La Louisiane pourrait reclasser deux pilules abortives comme substances dangereuses

Sara Cline, The Associated Press
La Louisiane pourrait reclasser deux pilules abortives comme substances dangereuses

Deux médicaments abortifs pourraient bientôt être reclassés comme substances contrôlées et dangereuses en Louisiane en vertu d’un projet de loi unique en son genre qui a été adopté jeudi et devrait être promulgué par le gouverneur.

Les partisans de la reclassification de la mifépristone et du misoprostol, communément appelés «pilules abortives», affirment que cette loi protégerait les femmes enceintes des avortements forcés, bien qu’ils n’aient cité qu’un seul exemple survenu dans l’État du Texas. De nombreux médecins, quant à eux, ont indiqué que cela rendrait encore plus difficile de prescrire ces médicaments, qu’ils utilisent également pour d’autres besoins importants en matière de soins de santé reproductive.

L’adoption du projet de loi intervient alors que les défenseurs du droit à l’avortement et les opposants à l’avortement attendent une décision définitive de la Cour suprême des États-Unis sur une tentative visant à restreindre l’accès à la mifépristone. Les juges ne semblaient pas prêts à limiter l’accès à ce médicament le jour où ils ont entendu les arguments.

Les efforts du Parlement, dominé par le Parti républicain, pour reclasser la mifépristone et le misoprostol, pourraient éventuellement ouvrir la porte à d’autres États républicains interdisant l’avortement et cherchant à restreindre davantage ces médicaments. La Louisiane a actuellement mis en place une interdiction quasi totale de l’avortement, s’appliquant à la fois aux avortements chirurgicaux et médicamenteux.

La loi actuelle en Louisiane exige déjà une ordonnance pour les deux médicaments et érige en infraction le fait de les utiliser pour provoquer un avortement, dans la plupart des cas. Le projet de loi rendrait plus difficile encore l’obtention des pilules en les plaçant sur la liste des médicaments de l’annexe IV de la loi uniforme de l’État sur les substances dangereuses contrôlées.

La classification exigerait que les médecins détiennent un agrément spécifique pour prescrire ces médicaments, et que ceux-ci soient stockés dans certaines installations qui, dans certains cas, pourraient être loin des cliniques rurales.

Posséder sciemment ces pilules sans ordonnance valide serait passible d’une sanction, notamment de lourdes amendes et une peine de prison. Le libellé du projet de loi semble prévoir des protections pour les femmes enceintes qui obtiendraient ces médicaments sans ordonnance pour leur propre consommation.

Plus de 200 médecins de l’État ont signé une lettre adressée aux législateurs avertissant que la mesure pourrait créer un «obstacle à la facilité pour les médecins de prescrire un traitement approprié» et provoquer une peur et une confusion inutiles parmi les patients et les médecins. Les médecins préviennent que tout retard dans l’obtention des médicaments pourrait entraîner une aggravation de l’état de santé des patientes dans un État qui présente l’un des taux de mortalité maternelle les plus élevés du pays.

«Cela va trop loin. Nous n’avons pas correctement examiné cette question avec le personnel de soins de santé, et je pense que cela entraînera de nouveaux dommages à l’avenir», a déclaré le sénateur démocrate Royce Duplessis, qui a voté contre la mesure. «Il y a une raison pour laquelle nous nous classons au bas de l’échelle en matière de résultats en santé maternelle, et c’est celle-ci.»

En écho au Sénat

La reclassification des deux médicaments est contenue dans un amendement à un projet de loi émanant du Sénat qui créerait le crime d’«avortement criminel forcé au moyen de fraude». Les législateurs du Sénat ont soutenu à l’unanimité le projet de loi initial il y a un mois. Après avoir soutenu le projet de loi, le sénateur Thomas Pressly a fait pression en faveur de l’amendement visant à reclasser les médicaments.

M. Pressly a déclaré que le projet de loi et l’amendement étaient motivés par ce qui était arrivé à sa sœur Catherine Herring au Texas. En 2022, le mari de Mme Herring lui a fait prendre sept comprimés de misoprostol dans le but de provoquer un avortement sans son consentement.

Plusieurs cas similaires à celui de Mme Herring ont été rapportés par les médias au cours des 15 dernières années, bien qu’aucun de ceux cités ne se soit produit en Louisiane.

Le Sénat a voté par 29 voix contre 7 pour adopter le projet de loi. Parmi ses 39 membres, le Sénat ne compte que cinq femmes, qui ont toutes voté en faveur du projet de loi.

En plus de provoquer des avortements, la mifépristone et le misoprostol ont d’autres utilisations courantes, notamment le traitement des fausses couches, le déclenchement des accouchements et l’arrêt des hémorragies.

La mifépristone a été approuvée par la Food and Drug Administration (FDA) des États-Unis en 2000 après que les régulateurs fédéraux l’ont jugée sûre et efficace pour mettre fin aux grossesses précoces. Elle est utilisée en association avec le misoprostol, que la FDA a approuvé séparément pour traiter les ulcères d’estomac.

Les opposants à l’avortement et les républicains conservateurs, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’État, ont applaudi le projet de loi de la Louisiane. À l’inverse, cette décision a été vivement critiquée par les démocrates, notamment par la vice-présidente Kamala Harris, qui l’a qualifiée dans une publication sur les réseaux sociaux d’«absolument inadmissible».

La législation de la Louisiane se dirige désormais vers le bureau du gouverneur républicain conservateur Jeff Landry. Ce dernier, qui a été soutenu par l’ancien président Donald Trump lors des élections l’année dernière, a indiqué son soutien à la mesure, en faisant remarquer dans une récente publication sur le réseau social X: «Vous savez que vous faites quelque chose de bien lorsque @KamalaHarris vous critique.»

Le bureau de M. Landry n’a pas répondu à notre demande de commentaires envoyée par courriel.

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