Le président iranien est mort dans l’écrasement, selon des médias d’État

Jon Gambrell, The Associated Press
Le président iranien est mort dans l’écrasement, selon des médias d’État

DUBAÏ, Émirats arabes unis — Le président iranien Ebrahim Raïssi et le ministre des Affaires étrangères du pays ont été retrouvés morts lundi quelques heures après que leur hélicoptère s’est écrasé dans le brouillard, laissant la République islamique sans deux dirigeants clés, alors que des tensions extraordinaires s’emparent du Moyen-Orient dans son ensemble.

Le guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei, qui a le dernier mot au sein de la théocratie chiite, a rapidement nommé un vice-président peu connu au poste de président par intérim et a insisté sur le fait que le gouvernement était aux commandes, mais ces décès ont constitué un nouveau coup dur pour un pays en proie à des pressions intérieures et à l’étranger.

L’Iran n’a avancé aucune cause pour l’accident ni suggéré qu’un sabotage ait provoqué la chute de l’hélicoptère, qui est tombé en terrain montagneux dans un brouillard soudain et intense.

À Téhéran, la capitale iranienne, les commerces étaient ouverts et les enfants allaient à l’école lundi. Cependant, il y avait une présence notable de forces de sécurité en uniforme et en civil.

Plus tard dans la journée, des centaines de personnes en deuil se sont rassemblées sur la place Vali-e-Asr du centre-ville, brandissant des affiches de Raïssi et brandissant des drapeaux palestiniens. Certains hommes tenaient un chapelet et pleuraient visiblement. Des femmes portant des tchadors noirs se sont rassemblées en tenant des photos du leader décédé.

«Nous avons été choqués d’avoir perdu un tel personnage, un personnage qui rendait l’Iran fier et humiliait ses ennemis», a déclaré Mohammad Beheshti, 36 ans.

Cet accident survient alors que la guerre entre Israël et le Hamas secoue la région. Le Hamas, soutenu par l’Iran, a mené l’attaque qui a déclenché le conflit, et le Hezbollah, également soutenu par Téhéran, a tiré des roquettes sur Israël. Le mois dernier, l’Iran a lancé sa propre attaque de drones et de missiles sans précédent contre Israël.

M. Raïssi, 63 ans, un homme de ligne dure qui dirigeait autrefois le système judiciaire du pays, était considéré comme un protégé de Khamenei. Au cours de son mandat, les relations ont continué à se détériorer avec l’Occident alors que l’Iran enrichissait de l’uranium plus près que jamais des niveaux de qualité militaire et fournissait des drones porteurs de bombes à la Russie pour sa guerre en Ukraine.

Son gouvernement a également été confronté à des années de protestations massives contre l’économie en difficulté et les droits des femmes – ce qui rend le moment encore plus sensible.

Blâmer les États-Unis

L’accident a tué les huit personnes à bord d’un hélicoptère Bell 212 acheté par l’Iran au début des années 2000, selon l’agence de presse officielle IRNA. Parmi les morts figurent le ministre iranien des Affaires étrangères, Hossein Amir Abdollahian, le gouverneur de la province iranienne de l’Azerbaïdjan oriental, un haut religieux de Tabriz, un responsable des Gardiens de la révolution et trois membres d’équipage, a indiqué IRNA.

L’Iran utilise beaucoup d’hélicoptères Bell depuis l’époque du Shah. Mais les avions iraniens sont confrontés à une pénurie de pièces détachées en raison des sanctions occidentales et volent souvent sans contrôles de sécurité. Dans ce contexte, l’ancien ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, a cherché à imputer la responsabilité de l’écrasement aux États-Unis.

«L’un des principaux responsables de la tragédie d’hier est les États-Unis, qui […] ont imposé un embargo sur la vente d’avions et de pièces détachées à l’Iran et ne permettent pas au peuple iranien de bénéficier de bonnes installations aéronautiques», a déclaré M. Zarif à l’Associated Press.

Ali Vaez, directeur du projet Iran à l’International Crisis Group, a déclaré que même si les sanctions américaines ont privé l’Iran de la capacité de renouveler et de réparer sa flotte pendant des décennies, «on ne peut pas ignorer l’erreur humaine et le rôle de la météo dans cet accident spécifique».

Richard Aboulafia, analyste et consultant en aérospatiale, a déclaré que l’Iran exploitait probablement le marché noir pour les pièces détachées nécessaires à l’entretien de sa flotte, mais il s’est demandé si l’Iran avait les compétences de maintenance nécessaires pour permettre aux hélicoptères plus anciens de voler en toute sécurité.

«Le marché noir des pièces détachées et les capacités de maintenance locales dont ils disposent, ce n’est pas une bonne combinaison», a-t-il fait remarquer.

La télévision d’État n’a donné aucune cause immédiate à l’accident survenu dans la province iranienne de l’Azerbaïdjan oriental. Les images diffusées par l’IRNA montrent le lieu de l’accident, à travers une vallée escarpée dans une chaîne de montagnes verdoyantes.

Le secrétaire américain à la Défense, Lloyd Austin, a déclaré que les États-Unis continuaient de surveiller la situation autour du «très malheureux accident d’hélicoptère», mais n’avaient aucune idée de la cause. «Je ne vois pas nécessairement d’impacts plus larges sur la sécurité régionale à l’heure actuelle», a-t-il commenté.

Le porte-parole du Conseil de sécurité nationale de la Maison-Blanche, John Kirby, a déclaré lundi que la mort de MM. Raïssi et Amir Abdollahian ne devrait pas avoir d’impact substantiel sur les relations difficiles entre les États-Unis et l’Iran.

Il a ajouté que les États-Unis s’attendaient à ce que le changement de présidence ne modifie pas le soutien de l’Iran au Hamas, au Hezbollah et aux rebelles Houthis basés au Yémen.

«Nous devons supposer que le chef suprême est celui qui prend ces décisions et que le chef suprême, comme il l’a fait lors de la dernière soi-disant élection, s’est assuré de n’avoir que des candidats qui remplissaient ses mandats», a dit M. Kirby.

Des prières

Les condoléances ont afflué de la part des voisins et alliés après que l’Iran a confirmé qu’il n’y avait aucun survivant.

Le premier ministre indien Narendra Modi a déclaré dans un message sur la plateforme X que son pays «se tient aux côtés de l’Iran en cette période de tristesse». Le président russe Vladimir Poutine, dans un communiqué publié par le Kremlin, a décrit Raïssi «comme un véritable ami de la Russie».

Le président turc Recep Tayyip Erdogan, le chinois Xi Jinping et le syrien Bashar Assad ont également présenté leurs condoléances. Le président azerbaïdjanais, Ilham Aliyev, a déclaré que lui et son gouvernement étaient «profondément choqués». M. Raïssi revenait dimanche de la frontière iranienne avec l’Azerbaïdjan, où il avait inauguré un barrage avec M. Aliyev, lorsque l’accident s’est produit.

Nouvelle élection

Pour l’instant, M. Khamenei a nommé le premier vice-président, Mohammad Mokhber, comme président intérimaire, conformément à la constitution. L’élection d’un successeur doit avoir lieu le 28 juin, a indiqué IRNA. Les funérailles du président Raïssi devraient avoir lieu jeudi à Mashhad, la ville où il est né, et d’autres funérailles auront lieu mardi, a indiqué la télévision d’État.

Ali Bagheri Kani, négociateur nucléaire pour l’Iran, exercera les fonctions de ministre des Affaires étrangères par intérim du pays, a aussi annoncé la télévision d’État.

Cette mort a également stupéfié les Iraniens et M. Khamenei a déclaré cinq jours de deuil public. Mais nombreux sont ceux qui ont été écrasés par l’effondrement de la monnaie du pays, le rial, et par les inquiétudes concernant les conflits régionaux qui deviennent incontrôlables avec Israël ou même avec le Pakistan, avec lequel l’Iran a échangé des tirs cette année.

M. Khamenei a souligné que les affaires du gouvernement iranien continueraient quoi qu’il arrive – mais la mort duprésident Raïssi a soulevé le spectre de ce qui se passerait après la démission ou la mort du guide suprême, âgé de 85 ans. Le dernier mot sur toutes les questions d’État revient à son poste et seuls deux hommes ont occupé ce poste depuis la révolution islamique de 1979.

M. Raïssi avait été considéré comme un candidat. La seule autre personne suggérée est Mojtaba, le fils de M. Khamenei, âgé de 55 ans. Cependant, des inquiétudes ont été soulevées quant au fait que le poste soit attribué à un membre de la famille, en particulier après que la révolution a renversé la monarchie héréditaire Pahlavi du Shah.

Une réunion d’urgence du Cabinet iranien a publié une déclaration promettant qu’il suivrait la voie de M. Raïssi et qu’«avec l’aide de Dieu et du peuple, il n’y aura aucun problème avec la gestion du pays».

Période trouble

M. Raïssi était considéré comme un protégé de M. Khamenei. Certains analystes suggéraient même qu’il pourrait remplacer le dirigeant de 85 ans après sa mort ou sa démission.

Avec la mort de M. Raïssi, la seule autre personne suggérée jusqu’à présent est Mojtaba Khameini, le fils de 55 ans du Guide suprême. Cependant, certains observateurs ont fait part de leurs inquiétudes quant au fait que ce poste soit attribué à un membre de la famille seulement pour la troisième fois depuis 1979, en particulier après que la Révolution islamique a renversé la monarchie héréditaire.

M. Raïssi a remporté l’élection présidentielle iranienne de 2021, un scrutin qui a connu le taux de participation le plus faible de l’histoire de la République islamique. M. Raïssi est sanctionné par les États-Unis en partie pour son implication dans l’exécution massive de milliers de prisonniers politiques en 1988, à la fin de la sanglante guerre Iran-Irak.

Des manifestations de masse font rage dans le pays depuis des années. La plus récente vague concernait la mort, en 2022, de Mahsa Amini, une femme qui avait été arrêtée pour ne pas avoir porté le hijab au gré des autorités. La répression qui a duré des mois et qui a suivi les manifestations a tué plus de 500 personnes et en a conduit plus de 22 000 à être arrêtées.

En mars, une commission d’enquête des Nations unies a conclu que l’Iran était responsable de la «violence physique» qui a conduit à la mort de Mme Amini.

M. Raïssi est le deuxième président iranien à mourir en exercice. En 1981, l’explosion d’une bombe a tué le président Mohammad Ali Rajai dans les jours chaotiques qui ont suivi la Révolution islamique.

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