L’Université de Toronto demande une injonction pour le démantèlement du campement

Rianna Lim et Paola Loriggio, La Presse Canadienne
L’Université de Toronto demande une injonction pour le démantèlement du campement

TORONTO — Près d’un mois après que des manifestants propalestiniens ont installé leurs tentes sur le campus de l’Université de Toronto, l’établissement s’est tourné lundi vers les tribunaux pour demander le démantèlement du campement, qui lui causerait «un préjudice irréparable».

Dans son avis de requête, l’université demande à la cour d’autoriser la police à intervenir pour expulser les manifestants qui refusaient de se soumettre aux avis d’éviction. L’université soutient par ailleurs que cette procédure n’interférait pas avec la capacité des étudiants à s’engager dans des discussions et des débats respectueux.

Les manifestants ont aussitôt déclaré qu’ils étaient prêts à riposter avec leur propre équipe juridique et ils ont refusé de quitter les lieux, ignorant le délai fixé à lundi matin dans un avis d’intrusion envoyé vendredi.

Dans une déclaration publiée lundi matin, le président de l’université, Meric Gertler, a soutenu que la direction demandait au tribunal une conférence préparatoire accélérée pour sa demande d’injonction.

En attendant, M. Gertler souligne que l’université poursuit les discussions avec des étudiants représentant les occupants du campement. Il espère toujours parvenir à un règlement à l’amiable et au démantèlement du «campement illégal».

Dans son avis de requête, l’Université de Toronto fait valoir que le campement a pour conséquence qu’une partie de son campus n’est pas accessible aux autres membres de la communauté universitaire ou au public.

«L’Université de Toronto a tenté de mettre fin au campement en négociant avec les dirigeants des occupants, mais ces négociations ont échoué», écrivent les avocats de l’établissement.

Les responsables de l’université avaient publié vendredi un avis d’intrusion ordonnant aux manifestants de démanteler le campement avant 8 h lundi matin. Les autorités ont par la suite prévenu, dimanche, qu’elles demanderaient une injonction au tribunal si les manifestants ne se conformaient pas à l’avis d’intrusion sur la propriété de l’université.

Manifestation matinale

Les manifestants, qui ont commencé à installer des tentes dans un vaste espace vert au coeur du campus du centre-ville le 2 mai dernier, sont restés sur le site lundi matin. Ils ont été rejoints par des professeurs et des organisations syndicales pour un rassemblement devant l’édifice du «Convocation Hall», alors que le délai fixé à 8 h lundi était écoulé.

Les manifestants ont brandi des drapeaux et se sont blottis sous des parapluies alors que la bruine se transformait en averse plus forte pendant le rassemblement.

Sara Rasikh, l’une des porte-parole de la manifestation, a déclaré à la foule que les manifestants avaient essayé pendant des mois d’amener l’université à écouter leurs revendications, mais n’avaient reçu une réponse qu’après avoir installé le campement.

«La raison en est que la force du peuple menace l’université. Elle menace la légitimité de cette institution, a déclaré Mme Rasikh lundi. L’Université de Toronto continue de proposer des comités, mais nous voulons des engagements. Nous voulons un désinvestissement. Nous voulons la divulgation. Et nous la voulons maintenant.»

Natalie Rothman, professeure d’histoire à l’université et membre du réseau des professeurs juifs, s’est dite «indignée» lorsque l’établissement a envoyé un avis d’intrusion.

«Il s’agit d’une manifestation pacifique. Nous sommes ici depuis le premier jour, cela n’a été qu’un modèle de ce que devrait être l’université en matière de véritable apprentissage, de vraie solidarité, de vraie communauté», a déclaré Mme Rothman lors du rassemblement de lundi.

«Et le fait que l’université menace les étudiants, le personnel et les professeurs de mesures disciplinaires s’ils manifestent pacifiquement, conformément aux droits garantis par la Charte et à l’énoncé de mission de l’université, c’est absolument scandaleux.»

«Préjudice irréparable»

L’Université de Toronto a fait valoir dans les documents juridiques que rien dans le démantèlement demandé «n’interfère avec la capacité des occupants d’exprimer leurs opinions et de s’engager dans des discussions et des débats respectueux».

L’université soutient également qu’elle a reçu de nombreux «signalements préoccupants» depuis la création du campement.

«L’université a subi et continue de subir un préjudice irréparable, peut-on lire dans les documents judiciaires. L’incapacité de l’université à contrôler la violence, le harcèlement, les discours préjudiciables et discriminatoires et les dommages matériels qui se produisent ont miné la réputation de l’université en tant qu’environnement libre et ouvert pour des discussions et des débats respectueux, et comme lieu sécuritaire pour l’enseignement supérieur.»

Les occupants et les administrateurs de l’université avaient tenu une rencontre dimanche après-midi, au cours de laquelle les manifestants ont présenté ce qu’ils ont décrit comme une «contre-offre», appelant l’université à divulguer ses investissements publics dans les entreprises qui profitent de l’offensive israélienne à Gaza.

Les manifestants demandent également à l’Université de Toronto de créer un groupe de travail conjoint pour examiner les investissements privés. Ils réclament finalement que l’établissement rompe ses liens avec deux institutions universitaires israéliennes en particulier.

Jeudi dernier, l’université avait fait une offre aux manifestants, qui disposaient de 24 heures pour répondre. L’établissement proposait de former un groupe de travail pour examiner les options de divulgation de ses investissements, mais ne promettait pas de mettre fin à tout partenariat avec des universités israéliennes.

La ministre ontarienne des Collèges et Universités, Jill Dunlop, a déclaré lundi qu’elle appuyait le démantèlement. «La collation des grades approche et c’est une question de sécurité. Nous voulons nous assurer que les familles se sentent en sécurité sur le campus et ne soient pas intimidées pour assister aux cérémonies.»

Pendant ce temps, les manifestants à l’Université McMaster de Hamilton ont décidé de mettre fin à leur campement après avoir conclu une entente avec l’université la semaine dernière.

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