Les scientifiques cherchent à créer une variété de blé résistante à la sécheresse

Amanda Stephenson, La Presse Canadienne
Les scientifiques cherchent à créer une variété de blé résistante à la sécheresse

CALGARY — Le biologiste végétal Marcus Samuel travaille depuis plus d’une décennie pour améliorer la résilience climatique des cultures.

Dans sa serre de recherche de l’Université de Calgary, il utilise des techniques d’édition génétique de pointe pour produire des variétés de plantes plus rustiques, capables de résister aux fluctuations de température, aux inondations et aux gelées.

Mais même s’il a travaillé sur le canola, les pois et d’autres cultures, la partie la plus insaisissable et la plus passionnante de son travail est peut-être la recherche d’un blé résistant à la sécheresse.

«C’est assurément le Saint Graal. Je pense que cela a été l’une des choses les plus difficiles à résoudre», a déclaré M. Samuel.

M. Samuel n’est que l’un des nombreux scientifiques au Canada et dans le monde qui travaillent au développement d’une variété de blé résistante à la sécheresse.

Si elle était réalisée, ce serait l’une des plus grandes victoires de la recherche agricole.

Le blé est la céréale la plus cultivée, occupant 17 % de la totalité des terres cultivées dans le monde, selon le Centre de recherches pour le développement international, une société d’État fédérale. Il s’agit d’un aliment de base pour 35 % de la population mondiale et il fournit plus de calories et de protéines dans l’alimentation mondiale que toute autre culture.

Pourtant, le blé est une plante «plus assoiffée» que d’autres cultures de base comme le maïs, le riz et le soja, ce qui la rend plus vulnérable aux pénuries d’eau. Le World Resources Institute, basé à Washington, estime que d’ici 2040, près des trois quarts de la production mondiale de blé seront menacés en raison de la sécheresse et du stress hydrique induit par les changements climatiques.

Santosh Kumar, un sélectionneur de blé travaillant sur la résistance à la sécheresse pour Agriculture et Agroalimentaire Canada à Brandon, au Manitoba, a déclaré qu’il a parfois l’impression de courir contre la montre.

«Alors que la population mondiale devrait doubler d’ici 2050, nous devons nourrir les gens», a dit M. Kumar.

«Si nous ne cultivons pas suffisamment de blé, il y aura des pénuries alimentaires.»

Même si aucun blé ne survivra jamais dans des conditions sans eau, les scientifiques ont découvert que les plants de blé présentant certaines caractéristiques, telles que des racines plus longues et plus profondes, ont de meilleures chances de survivre dans des conditions faibles en eau.

Il est possible, en utilisant des méthodes traditionnelles de sélection végétale, d’isoler des plantes présentant ces caractéristiques souhaitables et de les croiser avec d’autres plantes sélectionnées pour créer de nouvelles variétés plus résistantes à la sécheresse.

Des progrès ont été réalisés : le blé que les agriculteurs canadiens plantent aujourd’hui est plus résistant que celui d’il y a 100 ans. Mais le processus reste extrêmement lent et nécessite des années d’essais sur le terrain.

Et le blé véritablement résistant à la sécheresse reste insaisissable, même si son besoin devient plus urgent en raison des changements climatiques. Le Canada, par exemple, a vu sa production totale de blé diminuer de près de 40 % d’une année sur l’autre en 2021, en raison de la chaleur extrême et de la sécheresse dans les Prairies.

La sécheresse a encore frappé la production canadienne de blé l’année dernière, lorsque les agriculteurs ont vu leurs rendements diminuer de 12 % par rapport aux niveaux de 2022, selon Statistique Canada.

Une culture complexe

L’une des raisons pour lesquelles la science n’a pas encore résolu le problème est la complexité même de la plante de blé. Le génome du blé est immense et contient cinq fois plus d’ADN que le génome humain. La recherche de meilleures caractéristiques du blé est infiniment plus difficile que de travailler avec une culture ayant un profil génétique plus simple.

«C’est comme faire un puzzle de 50 pièces contre 10 000 pièces», a illustré M. Kumar.

Des scientifiques internationaux ont finalement entièrement cartographié le génome du blé en 2018, une percée qui a conduit à de récents progrès grâce à la recherche génétique. Le plus spectaculaire d’entre eux a été l’annonce en 2020 selon laquelle des scientifiques argentins avaient développé le premier blé génétiquement modifié, qui intègre un gène de résistance à la sécheresse issu du tournesol.

La culture ou la consommation du blé argentin n’a pas été approuvée au Canada, et de nombreux marchés à travers le monde restent hostiles aux cultures génétiquement modifiées. Mais l’édition génétique est moins controversée que la modification génétique à grande échelle, et c’est dans ce domaine que les scientifiques canadiens — comme M. Samuel de l’Université de Calgary — font des progrès.

Contrairement à la modification génétique à grande échelle, l’édition génétique n’implique pas l’épissage du matériel génétique de différentes espèces. Il s’agit plutôt d’une méthode de précision qui permet aux scientifiques d’apporter de petites modifications ciblées aux séquences d’ADN.

En 2021, le gouvernement canadien a assoupli ses règles concernant les cultures génétiquement modifiées, affirmant que les semences produites à l’aide de cette technologie sont sûres et ne nécessitent pas d’évaluations spéciales de la part de Santé Canada et de l’Agence canadienne d’inspection des aliments.

Ellen Sparry, présidente du groupe industriel Semences Canada, a déclaré que cette décision était une étape importante qui devrait accélérer la recherche d’un blé résistant à la sécheresse.

Toutefois, elle a ajouté qu’une souche prometteuse découverte dans un laboratoire de recherche nécessiterait encore plusieurs années de tests et de travaux réglementaires avant de pouvoir se retrouver entre les mains des agriculteurs.

Elle a dit que c’est pourquoi il est essentiel que les scientifiques reçoivent le financement public et privé dont ils ont besoin pour travailler le plus rapidement possible, afin que le Saint Graal de l’agriculture puisse être découvert avant que la crise climatique ne fasse des ravages plus lourds.

«La question n’est pas de savoir «Pouvons-nous le faire ?». Il s’agit de savoir à quelle vitesse nous pouvons le faire pour relever les défis auxquels nous sommes confrontés», a affirmé Mme Sparry.

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