Funérailles nationales de Jean-Pierre Ferland : musique et hommages à l’honneur

Coralie Laplante, La Presse Canadienne
Funérailles nationales de Jean-Pierre Ferland : musique et hommages à l’honneur

MONTRÉAL — La musique et la couleur jaune ont ponctué les funérailles nationales du chanteur Jean-Pierre Ferland, samedi à Montréal, où familles, amis et personnalités publiques lui ont rendu un dernier hommage.

Les habits des invités ainsi que des fleurs jaunes coloraient la cathédrale Marie-Reine-du-Monde, en référence à l’album «Jaune», sorti en 1970, sur lequel on retrouve notamment «Le Petit Roi». L’urne du chanteur, également couleur soleil, a été amenée sur l’autel au son de «Je Reviens Chez Nous», sur le coup de 11h.

«À mes yeux, mon père était un feu d’artifice. Haut, grand, et éclatant, a affirmé la fille du défunt, Julie Ferland, aux côtés de son frère, Bruno Ferland. À la fin de sa vie, papa était paisible et heureux. Il est parti tranquille, et il a souri de son superbe sourire enjôleur jusqu’au dernier moment.»

Sa conjointe des 16 dernières années, Julie Anne Saumur, a aussi livré un discours touchant à «l’homme de sa vie».

«Tu as mis de la musique dans ma vie. Tu m’as emmenée un peu plus haut, un peu plus loin. Quand je voyais ton visage, il s’illuminait comme le soleil, tu me disais dans le creux de mon oreille : t’es belle. Et je savais que t’étais mon amour, et moi ta maîtresse», a affirmé Mme Saumur, relatant le jour de leur rencontre, le 22 août 2008, le soir où M. Ferland a chanté en duo sur les plaines d’Abraham avec Céline Dion et Ginette Reno.

«Quel beau voyage de vie on a fait ensemble. Je serai toujours reconnaissante d’avoir eu cette chance d’avoir pu partager une partie de ma vie avec toi. Merci pour ces 16 belles années de bonheur, mais j’en aurais pris ben d’autres», a-t-elle poursuivi.

Elle a également offert une interprétation émouvante, avec la chanteuse Mélissa Bédard, de la chanson bien connue de M. Ferland, «Une chance qu’on s’a». Le public s’est levé, et a chaudement applaudi les deux femmes pendant plusieurs minutes.

Claude Dubois a également chanté «Si Dieu existe», et les funérailles se sont conclues par «Un peu plus haut, un peu plus loin», interprétée par Ginette Reno, par vidéo.

La chanteuse Florence K a également chanté «La musique», et Jean-Sébastien Lavoie «Je ne veux pas dormir ce soir».

Le premier ministre François Legault a pris la parole au début de la cérémonie présidée par l’archevêque de Montréal, Mgr Christian Lépine, pour souligner l’héritage d’un «géant».

«Jean-Pierre Ferland, c’était un génie des mots et de la musique, un génie qui a marqué la vie des Québécois. Ce qui est exceptionnel dans l’œuvre de Jean-Pierre Ferland, c’est sa maîtrise des mots, sa poésie. C’est intelligent, ça parle au coeur», a dit M. Legault.

Marc-François Bernier, qui a écrit la biographie «Jean-Pierre Ferland: Un peu plus haut, un peu plus loin», a aussi pris la parole lors de la cérémonie.

«Par son œuvre, Jean-Pierre a appris à des générations d’hommes qu’il était possible d’avoir de l’émotion amoureuse et de la tendresse. Il leur a enseigné que la séduction par l’humour, la parole et la mélodie était la condition première du consentement, bien avant que ce soit le sujet du jour. C’est un bel héritage, surtout en cette période où la parole est souvent violente.»

Sylvie Ferland, la fille aînée d’Antoine Ferland, le frère du chanteur, a livré un message de la part de son père.

«Je ne te l’ai jamais dit, je ne veux plus me taire, je t’aime c’est peu dire, fier d’être ton frère. En toute humilité, mais du fond du cœur, de ton plus grand fan et admirateur, ton frérot Antoine, repose en paix, que ton étoile brille au centre de tes succès, qui illumineront nos cœurs, à tout jamais», a-t-elle récité.

«Ça ne me fait pas peur de mourir»

Le réalisateur Pierre Séguin a rendu hommage à son ami, en remerciant M. Ferland «au nom de tous les techniciens, toutes les techniciennes de télévision avec qui il a travaillé».

Il a ensuite présenté un extrait un vidéo de M. Ferland, qu’il a tourné lorsqu’il réalisait un film sur sa «supposée dernière tournée», à New Richmond, en Gaspésie.

«Un matin, avant d’aller faire son show le soir, il me dit: « prends ta caméra, viens en arrière (de l’hôtel), faut que je te parle ».»

Au son de «T’es belle» et le «Le soleil emmène au soleil», interprétées dans la cathédrale par le pianiste François Cousineau, qui a composé quelques chansons de l’artiste, l’extrait vidéo a été diffusé.

On y voit un Jean-Pierre Ferland sur un pont au-dessus d’une petite rivière, qui parle franchement de son rapport à la mort.

«Tout ce que je veux, je ne veux pas mourir d’un accident brutal, comme un accident d’automobile, ça je n’aimerais pas ça. Je ne veux pas mourir malade non plus, dit M. Ferland. Ça ne me fait pas peur de mourir.»

«J’ai été aimé, j’ai aimé beaucoup. L’amour a été ma source de vie, ma source d’inspiration. Les femmes ont embelli ma vie, je ne peux pas demander plus que ça. J’ai eu une belle vie, je veux avoir une belle mort, tranquille.»

Un legs «immense»

Dès 10h, les invités arrivaient progressivement sur les lieux et se sont adressés aux médias pour partager leurs souvenirs en lien avec l’artiste qui a marqué les Québécois.

Le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon, a souligné la capacité de l’artiste «à se réinventer chaque décennie».

«À jouer un rôle à la télévision, à la radio, parfois politique, des déclarations le lendemain du référendum, la chanson  »Pissou », promouvoir la culture québécoise, donc une façon d’être présent dans nos vies à chaque décennie de manière très différente», a énuméré M. St-Pierre Plamondon.

Plusieurs artistes et acteurs du monde médiatique ont aussi souligné l’importance de M. Ferland dans leur parcours à leur arrivée sur les lieux.

«Jean-Pierre avait peut-être les plus beaux mots. Même sans musique, si vous lisez ses textes, c’est de la musique», a affirmé l’animatrice Danielle Ouimet.

«Il nous a inspirés énormément, notre façon d’écrire, notre façon de voir, notre façon de s’engager, notre façon de faire la scène aussi, a souligné la chanteuse Édith Butler. On ne chantait pas comme Mireille Mathieu, parce qu’on avait vu Ferland.»

«Je trouve que son legs est immense, a affirmé d’emblée le chanteur Vincent Vallières. Il a toujours été en synchronicité avec l’époque, avec son public aussi, et je pense que c’est ça qui fait que c’est un artiste aussi exceptionnel, cette longévité-là.»

La grande amie de M. Ferland, Clémence DesRochers, a salué son génie.

«Je dis que c’est un poète, et ça, c’est un mot que les gens n’ont pas utilisé beaucoup pour lui, et il écrit bien, et ses pensées sont originales, ses thèmes sont uniques», a-t-elle fait valoir.

Comme les places réservées au public étaient limitées à l’intérieur de la cathédrale, les funérailles étaient aussi diffusées sur un écran géant à la Place du Canada.

Vendredi, la population a pu rendre un dernier hommage à Jean-Pierre Ferland, qui a été exposé en chapelle ardente au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts.

L’auteur-compositeur-interprète a rendu l’âme le 27 avril à l’âge de 89 ans de causes naturelles. Il était hospitalisé depuis le 14 février au CHSLD Desy, à Saint-Gabriel-de-Brandon, dans Lanaudière. Il aurait eu 90 ans à la prochaine Fête nationale, le 24 juin.

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