Ingérence: pas besoin d’élargissement de la portée de l’enquête, juge la commission

Émilie Bergeron, La Presse Canadienne
Ingérence: pas besoin d’élargissement de la portée de l’enquête, juge la commission

OTTAWA — La commission d’enquête sur l’ingérence considère que son mandat n’a pas à être élargi pour qu’elle se penche sur les allégations voulant que «certains parlementaires» aient, «sciemment ou par ignorance volontaire», participé à des manœuvres perturbatrices d’États étrangers.

«La Commission traitera ces questions dans le cadre qu’elle a déjà établi pour remplir son mandat et selon les règles et principes applicables à toute commission d’enquête indépendante», a-t-on déclaré dans un avis rendu public lundi.

«Des passages» d’un rapport fracassant du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement (CPSNR), publié dans une version caviardée au début du mois, «ont suscité des inquiétudes et provoqué de vifs échanges entre les parlementaires et dans les médias», note l’équipe de la juge Marie-Josée Hogue, qui préside l’enquête publique.

Le groupe de sénateurs et députés formant le CPSNR a écrit avoir «vu des renseignements inquiétants selon lesquels certains parlementaires sont, aux dires des services du renseignement, des participants mi-consentants ou volontaires aux efforts d’ingérence des États étrangers dans la politique du pays».

Les auteurs du rapport – tous astreints au secret à perpétuité – ont donné en exemple de gestes allégués celui d’«accepter sciemment ou par ignorance volontaire des fonds ou des avantages de missions étrangères ou de leurs mandataires qui sont passés par plusieurs mains ou sont autrement déguisés pour en dissimuler la source».

L’équipe de la commissaire Hogue précise avoir accès aux mêmes documents confidentiels – dans leur forme non expurgée de renseignement ayant trait à la sécurité nationale – qu’a analysés le CPSNR pour tirer des conclusions.

«Elle a aussi accès aux documents que l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement a consultés dans le cadre de son récent examen portant sur la production et la diffusion, au sein du gouvernement du Canada, du renseignement concernant l’ingérence étrangère exercée pendant les deux dernières élections fédérales canadiennes», ajoute-t-on.

La commission Hogue soutient que l’«examen» des allégations concernant «certains parlementaires» sera incluse dans la partie de son mandat qu’elle s’affaire à compléter et qui vise à «examiner et évaluer la capacité des ministères, organismes, structures institutionnelles et processus de gouvernance fédéraux à permettre au gouvernement canadien de détecter, de prévenir et de contrer toute forme d’ingérence étrangère visant directement ou indirectement les processus démocratiques du Canada».

La semaine dernière, une motion bloquiste visant à ce que la portée de l’enquête publique soit élargie a été adoptée aux Communes à la quasi-unanimité.

Seuls les deux députés du Parti vert se sont opposés, leur co-cheffe Elizabeth May ayant affirmé avoir pensé appuyer l’initiative, mais avoir ensuite changé d’idée en lisant la version non caviardée du rapport du CPSNR.

Elle a dit qu’elle se sentait soulagée et ne ressentait «aucune inquiétude face à des collègues à la Chambre des communes». Quelques jours plus tard, le chef néo-démocrate Jagmeet Singh s’est dit «plus inquiet» qu’auparavant et «pas soulagé».

Mme May a affirmé lundi que, sur les éléments de faits rapportés, les propos de M. Singh et les siens ne sont pas en contradiction. «Je ne vais pas contredire ses émotions. Comment pourrais-je? Il a vécu ce qu’il a vécu.»

Elle a invité, dans un point de presse, tous les chefs de parti à lire le même document intégral en suivant un processus d’accréditation au cours duquel ils consentiront, comme elle-même et M. Singh, à garder confidentielles les informations préservées du public dans le but de protéger la sécurité nationale. Le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, complète ce processus, mais le chef conservateur, Pierre Poilievre, a soigneusement évité jusqu’à présent de s’engager en ce sens.

«Je pense que nous ferons du progrès quand nous pourrons nous asseoir ensemble et discuter ensemble, de façon à ce que, s’il y a des différences d’interprétation, nous pourrons aller dans les détails et en discuter», a résumé Mme May.

De même, elle a tenu à préciser qu’elle «ne suggère pas (du tout) que le Parti vert ne prend pas l’ingérence étrangère au sérieux».

La co-cheffe a ajouté qu’«il n’y a pas de raison de créer une atmosphère de maccarthysme, une sorte de sentiment de chasse aux sorcières (quant à savoir) en quel député on ne peut pas avoir confiance».

Elle a réaffirmé qu’un ancien député non identifié est accusé dans le rapport d’avoir «fourni proactivement» à un agent étranger «des informations reçues à titre confidentiel». Elle a réitéré que «moins d’une poignée» de députés étaient nommés. La semaine dernière, Mme May a dit qu’«aucun d’entre eux ne pourrait être décrit comme ayant décidé de trahir sciemment le Canada en faveur d’un gouvernement étranger».

M Singh n’a pas précisé si les «certains parlementaires» sont des députés qui complètent présentement un mandat. Il n’a pas non plus donné d’ordre de grandeur sur le nombre de personnes qui seraient mentionnées.

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