Des plans en cas de catastrophe climatique sont demandés pour les patients dialysés

Camille Bains, La Presse Canadienne
Des plans en cas de catastrophe climatique sont demandés pour les patients dialysés

Lorsque des inondations catastrophiques ont détruit un pont et ont emporté ou coupé des autoroutes dans le sud de la Colombie-Britannique, Mitchell Dyck et d’autres patients nécessitant régulièrement une dialyse vitale ont dû être transportés par hélicoptère à l’hôpital.

Les inondations causées par des pluies record en novembre 2021 ont fermé toutes les routes vers le reste du Canada et ont empêché Mitchell Dyck de parcourir les 25 minutes de route entre son domicile de Chilliwack et l’unité de dialyse de l’hôpital régional d’Abbotsford.

M. Dyck, aujourd’hui âgé de 25 ans, recevait une dialyse de nuit trois fois par semaine parce que ses reins ne filtraient pas les déchets et l’excès de liquide de son sang en raison d’une maladie génétique diagnostiquée un an plus tôt.

Il a raconté qu’une infirmière l’avait appelé, ainsi que d’autres personnes, pour leur dire qu’ils devraient se rendre à l’aéroport de Chilliwack pour monter à bord d’un hélicoptère, mais les patients anxieux se sont retrouvés en plein «chaos» et il est arrivé à l’hôpital juste à temps pour son traitement.

«C’était un peu inquiétant, et ma famille aussi s’inquiétait de savoir si j’allais pouvoir y arriver», a relaté M. Dyck à propos de la ruée pour obtenir un traitement lors d’une catastrophe climatique qui a forcé près de 15 000 habitants de plusieurs communautés à quitter leur logement et qui a tué cinq personnes dans un glissement de terrain.

Alors que certains patients dialysés étaient hébergés dans des hôtels, Mitchell Dyck est resté avec ses grands-parents à Abbotsford jusqu’à ce que des portions de l’autoroute 1 soient ouvertes à la circulation deux semaines plus tard. Après avoir été dialysé pendant près de deux ans, M. Dyck a subi une greffe de rein en août 2022 et prend désormais huit médicaments, dont des immunosuppresseurs et des médicaments contre l’hypertension artérielle, qu’il a toujours en stock en cas d’urgence.

Une étude réalisée en 2022 par Environnement Canada suggère que le changement climatique a rendu les inondations en Colombie-Britannique au moins deux fois plus probables et il est possible que des événements similaires se multiplient à mesure que les gaz à effet de serre continuent de pénétrer dans l’atmosphère.

La probabilité de nouvelles catastrophes, notamment des incendies de forêt et des sécheresses, pousse les néphrologues à réclamer une meilleure planification des urgences à travers le pays afin de garantir que les patients dialysés particulièrement vulnérables aient accès à un traitement sans lequel une insuffisance rénale pourrait entraîner des maladies potentiellement mortelles, voire la mort.

Création d’un groupe de travail

La Dr Shaifali Sandal, néphrologue spécialisée en transplantation au Centre universitaire de santé McGill, à Montréal, travaille sur un projet avec la Société canadienne de néphrologie visant à déterminer la meilleure façon de gérer les patients rénaux en cas de catastrophe.

Elle a déclaré que l’Hôpital général de Montréal avait soigné au moins 20 patients dialysés supplémentaires l’été dernier après l’évacuation des communautés de la nation Crie du nord du Québec en raison d’incendies de forêt.

«Nos unités sont déjà en surcapacité et nous avons en fait demandé l’aide d’unités voisines qui ne nous sont pas affiliées», a expliqué la Dr Sandal.

Dans le cadre du projet financé par les Instituts de recherche en santé du Canada, elle mettra sur pied un groupe de travail pour recueillir les commentaires des professionnels de la santé et des patients de tout le pays afin de comprendre comment mieux coordonner les soins en cas d’urgence.

Mme Sandal examine également des documents de recherche sur les leçons apprises dans d’autres pays en matière de soins aux patients rénaux lors de diverses urgences.

«Nous voulons appliquer les expériences de catastrophes, notamment un tremblement de terre qui a déplacé des personnes au Japon, et les expériences en Ukraine en raison de la guerre et des urgences liées au changement climatique qui ont contraint les gens à quitter leurs communautés», a-t-elle raconté.

«Ils disent: ‘Ayez un plan d’urgence, ayez un plan de communication, ayez un réseau au sein de votre région, de sorte que si vous devez accueillir des patients supplémentaires, vous puissiez le faire. Ayez un coordinateur des catastrophes dans chaque région.’»

La Dr Sandal a déclaré que BC Renal, un réseau de Colombie-Britannique qui planifie et coordonne les soins des patients atteints de maladies rénales, pourrait servir de modèle pour le reste du Canada, car il offre des ressources «incroyables» pour aider les patients à se préparer à une urgence.

«Je pense que nous avons simplement besoin de la permission de BC Renal pour les partager avec tous les autres centres et les traduire dans différentes langues», a-t-elle indiqué.

Une équipe d’urgence

Sarah Thomas, infirmière autorisée et responsable de la gestion des urgences à BC Renal, a déclaré que le réseau est unique, car il travaille avec les cinq autorités sanitaires régionales de la province pour planifier les urgences afin que les patients dialysés puissent être renvoyés hors de leur communauté d’origine si un ordre d’évacuation a été publié.

«Cela pourrait signifier que chaque autorité sanitaire examine sa capacité à accueillir des patients», a détaillé Mme Thomas. «Nous offrons ce soutien aux autorités sanitaires, qui s’affairent à prendre soin des patients.»

BC Renal a récemment créé une équipe d’urgence composée de 12 infirmières en dialyse en milieu hospitalier qui peuvent être déployées dans l’une des 29 cliniques communautaires de la province ou dans un autre hôpital offrant le traitement, plutôt que d’acheminer les patients par avion — à moins que la zone n’ait été évacuée, a précisé Mme Thomas.

Chaque infirmière de l’équipe apprend aux patients à commencer leur régime rénal en cas d’urgence en limitant les liquides et en mangeant des aliments faibles en potassium, notamment des baies, du chou-fleur et du brocoli. Les patients doivent également prendre une poudre prescrite qui peut être mélangée à de l’eau pour abaisser le taux de potassium dans le sang à court terme, jusqu’à ce qu’un traitement soit disponible.

BC Renal élaborera également une politique sur la façon d’accommoder les patients dialysés lorsque des restrictions d’eau sont en place pendant une sécheresse ou si une conduite principale d’eau se brise dans un hôpital. Chaque séance de dialyse utilise jusqu’à 500 litres d’eau, trois fois par semaine et par patient, dans le cadre d’une procédure qui dépend également de l’énergie électrique.

«Dans le pire des cas, nous devrons probablement déplacer (les patients) vers une autre région, a expliqué Mme Thomas. Je sais que les gens pensent que (les unités de soins intensifs) sont un système de survie. Mais la dialyse est également un système de survie», a-t-elle fait valoir. «Nous devions trouver quelque chose pour garantir que nous disposions de procédures d’urgence agiles, car si nos patients ne reçoivent pas le traitement, ils tomberont malades, se retrouveront à l’hôpital et pourraient mourir.»

Les informations sur la santé de tous les patients rénaux, qu’ils soient dialysés ou qu’ils aient reçu une greffe, sont stockées dans un registre électronique disponible partout en Colombie-Britannique, contrairement aux autres dossiers de patients, a indiqué Mme Thomas.

«C’est unique à la Colombie-Britannique. Nous avons créé cela. Le reste du Canada se demande: ‘Que fait BC Renal ?’», a-t-elle raconté à propos de l’intérêt que suscite le programme de préparation aux situations d’urgence.

L’infirmière a mentionné que les plans d’intervention d’urgence renforcés du réseau ont commencé pendant la pandémie de COVID-19 et un trio de calamités liées au changement climatique qui ont frappé la Colombie-Britannique en 2021 – des incendies de forêt records, dont un qui a presque détruit la ville de Lytton, un dôme thermique sans précédent qui a entraîné 619 décès dans la province et une rivière atmosphérique qui a provoqué des inondations dans la région d’Abbotsford.

«Nous savons que de plus en plus d’urgences climatiques vont se produire, et nous serons mieux préparés pour garantir que les patients reçoivent les soins dont ils ont besoin.»

La couverture santé de la Presse Canadienne reçoit le soutien d’un partenariat avec l’Association médicale canadienne. La PC est seule responsable de ce contenu.

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