Face aux attaques des gangs, Haïti désigne un nouveau chef de police

Evens Sanon et Dánica Coto, The Associated Press

Les dirigeants haïtiens ont évincé samedi Frantz Elbé, le directeur de la Police nationale d’Haïti, qui était en difficulté après des mois de critiques selon lesquelles il n’en faisait pas assez pour protéger les agents attaqués par des gangs.

L’ancien chef de la police haïtienne Normil Rameau, qui avait lui aussi été démis de ses fonctions il y a près de quatre ans sous une autre administration, prendra à nouveau la tête de ce département sous-financé et mal équipé qui ne compte que quelque 4000 agents en service dans un pays de plus de 11 millions d’habitants.

Plus de 2500 personnes ont été tuées ou blessées en Haïti au cours des trois premiers mois de l’année alors que la violence des gangs continue d’augmenter.

Parmi les personnes tuées figurent près d’une vingtaine de policiers, débordés par des gangs qui contrôlent 80 % de Port-au-Prince, qui sont mieux équipés et disposent d’armes plus puissantes. Les homicides les plus récents ont visé trois agents d’une unité tactique anti-gang nouvellement créée qui patrouillaient à bord d’un véhicule blindé. Un quatrième agent reste porté disparu.

La nomination de M. Rameau intervient alors qu’un premier ministre et un cabinet nouvellement sélectionnés prennent les rênes du gouvernement haïtien avec un conseil présidentiel de transition à leurs côtés.

M. Rameau a déjà été directeur général de la police sous l’ancien président assassiné Jovenel Moïse, qui l’avait nommé en août 2019. Il a été évincé de son poste de chef de la police en novembre 2020 après que le premier ministre Joseph Jouthe l’a accusé d’être incompétent et de ne pas produire de résultats à un moment où les gangs prenaient le contrôle de davantage de territoires.

Ni M. Rameau ni M. Elbé n’ont immédiatement répondu aux demandes de commentaires.

Un directeur critiqué

Les syndicats de la police haïtienne ont appelé à plusieurs reprises à la démission et à l’arrestation de M. Elbé, soulignant que des gangs ont attaqué et incendié au moins 30 postes de police et sous-commissariats au cours des derniers mois dans le cadre d’une série d’attaques qui ont débuté le 29 février et qui ont ciblé des infrastructures importantes de l’État et ont conduit à la démission éventuelle de l’ancien premier ministre Ariel Henry.

Mercredi, le syndicat de police SPNH-17 a tenu une conférence de presse pour condamner l’état du département et déplorer les policiers tués.

«Regardez ces jeunes hommes, tués à coups de hache», a déclaré le porte-parole du syndicat Garry Jean-Baptiste en montrant derrière lui des rangées de photos représentant des officiers tués en service.

Le syndicat a également publié une déclaration le jour où Haïti célébrait la création de son service de police.

«La Police nationale d’Haïti a 29 ans, mais elle ne peut toujours pas marcher (…) elle ne s’est pas développée parce que la corruption et l’incompétence l’ont prise en otage», a-t-il déclaré.

Parallèlement, un autre syndicat de police, le SYNAPOHA, a appelé cette semaine le nouveau premier ministre Garry Conille à faire du renforcement du département une priorité.

M. Conille a participé à une patrouille avec la police le 2 juin, enfilant un gilet pare-balles et un casque alors qu’il pénétrait dans un véhicule blindé. Le SNPH-17 espérait que le premier ministre remarquerait lors de la patrouille que le pays n’avait pas de leadership et que les criminels avaient trop de contrôle.

«Le premier ministre doit comprendre la nécessité d’avoir une autre équipe au sommet», a déclaré le syndicat.

M. Elbé a été nommé chef de la Police nationale d’Haïti en octobre 2021, en remplacement de Léon Charles.

L’année dernière, sous M. Elbé, au moins 36 officiers ont été tués dans des violences liées aux gangs entre janvier et mi-août, selon un rapport de l’ONU.

La communauté internationale a fourni des formations et d’autres ressources pour aider à renforcer la police nationale d’Haïti, qui attend également le déploiement d’une force de police du Kenya, soutenue par l’ONU.

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Dánica Coto écrivait depuis San Juan, Porto Rico.

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