LeBlanc accuse les conservateurs du faire du théâtre avec le rapport sur l’ingérence

Jim Bronskill, La Presse Canadienne
LeBlanc accuse les conservateurs du faire du théâtre avec le rapport sur l’ingérence

OTTAWA — Le ministre fédéral de la Sécurité publique, Dominic LeBlanc, accuse les députés conservateurs de faire du théâtre lorsqu’ils pressent le gouvernement de divulguer les noms de députés qui auraient participé à des activités d’ingérence étrangère.

Un comité parlementaire de surveillance du renseignement a conclu dans un rapport publié cette semaine que «certains députés» avaient «sciemment aidé» des «acteurs étatiques étrangers» à s’ingérer dans la politique canadienne.

Ce rapport choc a suscité des inquiétudes quant au fait que des députés qui auraient été impliqués dans des activités d’ingérence étrangère pourraient être toujours en politique active. Le chef conservateur, Pierre Poilievre, a demandé mercredi au gouvernement libéral de divulguer l’identité de ces élus.

Les membres conservateurs du Comité permanent de la sécurité publique et nationale des Communes ont contesté jeudi les explications du ministre LeBlanc concernant le refus du gouvernement de révéler leur identité.

«Croyez-vous que les Canadiens ont le droit de savoir, oui ou non ?», a demandé au ministre le député conservateur Frank Caputo.

Le ministre de la Sécurité publique et des Institutions démocratiques, qui est donc responsable des enquêtes sur l’ingérence étrangère, a répété jeudi que les rapports des services de renseignement pouvaient contenir des informations non vérifiées qui n’offraient pas un portrait complet de la situation.

«Une pièce du casse-tête prise isolément, une source de renseignement ou une information, peut ne pas avoir de contexte, peut être discréditée ou altérée par des informations ultérieures, a-t-il soutenu. Donc, l’idée selon laquelle il existe une liste parfaite de noms, entièrement fiable et qui devrait être rendue publique est tout simplement irresponsable.»

M. LeBlanc a aussi précisé qu’il appartenait à la Gendarmerie royale du Canada d’enquêter et de porter des accusations si cela était justifié, car c’est ainsi que les choses fonctionnent dans une démocratie fondée sur la primauté du droit.

Il a aussi ajouté que le député Caputo s’adonnait à du mauvais théâtre.

Des organismes inquiets

Les échanges corsés ont eu lieu alors que les membres du comité se réunissaient jeudi pour entendre le ministre LeBlanc et d’autres témoins sur un vaste projet de loi du gouvernement visant justement à contrer l’ingérence étrangère.

Le projet de loi C-70, déposé en Chambre au début du mois dernier, comprend diverses mesures visant à dissuader, enquêter et punir l’ingérence étrangère.

Il contient de nouvelles dispositions pénales contre «les actes trompeurs ou subreptices», permettrait un partage plus large d’informations sensibles et établirait un «registre visant la transparence en matière d’influence étrangère».

Le comité soutient que ses membres doivent présenter les amendements proposés au projet de loi d’ici vendredi après-midi, en vue de l’étude article par article au début de la semaine prochaine.

Dans une lettre adressée jeudi au comité, 14 organisations de la société civile ont exprimé leurs «profondes inquiétudes» quant au fait que les députés achèvent les audiences sur le projet de loi après seulement une semaine environ.

Les organisations ont averti que l’étude parlementaire inhabituellement rapide du projet de loi C-70 pourrait aboutir à des lois boiteuses qui violeraient les droits fondamentaux des Canadiens.

La lettre a été signée notamment par la Ligue des droits et libertés, la section canadienne anglophone d’Amnistie internationale, l’Association canadienne des professeurs d’université, l’Association canadienne des libertés civiles, le Conseil canadien des affaires publiques musulmanes et le Conseil national des musulmans canadiens.

«Nous reconnaissons l’importance de lutter contre le harcèlement, les menaces et la violence contre les personnes, y compris lorsque exécutées par des gouvernements étrangers afin de réprimer l’exercice des droits fondamentaux ou l’engagement dans les processus démocratiques», lit-on dans la lettre conjointe.

«Toutefois, les changements proposés par C-70 vont beaucoup plus loin. S’il est adopté, ce projet de loi apportera des changements importants aux systèmes de sécurité nationale, de renseignement et de justice pénale du Canada, en plus de créer un registre d’influence étrangère d’une portée considérable, quoique incertaine.»

En conséquence, le projet de loi aura des effets importants sur la vie et les droits fondamentaux des Canadiens, «notamment des risques de surveillance accrue, de diminution de la vie privée, de limites à la liberté d’expression et à la liberté d’association, de profilage racial, religieux et politique, et d’atteinte à la procédure régulière devant les tribunaux par le recours à des ‘preuves’ secrètes», ajoute la lettre.

«Le résultat est que les organisations et les individus qui auraient demandé à comparaître ou qui auraient soumis des mémoires écrits ne pourront pas le faire dans des délais aussi courts. Développer des amendements spécifiques à proposer d’ici la date limite de vendredi est presque impossible.»

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