Hausse des cas de syphilis dans les Amériques, qui enregistrent 42 % des nouveaux cas

Katrine Desautels, La Presse Canadienne
Hausse des cas de syphilis dans les Amériques, qui enregistrent 42 % des nouveaux cas

MONTRÉAL — Les Amériques connaissaient une hausse importante des cas de syphilis chez les adultes, indique un nouveau rapport de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Parallèlement, Québec envisage d’ajouter un deuxième test de dépistage chez les femmes enceintes pour prévenir les cas de syphilis congénitale.

En 2022, à travers le monde, le nombre de cas a augmenté de plus d’un million pour atteindre un total de 8 millions. Dans les Amériques, les nouveaux cas de syphilis chez les adultes de 15 à 49 ans ont augmenté de 30 % entre 2020 et 2022, selon le rapport de l’OMS. Le continent connaît actuellement l’incidence la plus élevée au monde, avec 6,5 cas pour 1000 personnes, ce qui représente 42 % de l’ensemble des nouveaux cas.

La syphilis est une infection bactérienne transmissible sexuellement ou par le sang que l’on peut prévenir et guérir.

«Souvent, les gens ont des symptômes initialement, mais ce sont des symptômes qui ne sont pas très dérangeants, donc ils ne vont pas nécessairement demander à voir un médecin ou être diagnostiqués. Les symptômes finissent par partir tout seuls alors ils pensent que c’est réglé, mais la bactérie reste dans leur système pendant plusieurs années avant qu’il y ait d’autres symptômes», a déclaré Dre Marie-Danielle Dionne, spécialiste en médecine fœto-maternelle au Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM).

Avec un test sanguin, on peut confirmer si on a contracté une syphilis. Bien qu’elle ne soit pas souvent dangereuse, si elle n’est pas traitée, cette maladie peut entraîner de graves problèmes de santé, tels que des maladies cérébrales et cardiovasculaires.

«Il arrive un stade de la maladie où les symptômes peuvent devenir très sévères et fatals. (…) Le décours de la maladie sans traitement finit par arriver là», explique Dre Dionne.

L’OMS soutient que l’augmentation des infections par la syphilis peut être attribuée à plusieurs facteurs, notamment «une sensibilisation insuffisante à la maladie, des disparités dans l’accès aux services de santé, au diagnostic et au traitement, et la stigmatisation persistante des maladies sexuellement transmissibles, qui peut dissuader les individus de rechercher une assistance médicale».

Dre Dionne, obstétricienne-gynécologue, abonde en ce sens, estimant qu’il y a peut-être moins de sensibilisation auprès de la population ou moins de protection lors des relations sexuelles. «L’immigration est aussi un facteur parce qu’on voit un peu plus de syphilis dans notre population migrante, ajoute-t-elle. Ils viennent d’endroits où il y a plus de cas, arrivent ici et ils ont accès aux soins. On les dépiste et on peut ensuite les traiter.»

L’ajout d’un dépistage systématique à la grossesse

Les cas de syphilis congénitale sont en augmentation. Au Canada, 117 cas de syphilis congénitale précoce ont été rapportés en 2022 pour un taux de 31,7 cas pour 100 000 naissances vivantes. C’est 7 % plus élevé qu’en 2021 et 599 % qu’en 2018.

Au Québec, en 2022, 90 % des cas enregistrés ont été observés chez celles qui sont en âge de procréer. Dans ce contexte, le ministère de la Santé et des Services sociaux a mandaté l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) pour produire des recommandations sur la pertinence d’ajouter un test de dépistage systématique de la syphilis au troisième trimestre de la grossesse.

Actuellement, un test de dépistage est effectué chez toutes les patientes au début de la grossesse. Lorsqu’il y a des facteurs de risque, un dépistage supplémentaire est effectué au troisième trimestre et au moment de l’accouchement.

«Mais on n’est pas très bon pour identifier tout le monde qui sont à risque et il y a aussi une proportion de gens, quand on évalue les facteurs de risques, qui cochent ne pas être à risque et finalement ils sont testés positifs. Les facteurs de risque, ce n’est malheureusement pas optimal comme stratégie», estime Dre Dionne.

Le groupe d’experts de l’INSPQ a recommandé deux scénarios au ministère. Celui ayant obtenu le plus de votes prévoit de faire un deuxième test de dépistage systématique à la fin du deuxième trimestre et à l’accouchement. L’autre scénario serait de faire un seul dépistage systématique au moment de l’accouchement.

«Les femmes font déjà des bilans qui sont recommandés (au deuxième trimestre), donc c’est assez facile de dire qu’on rajoute un test de plus à ce moment, explique Dre Dionne. Ça ne demande pas une visite de plus au centre de prélèvement ou une autre prise de sang. C’est juste un test supplémentaire qui est demandé au même moment.»

Dre Dionne croit que l’ajout d’un autre test de dépistage systématique chez les femmes enceintes pourrait faire une différence. «La meilleure stratégie, c’est une prise en charge précoce de la maladie pour un traitement plus optimal. C’est ce qui diminue le plus les complications de grossesse et pour le nouveau-né.

«Ça vaut la peine de se poser la question de rajouter ce test parce qu’on pourrait aider la santé de quelques enfants quand même», dit-elle.

Comme pour les autres ITSS, la meilleure façon de se protéger est d’utiliser un préservatif lors des rapports sexuels.

L’OMS recommande aux pays de continuer à sensibiliser le public à la syphilis, de proposer des tests pour un diagnostic précoce et d’assurer un traitement approprié.

Le contenu en santé de La Presse Canadienne obtient du financement grâce à un partenariat avec l’Association médicale canadienne. La Presse Canadienne est l’unique responsable des choix éditoriaux.

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