Freeland se dit préoccupée par les allégations sur l’ingérence étrangère

Mia Rabson, La Presse Canadienne
Freeland se dit préoccupée par les allégations sur l’ingérence étrangère

OTTAWA — Les conclusions d’un comité parlementaire selon lesquelles certains députés canadiens aidaient «sciemment» des acteurs étatiques étrangers sont «préoccupantes», mais il appartient aux forces de l’ordre de décider s’ils ont enfreint la loi, a déclaré mardi la vice-première ministre, Chrystia Freeland.

Mme Freeland s’exprimait le lendemain de la publication d’un rapport par le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement à la suite de son étude visant à déterminer si des acteurs étatiques étrangers étaient intervenus dans les deux dernières élections fédérales.

Le rapport affirme que l’ingérence étrangère a été détectée dans un large éventail de la politique et de la société canadienne, y compris à tous les niveaux du gouvernement, dans tous les partis politiques, dans les médias et dans le secteur privé.

Il a également formulé des allégations explosives selon lesquelles certains députés auraient participé «sciemment» aux efforts déployés par d’autres pays pour s’ingérer dans la politique canadienne. Dans un cas, un député aurait demandé à rencontrer un responsable des services de renseignement étrangers et lui aurait fourni des informations confidentielles.

Le rapport suggère que toutes les actions des députés impliqués étaient «contraires à l’éthique» et que certaines pourraient être considérées comme illégales.

Mme Freeland a été pressée, lors d’une conférence de presse, mardi matin, d’expliquer pourquoi les noms de ces députés sont gardés secrets et pourquoi aucune accusation n’a été portée, étant donné que certaines de ces actions pourraient constituer une trahison.

«Je pense que votre question est importante, car les conclusions du comité sont préoccupantes, et elles devraient l’être», a-t-elle déclaré.

Elle a indiqué que les libéraux effectuaient un «suivi interne» en tant que parti politique, mais elle n’a fourni aucun détail sur ce que cela signifiait et elle n’a pas dit si un député libéral accusé pourrait être autorisé à rester dans le caucus.

Mais elle a ajouté que le gouvernement ne pouvait pas être celui qui porterait plainte.

«Je tiens vraiment à souligner que ce sont les forces de l’ordre qui doivent prendre des mesures et agir, a-t-elle affirmé. Les mesures d’application réelles ne peuvent pas être politisées.»

Cependant, son collègue libéral David McGuinty, président du comité, a déclaré qu’il était peu probable que cela conduise à des accusations criminelles en raison d’un conflit entre la nature secrète des preuves et les besoins du système judiciaire.

Un enjeu de sécurité publique

Même si les noms des députés figuraient probablement dans le rapport complet, les paragraphes qui les contiendraient ont été supprimés de la version rendue publique lundi.

La Presse Canadienne a demandé à la Gendarmerie royale du Canada si elle enquêtait sur des députés à la suite du rapport, et n’a pas encore reçu de réponse.

Le ministre de la Sécurité publique, Dominic LeBlanc, responsable des enquêtes sur l’ingérence étrangère, a déclaré mardi qu’il serait incompatible avec les pratiques de sécurité nationale du Canada et de ses alliés de divulguer les noms des députés.

«Je pense que les Canadiens doivent savoir que les agences de sécurité nationale et de renseignement accomplissent le travail important qu’elles mènent», a-t-il soutenu.

«Je pense que les Canadiens comprennent que ce travail est effectué dans le respect d’une certaine exigence de confidentialité et de secret afin de protéger les sources et les méthodes utilisées par les agences de renseignement.»

M. LeBlanc a déclaré qu’une partie des renseignements provenait d’alliés qui leur fournissaient des informations à la condition que cela ne soit pas rendu public.

Ces conditions peuvent également empêcher les forces de l’ordre de mener une enquête ou de porter des accusations.

Le rapport lui-même prévient que même si certaines des actions entreprises par des députés individuels «peuvent être illégales», elles sont «peu susceptibles de conduire à des accusations criminelles».

C’est parce que le Canada n’a pas «surmonté le défi du renseignement utilisé comme preuve», a déclaré M. McGuinty, lors d’une entrevue lundi.

Ce défi est décrit dans les notes d’information fournies à l’ancien ministre de la Sécurité publique Marco Mendicino en 2023, comme la «tension inhérente entre la nécessité de protéger les informations sensibles contre la divulgation et la nécessité de s’appuyer sur ces informations pour soutenir l’application de la loi et maintenir l’équité procédurale dans les procédures pénales, civiles et administratives».

L’équité procédurale implique de garantir que l’accusé puisse voir les éléments de preuve utilisés contre lui, afin de se défendre.

Le gouvernement critiqué par le rapport

Mme Freeland a rejeté les suggestions selon lesquelles ce rapport sape davantage la confiance des Canadiens dans leur gouvernement et leurs systèmes électoraux, d’autant plus que le gouvernement ne dit pas si l’un des députés présumés impliqués siège toujours au Parlement.

«La garantie que je peux donner aux Canadiens est que notre gouvernement prend très, très au sérieux l’ingérence étrangère», a-t-elle soutenu.

«Nous avons mis en place des mesures plus strictes que celles qui existaient sous le gouvernement conservateur précédent pour lutter contre l’ingérence étrangère.»

Les conservateurs ont répondu à la question à savoir s’il fallait ou non nommer les députés en fournissant une déclaration du directeur des relations avec les médias, Sebastian Skamski.

«Il est inacceptable qu’un parlementaire aide «sciemment» une puissance étrangère hostile à saper notre processus démocratique et nos élections, que chaque membre du Parlement a juré de protéger», a écrit M. Skamski.

Il a également déclaré que le rapport est une preuve supplémentaire que le premier ministre Justin Trudeau était au courant des tentatives d’ingérence étrangère et qu’il n’a pas agi.

Le premier ministre Justin Trudeau est revenu sur le dossier de l’ingérence étrangère, lors de la période de questions, mardi.

«Non seulement nous sommes en train de doter nos agences de sécurité de renseignements de nouveaux outils, ainsi que les parlementaires de nouveaux outils pour pouvoir contrer l’ingérence étrangère, nous nous tenons forts contre l’ingérence étrangère», a-t-il affirmé.

«On est là pour tenir tête contre les pays qui bafouent les principes de droit international, que ce soit la Russie, la Chine, ou d’autres, nous allons continuer d’être là pour assurer qu’on protège les Canadiens», a ajouté le premier ministre.

Le rapport critique cependant le gouvernement pour ne pas avoir réagi aux menaces d’ingérence étrangère avec suffisamment de vigueur.

Le document indique que le gouvernement avait effectué le travail politique nécessaire et rassemblé les renseignements dont il avait besoin, mais qu’il n’avait toujours pas mis en œuvre de réponse efficace pour contrer l’ingérence étrangère.

Les allégations selon lesquelles des acteurs étrangers auraient tenté d’interférer dans les résultats des deux dernières élections harcèlent le gouvernement depuis plus d’un an. Les libéraux ont été contraints par les partis d’opposition de lancer une enquête publique sur cette affaire.

Un rapport intermédiaire de cette enquête publié le mois dernier a dévoilé que la Chine avait tenté d’interférer dans les élections fédérales de 2019 et 2021, mais que cela n’avait pas affecté les résultats globaux, qui ont ramené les libéraux au pouvoir avec un gouvernement minoritaire.

La juge Marie-Josée Hogue a déclaré que l’ingérence a pu affecter les résultats dans un petit nombre de circonscriptions, mais qu’il n’y a aucune certitude à ce sujet et que l’intégrité globale des élections est restée intacte.

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