Les organisateurs du campement installé à l’UQAM dénoncent un démantèlement «déguisé»

Mathieu Paquette, La Presse Canadienne
Les organisateurs du campement installé à l’UQAM dénoncent un démantèlement «déguisé»

MONTRÉAL — Les manifestants qui ont installé un campement propalestinien sur le campus de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) dénoncent que les changements qu’ils devront apporter à leur campement en vertu d’une injonction reviennent à un démantèlement «déguisé».

Dans un communiqué publié mardi matin, les organisateurs du campement ont déploré que la direction de l’UQAM ait choisi de se tourner vers les tribunaux pour que des modifications soient apportées au campement, même si, selon eux, des solutions ont été mises de l’avant pour assurer la sécurité des lieux.

À leur avis, en judiciarisant la démarche, l’UQAM a choisi de détourner l’attention du fond de la question vers des formalités «qui ne font que faciliter le profilage politique» des étudiants et «empêcher tout réel dialogue».

Lundi, la Cour supérieure a accueilli en partie la demande d’injonction provisoire déposée par l’UQAM afin que des changements soient apportés au campement, qui est installé depuis le 12 mai près du Complexe des sciences Pierre-Dansereau.

L’UQAM ne demandait pas le démantèlement complet du campement, mais recherchait plutôt des balises pour assurer la libre circulation dans ce secteur. Elle avait notamment plaidé que, pour elle, les manifestants représentaient un risque pour la sécurité en bloquant une sortie de secours, en étant en possession de bidons d’essence et de barres de fer, ainsi qu’en «surchargeant» potentiellement le réseau électrique de l’université avec des rallonges non autorisées.

Sensible aux préoccupations de l’université concernant la sécurité des lieux, le juge Louis-Joseph Gouin a entre autres ordonné aux manifestants de libérer un espace de deux mètres avec les bâtiments et de retirer les objets qui bloquent les fenêtres et les caméras de surveillance.

Dans son jugement, il a soutenu que «ces mesures de sécurité ne nuiront pas à l’exercice du droit à la liberté d’expression, incluant celui de manifester, des défendeurs».

«Ne pas mettre en place ces mesures continuerait à créer de sérieux inconvénients au niveau de la sécurité pour l’UQAM. Mettre en place ces mesures ne fait que réduire la superficie du campement, sans nuire au droit de manifester des défendeurs», a-t-il écrit.

Les organisateurs du campement ne sont toutefois pas d’accord avec cette interprétation.

«Nous considérons que la demande d’injonction provisoire de l’UQAM, bien qu’elle n’exige pas un démantèlement du campement, impose des mesures restrictives qui équivalent à un démantèlement «déguisé»», ont-ils fait valoir dans leur déclaration.

«Nous ferons toutefois de notre mieux pour nous conformer aux ordonnances, en tenant compte de nos capacités et des ressources matérielles disponibles, tout en garantissant la sécurité de toutes et tous. Mais, il est important de noter que certains facteurs échappent à notre contrôle», ont-ils noté.

En vertu de l’injonction provisoire, valide jusqu’au 6 juin, les manifestants devront aussi permettre aux représentants de l’UQAM et du Service de sécurité incendie de Montréal de visiter le campement afin qu’ils puissent vérifier la sécurité des lieux.

Lundi soir, le Syndicat des professeurs et des professeures de l’UQAM et le Syndicat des professeures et professeurs enseignants de l’UQAM, affiliés à la CSN, ont également affirmé qu’ils sont en désaccord avec la voie judiciaire empruntée par l’UQAM dans ce dossier.

Dans sa propre réaction au jugement, l’UQAM a dit compter sur les personnes visées par l’injonction pour la respecter.

Recentrer le débat

Depuis la mi-mai, les manifestants propalestiniens campent dans la cour du Complexe des sciences, emboîtant le pas à d’autres rassemblements similaires qui ont eu lieu sur des campus ailleurs au Canada et aux États-Unis.

Les participants du campement exigent que l’UQAM rompe ses liens avec les institutions israéliennes et révèle l’étendue de ces relations. Ils demandent par ailleurs au gouvernement du Québec de faire marche arrière en ce qui concerne l’ouverture du Bureau du Québec à Tel-Aviv.

De son côté, l’UQAM assure que sa fondation n’a «aucun investissement dans l’armement», et qu’elle n’a pas non plus «d’entente de mobilité ni d’entente-cadre avec des universités israéliennes».

Mardi, les organisateurs du campement ont aussi dénoncé que l’attention soit tournée sur la demande d’injonction déposée par l’UQAM, plutôt que sur la «violence extrême qui a cours en ce moment même en Palestine».

«Hier, l’armée d’occupation israélienne a bombardé sans relâche le camp de réfugiés de Rafah, causant un massacre indescriptible. La violence génocidaire de l’occupation par l’État sioniste doit cesser immédiatement», ont-ils tranché, blâmant les dirigeants et les médias de ne pas s’intéresser suffisamment à la situation dans la bande de Gaza.

Dimanche soir, une frappe israélienne a fait 45 morts et près de 250 blessés à Rafah, selon le ministère de la Santé de Gaza. La frappe a déclenché un incendie dans un camp de déplacés palestiniens, ce qui a suscité l’indignation du monde entier.

Le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, a qualifié cet évènement d’«incident tragique».

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