80e du débarquement: la démocratie toujours menacée, notent Trudeau et Macron

Michel Saba, La Presse Canadienne
80e du débarquement: la démocratie toujours menacée, notent Trudeau et Macron

COURSEULLES-SUR-MER — Le combat de la liberté n’est pas terminé, a prévenu le premier ministre Justin Trudeau alors que le Canada souligne le 80e anniversaire du Jour J et de la Bataille de Normandie dans le contexte d’une guerre en Ukraine où la Russie est aux portes de l’Europe. Un rappel qu’a réitéré plus tard le président français Emmanuel Macron lors de la cérémonie internationale.

«La démocratie est encore aujourd’hui menacée. Elle est menacée par des agresseurs qui veulent redessiner les frontières. Elle est menacée par la démagogie, la mésinformation, la désinformation et l’ingérence étrangère», a déclaré jeudi M. Trudeau.

M. Trudeau a affirmé que la démocratie doit être défendue sans relâche. «Nous le devons aux générations futures. Et nous le devons aux femmes et aux hommes en uniforme qui ont tant sacrifié pour notre liberté collective», a-t-il noté.

Quelques instants plus tard, le premier ministre français Gabriel Attal a poursuivi dans la même veine au terme d’un discours qui a captivé l’auditoire au point où le son des oiseaux qui chantaient dans le paysage bucolique était facilement audible malgré la présence de milliers de personnes.

«L’histoire est une leçon pour l’avenir, a dit M. Attal. Et aujourd’hui, plus que jamais, nous devons l’entendre et l’écouter. L’entendre et l’écouter alors que la guerre frappe à nouveau l’Europe et que, sur le sol ukrainien, on meurt pour avoir commis l’affront de vouloir être libre.»

Le premier ministre français a expliqué que de venir sur cette plage, c’est se souvenir, et «revoir ces hommes si jeunes venus se battre pour une terre lointaine et inconnue (…), se laisser inspirer par leur courage, porter par leur bravoure, guider par leurs exploits».

«Notre reconnaissance est éternelle, infinie, a-t-il insisté. Jamais la France n’oubliera que, sur ce sable, le sang de la jeunesse canadienne a coulé pour notre liberté.»

La cérémonie commémorative nationale canadienne s’est tenue à «Juno Beach», le nom de code donné à cette plage normande où 14 000 soldats canadiens sont débarqués par la mer et les airs le 6 juin 1944.

Des prestations musicales, une cérémonie de dépôt de couronnes et un défilé aérien étaient au programme de la cérémonie à laquelle ont assisté une dizaine de vétérans de la Seconde Guerre mondiale et des milliers de personnes.

Le long de la route menant à «Juno Beach», des drapeaux canadiens côtoyaient ceux de la France, des États-Unis et du Royaume-Uni.

Dans la foule, se trouvait Jean-Pierre Bertrand, un retraité du 22e Régiment, à Québec, dont il portait d’ailleurs fièrement les couleurs. M. Bertrand trouve cependant «gênant» l’état actuel des Forces armées canadiennes, si bien qu’il l’a qualifiée d’«armée de Canadian Tire».

«On est des libérateurs pour eux», a-t-il constaté, se désolant du même souffle que les Canadiens aient des lacunes quant à leur devoir de mémoire.

À l’inverse, Manon Caruso, une élève du Collège de la Présentation de Marie, dans le sud de la France, a, comme bien d’autres Français, assuré que «tout le monde» connaît cette histoire. Elle était des 1300 élèves canadiens et français venus assister à la cérémonie.

«Je suis un peu émue de voir tout ça», a déclaré Patricia Michel, une Normande, les larmes aux yeux.

Quant à la guerre que mène la Russie, plusieurs spectateurs se sont dits inquiets. «Ça fait peur en définitive parce que tout ce qui s’est passé ça ne sert à rien, a tranché Yannick Guillorit. On espère que ça ne se renouvellera pas, mais il suffit de pas grand-chose pour que ça se reproduise.»

Avec les Américains et les Britanniques, les troupes des Alliés comptaient en tout 156 000 soldats à prendre d’assaut cinq plages.

La bataille qui s’en suivra durera 11 semaines. Pas moins de 90 000 Canadiens y prendront part, et ce, de façon sanglante. Le bilan atteindra 5500 morts chez les nôtres.

Le prince William, également de la cérémonie canadienne, a d’ailleurs insisté pour dire que l’assaut du Jour J reste «l’opération militaire la plus ambitieuse de l’histoire» et qu’elle a ultimement mené à libérer l’Europe occupée par les nazis. «Merci pour notre liberté. Merci pour votre service», a-t-il dit en français.

L’ombre de la Russie

Les Alliés d’autrefois ne sont plus exactement ceux d’aujourd’hui, alors que la France, la Grande-Bretagne, les Américains et les Canadiens combattaient aux côtés de l’Armée rouge. Désormais, la Russie, qui a envahi l’Ukraine il y a plus de deux ans, s’inscrit clairement dans le camp adverse.

D’ailleurs, son président, Vladimir Poutine, n’a pas reçu son carton d’invitation aux événements de commémoration de la part de la France, qui les organise, en raison de son invasion de l’Ukraine.

À l’inverse, le président ukrainien Volodymyr Zelensky était un invité d’honneur, reçu chaleureusement par ceux qui assistaient plus tard à la cérémonie internationale à Omaha Beach.

«Face au retour de la guerre sur notre continent, face à la remise en cause de tout ce pour quoi ils se sont battus, face à ceux qui prétendent changer les frontières par la force pour réécrire l’histoire, soyons dignes de ceux qui débarquèrent ici. Votre présence ici en ce jour, monsieur le président d’Ukraine, dit tout cela», a déclaré le président français Emmanuel Macron.

Ces mots ont immédiatement conduit la foule à une longue ovation debout. Un avion a ensuite survolé la scène laissant dans le ciel une traînée bleu, blanc et rouge aux couleurs du drapeau français.

Le bruit assourdissant de nombreux avions qui survolaient le ciel a ponctué le reste du discours sur la liberté, «combat de chaque matin».

En tout, une vingtaine de dirigeants mondiaux assisteront à l’événement, dont le président américain Joe Biden et le chancelier allemand Olaf Scholtz.

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