémonies de remise des diplômes sur sa propriété.

Il a ajouté que les manifestants sont devenus des «occupants» vivant dans un mini-village clôturé et barricadé, et que McGill ne peut pas assumer sa responsabilité d’assurer la sécurité sur le campus parce que ses représentants ne sont pas autorisés à l’intérieur.

Mais le juge St-Pierre a statué dans sa décision que McGill ne peut «faire état d’aucun incident sérieux ou violent depuis l’érection des premières tentes sur le site du campus», y compris lors d’une récente confrontation avec des contre-manifestants citée par McGill comme preuve.

L’université a également trouvé une voie alternative pour tenir la cérémonie de collation des grades. 

Lundi, les avocats représentant différents groupes de manifestants ont fait valoir devant le tribunal qu’il n’y avait aucune preuve que le campement était dangereux ni qu’il était urgent de le démanteler. Ils ont soutenu que le camp de protestation ne bloquait pas l’entrée de l’école, qu’il contenait des équipements de sécurité tels que des extincteurs et qu’il disposait de personnel médical sur place.

Ils ont également fait valoir que le droit de manifester est fondamental et que les universités ont traditionnellement été traitées différemment des autres propriétés privées en matière de manifestations.

Le juge St-Pierre a souligné que les manifestants ont soumis un certain nombre d’affidavits affirmant que le camp ne présente pas de risque pour la sécurité et que la crainte d’un incident de McGill n’est pas une raison suffisante pour accorder une injonction.

«(Le) soussigné de toute façon n’émet pas d’ordonnance d’injonction à titre préventif au cas où quelque chose de purement hypothétique surviendrait dans le futur», a-t-il indiqué.

Réactions de l’Université McGill

Dans une déclaration écrite mercredi, l’établissement universitaire a affirmé être déçu de la décision rendue mercredi, rappelant qu’il s’agissait selon lui d’un campement illégal.

«Nous procédons actuellement à l’analyse du jugement», a ajouté l’université.

L’établissement a noté que le campement avait été déclaré illégal par un juge qui a conclu plus tôt ce mois-ci que les manifestants occupaient illégalement les lieux, même si ce juge a également rejeté une demande d’injonction différente de deux étudiants qui affirmaient que le campement créait un environnement d’agression et qu’ils se sentaient en danger.

Les manifestants ont clôturé une zone contenant des dizaines de tentes dans le terrain inférieur de McGill le 27 avril, à la suite d’une vague de manifestations similaires sur les campus aux États-Unis liées à la guerre entre Israël et le Hamas. 

Les manifestants exigent que l’université retire ses investissements des entreprises qu’ils considèrent comme complices de ce qu’ils décrivent comme l’occupation de la Palestine par Israël. Ils demandent aussi que McGill coupe ses liens avec les institutions israéliennes.

Réactions des manifestants

Dans une déclaration publiée sur leurs réseaux sociaux, plusieurs groupes propalestiniens ont déclaré qu’ils démantèleraient le campement si leurs demandes étaient acceptées.

«Non seulement l’administration de McGill a échoué et a délibérément hésité à répondre avec une proposition concrète qui répondait à nos demandes, mais elle a également tenté de nous réprimer en demandant une injonction dans le but de nous expulser de force du campus», peut-on lire dans un communiqué publié par différents groupes, dont Solidarité pour les droits humains palestiniens de l’Université McGill et Solidarité pour les droits humains palestiniens de l’Université Concordia.

Après une deuxième victoire juridique, «le pouvoir est entre les mains des étudiants et des masses qui luttent pour la libération», écrivent-ils.

L’avocat Julius Grey, représentant un groupe appelé Palestiniens et Juifs unis qui comprend certains manifestants, a qualifié la décision de «victoire pour les libertés publiques» qui reconnaît le droit de manifester. Elle reconnaît également que les critères d’une injonction provisoire, notamment la nécessité d’une action urgente, n’ont pas été remplis. 

Il ne suffit pas de prétendre que quelque chose est urgent ou dangereux, il faut le prouver, a-t-il ajouté. 

M. Gray a déclaré que, sauf changement, la prochaine étape du processus juridique sera des audiences pour une injonction interlocutoire, qui se concentreront moins sur l’aspect de l’urgence et davantage sur les principes de droit au cœur du litige.

Le ministre de la Sécurité publique du Québec, François Bonnardel, a écrit sur le réseau social X que le gouvernement provincial analysait le jugement et continuait de soutenir la demande de McGill visant à faire démanteler le campement. «Notre position demeure la même», a-t-il écrit.

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