Autochtones: un rapport souligne l’importance de la sécurité culturelle en recherche

Katrine Desautels, La Presse Canadienne
Autochtones: un rapport souligne l’importance de la sécurité culturelle en recherche

MONTRÉAL — Il est primordial d’adopter des façons de faire favorisant la sécurité culturelle des Autochtones en contexte de recherche, soulève un rapport étoffé de plusieurs partenaires œuvrant pour les communautés autochtones.

Le document d’une centaine de pages est le fruit d’un travail de l’Unité de soutien (SSA) du programme de recherche en santé autochtone du Québec, le département de médecine familiale de McGill, le Bureau du Principe de Joyce et le Tahatikonhsontóntie’ Environnement réseau de recherche en santé autochtone du Québec (ERRSA-Qc).

Le rapport diffusé jeudi est le fruit d’une consultation de la «Table ronde sur la sécurité culturelle en contexte de recherche» qui avait comme objectif de définir et d’identifier les meilleures façons de mener une recherche culturellement sécuritaire en santé autochtone.

La sécurité culturelle est un processus selon lequel les professionnels de la santé doivent constamment revoir leurs connaissances, attitudes et comportements pour répondre aux besoins des populations autochtones. Elle a pour objectif de réduire les inégalités en santé vécues par les peuples autochtones.

«Ce que les Premières Nations et Inuits demandent à travers cette table ronde, c’est d’avoir une co-gouvernance des projets de recherche, d’avoir un rôle actif au sein de la recherche, c’est-à-dire d’être entendus, écoutés et que leur savoir expérientiel et leur façon de faire soient mis de l’avant et qu’après cela il y ait des retombées concrètes pour les gens», a résumé Jennifer Petiquay-Dufresne, du Bureau du Principe de Joyce, qui a fait partie du comité organisateur de la table ronde.

Elle a affirmé que les Autochtones sont tannés «d’être des objets de recherches» et qu’il est temps qu’ils fassent partie intégrante des recherches en santé et que cela commence dès le choix du sujet.

«Ils veulent que la recherche contribue à nourrir les objectifs des communautés par l’exercice et aussi l’expertise de leur quotidien. Ils savent dans quels sujets on devrait aller creuser, documenter ou les soutenir pour permettre d’améliorer le mieux-être des personnes autochtones», a-t-elle déclaré.

«En les positionnant de manière centrale dans le processus et dans la détermination des projets et des sujets, on va être à même d’avoir des projets qui vont être plus cohérents et pertinents.»

Le rapport fait valoir l’importance de l’élaboration d’une formation portant spécifiquement sur la sécurité culturelle en contexte de recherche. À l’heure actuelle, au Québec, il n’existe pas de formation sur la sécurité culturelle destinée aux personnes allochtones intéressées à faire de la recherche avec des partenaires autochtones.

L’une des rédactrices principales du rapport, Treena Delormier, de ERRSA-Qc, souligne qu’il y a souvent des critères d’admissibilité pour les recherches portant sur les besoins et les réalités autochtones. «Donc les chercheurs veulent savoir comment ils peuvent engager ces populations autochtones parce qu’ils reconnaissent qu’ils n’ont pas cette formation», explique-t-elle.

Mme Delormier souhaite qu’il y ait des places pour former ces chercheurs dans des universités. «Il faut que les institutions créées des unités pour former les chercheurs dans la recherche culturellement sécuritaire. On en a besoin», dit-elle.

Les effets sur la santé des inégalités

Le rapport dresse un portrait de l’impact du colonialisme européen sur la santé des Autochtones du Canada. Il souligne que les colonisateurs en Amérique du Nord et les régimes qui en ont découlé «ont eu un impact majeur sur l’ensemble de la vie des Autochtones, un impact qui continue à ce jour de se refléter dans les résultats de santé des Premiers Peuples du territoire».

La santé des Autochtones est indissociable des pratiques coloniales, de la discrimination et du racisme, soutient le rapport. Ces enjeux continuent de représenter des barrières majeures, notamment quant à l’accès aux services de santé.

Aujourd’hui, l’espérance de vie des Autochtones est en moyenne de 8,4 ans de moins que celle des allochtones.

«Cette iniquité, l’explication c’est une longue histoire de ne pas avoir les mêmes opportunités parce que nos droits d’autodétermination ne sont pas respectés. Si on n’a pas la même éducation, opportunités d’emploi, système de santé, accès au logement, ce sont des iniquités au niveau des déterminants sociaux de santé», souligne Mme Delormier.

«Si d’un côté, certaines personnes œuvrant dans le domaine de la santé adoptent des comportements et attitudes discriminatoires envers les patients autochtones, ce sont principalement les effets cumulatifs du racisme envers les Autochtones dans tous les systèmes de la santé canadiens qui contribuent à l’érosion de leur santé et à l’augmentation des facteurs de risques», explique-t-on dans le rapport.

De nombreuses recommandations se retrouvent dans le rapport, notamment certaines adressées aux décideurs politiques. On souhaite que ces derniers renversent «les tendances actuelles de la recherche afin qu’elles soient décentrées du milieu académique» et que les peuples autochtones puissent mener des recherches et trouvent eux-mêmes les solutions aux enjeux vécus par leurs collectivités.

On demande également aux politiciens de mettre sur pied des comités formés de chercheurs autochtones à l’intérieur des institutions politiques à tous les niveaux de gouvernement.

Les chercheurs devraient par ailleurs détenir «un ensemble de connaissances sur l’impact du colonialisme sur la santé des Peuples Autochtones». On recommande également qu’ils développent une entente de collaboration avec les partenaires autochtones, qui toucherait l’ensemble du processus de recherche, de la gestion des données jusqu’à la diffusion des résultats.

On souligne l’exemple de l’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador comme un modèle à suivre.

Principe de Joyce

«Ce qu’on sous-entend avec le Principe de Joyce, c’est que les personnes autochtones devraient avoir un droit d’accès sans aucune discrimination à tous les services de santé et services sociaux», résume Mme Petiquay-Dufresne.

«Quand on dit que la recherche doit servir le Principe de Joyce, c’est en allant documenter et en servant de plaidoyer autour de l’importance de Principe de Joyce», poursuit-elle.

Le rapport indique que pour soutenir les recommandations du Principe de Joyce, il est important de mener des recherches sur les différents enjeux soulevés par le Principe de Joyce, tels que la discrimination et le racisme systémiques, leurs impacts sur l’accès aux soins et le mieux-être des Autochtones ainsi que l’utilisation de la médecine autochtone en contexte de soins.

Le Principe de Joyce peut aussi être appliqué directement en recherche, comme sur les choix de sujets afin d’améliorer l’équité d’accès et la justice sociale.

«Ça serait utopique de penser qu’un rapport va être capable de répondre à des années de colonialisme épistémologique et structurel. C’est un pas. Le Principe de Joyce a essayé d’ouvrir la voie, et là on va un peu plus loin avec le rapport en disant: voici comment vous pourriez le faire concrètement», conclut Mme Petiquay-Dufresne.

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