La Cour fédérale se prononce sur une certaine «identité autochtone»

Alessia Passafiume, La Presse Canadienne
La Cour fédérale se prononce sur une certaine «identité autochtone»

OTTAWA — La Cour fédérale s’est prononcée sur la question de plus en plus controversée d’«usurpation d’identité autochtone», qui a provoqué une crise entre communautés au Labrador.

Le Conseil communautaire NunatuKavut, autrefois appelé la «Nation métisse du Labrador», représente quelque 6000 personnes qui se définissent comme «Inuits» dans le sud et le centre du Labrador. Or, ils ne sont considérés comme Inuits par aucune autre organisation inuite reconnue comme telle par le gouvernement fédéral.

La question centrale est de savoir si le Conseil communautaire NunatuKavut pourrait conclure un protocole d’entente avec Ottawa, et si cela lui donnerait une reconnaissance juridique et constitutionnelle à laquelle il n’aurait pas droit.

Le protocole d’entente qualifie le Conseil communautaire de NunatuKavut d’«organisation autochtone capable de détenir les droits ancestraux en vertu de l’article 35» de la Constitution, ce que contestent vigoureusement les Innus.

L’organisation «Nation innue», elle aussi établie au Labrador, a donc demandé à la Cour fédérale de rejeter le protocole d’entente signé en 2019 avec le ministre des Relations Couronne-Autochtones. Les Innus affirmaient que les revendications territoriales du Conseil de NunatuKavut chevauchaient leur propre territoire et qu’Ottawa ne les avait pas consultés.

Or, dans une décision publiée mercredi, la Cour fédérale rejette leur demande de contrôle judiciaire. Le tribunal conclut que le protocole d’entente n’affecte pas des droits juridiques et ne reconnaît pas le Conseil communautaire de NunatuKavut comme un peuple autochtone du Canada au sens de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.

L’article 35 prévoit que les droits existants — ancestraux ou issus de traités — des «peuples autochtones du Canada» sont reconnus et confirmés par la Constitution, et qu’on entend par «peuples autochtones» les Indiens, les Inuits et les Métis du Canada, notamment.

«Campagne de désinformation»

Le président du Conseil communautaire de NunatuKavut, Todd Russell, a salué la décision de la Cour fédérale. Il a déclaré que la «violente campagne de désinformation» à l’encontre de son organisation, qui dure depuis près de cinq ans, touchait à sa fin et qu’il envisageait maintenant l’avenir avec optimisme.

«La décision du tribunal signifie que le Canada et le (Conseil communautaire du NunatuKavut) devraient pouvoir poursuivre les négociations sans l’ingérence d’autres organismes autochtones ou du tribunal», a déclaré M. Russell.

«Nous devons tracer une voie dans laquelle nous travaillons en collaboration et en coopération pour la santé et le bien-être de tous nos peuples dans ce pays.»

L’organisme Nation innue, qui avait soumis le dossier à la Cour fédérale, salue lui aussi cette décision parce qu’elle confirme que le Conseil communautaire de NunatuKavut n’est pas reconnu comme ayant les droits prévus à l’article 35 de la Constitution.

«La Nation innue est profondément frustrée d’avoir dû perdre du temps et des ressources pour le confirmer, mais elle est extrêmement reconnaissante pour cette clarification juridique sur le statut» de NunatuKavut, a expliqué l’organisme dans un communiqué.

De même, le gouvernement de l’Inuit Nunatsiavut, dans le nord du Labrador, ne reconnaît pas le conseil en tant que groupe inuit, pas plus que l’organisme Inuit Tapiriit Kanatami, qui dit représenter 70 000 Inuits de 51 communautés au Canada.

Son président, Natan Obed, avait accusé l’année dernière le Conseil communautaire de NunatuKavut d’usurper l’identité inuite pour obtenir des terres, des droits et des ressources financières. M. Russell avait qualifié ces allégations de «diffamatoires».

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