Ottawa ne veut pas dire si les entreprises d’IA paieront des redevances aux médias

Mickey Djuric, La Presse Canadienne
Ottawa ne veut pas dire si les entreprises d’IA paieront des redevances aux médias

OTTAWA — Le gouvernement fédéral ne veut pas préciser si les entreprises d’intelligence artificielle devraient payer les médias d’information canadiens pour le contenu que leurs robots utilisent librement.

Le gouvernement libéral a fait adopter il y a un an la Loi sur les nouvelles en ligne, qui oblige les «géants du web» à négocier des accords avec les médias d’information canadiens pour pouvoir utiliser leur contenu journalistique.

Mais le gouvernement refuse de préciser si cette loi s’appliquera aussi aux entreprises d’intelligence artificielle, dont les robots conversationnels sont de plus en plus populaires auprès du grand public.

Des modèles comme le «ChatGPT», le robot exploité par «OpenAI» en partenariat avec Microsoft, le «Gemini» de Google ou le «Meta AI» admettent tous qu’ils utilisent les médias d’information canadiens pour alimenter la base de données de leur système ou pour fournir des réponses aux questions des utilisateurs.

Au cabinet de la ministre fédérale du Patrimoine, Pascale St-Onge, on affirme qu’il appartiendra au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) de déterminer si les entreprises d’intelligence artificielle reprennent les contenus d’information comme le définit la Loi sur les nouvelles en ligne.

«Nous suivons de près les développements en matière d’intelligence artificielle et leurs implications pour le secteur des médias», a indiqué le cabinet de la ministre dans une déclaration écrite.

Les entreprises avaient jusqu’à la semaine dernière pour aviser le CRTC si la loi s’appliquait à l’une de leurs plateformes. Cette liste n’a pas encore été rendue publique.

Meta soutient qu’elle reste exemptée de la loi car son système d’IA s’appuie sur des sources sur internet qui ne sont pas limitées par cette législation. Google devrait déjà bénéficier d’une exemption, après avoir négocié un accord avec le gouvernement canadien afin de créer un fonds pour les médias. Microsoft, qui détient une participation dans «OpenAI», n’a pas répondu à une demande de commentaire.

Depuis l’adoption de la Loi sur les nouvelles en ligne, les robots conversationnels sont devenus tout à fait courants, offrant aux utilisateurs une communication de type humain pour diverses tâches telles que répondre à des questions, donner des recommandations ou résumer des articles de presse.

Lorsqu’on interroge les robots conversationnels eux-mêmes, le «ChatGPT» répond qu’il utilise des informations accessibles au public provenant de diverses sources d’information, y compris des sites canadiens de nouvelles. Cela inclut l’accès aux informations provenant de sites internet, d’articles de presse et d’autres ressources en ligne.

Le robot «Gemini» de Google assure qu’il n’accède pas et ne traite pas directement les informations provenant des sites d’information canadiens. Il admet toutefois que les articles de presse peuvent faire partie de ses outils de formation, jouant un rôle dans ses connaissances et ses capacités.

Le robot «Meta AI» explique qu’il utilise des sites d’actualités pour aider à répondre aux questions des utilisateurs et qu’il a été formé sur une grande quantité de données, dont des articles de presse provenant de sources canadiennes.

Trudeau espère l’autorégulation

Dans un balado technologique du «New York Times», on a récemment demandé à Justin Trudeau si la loi canadienne devait être élargie pour englober l’intelligence artificielle — et forcer ces entreprises à payer pour leur utilisation des contenus canadiens de nouvelles. Le premier ministre a éludé la question, se contentant de dire qu’il incombait aux plateformes elles-mêmes d’agir de manière responsable.

«Ce que je veux, ce n’est pas que le gouvernement légifère sur ce que les plateformes doivent faire ou ne pas faire, car cela mènerait au désastre. Nous savons tous à quel point les gouvernements finissent par travailler lentement», a-t-il déclaré dans le balado «Hard Fork».

«Mais pouvons-nous faire peser de plus en plus sur les plateformes la responsabilité du leadership et de la responsabilité qui va avec — autour du journalisme, autour de la protection de la liberté d’expression, mais aussi de la protection contre les discours haineux? Pouvons-nous trouver ces équilibres?»

En plus de la Loi sur les nouvelles en ligne et de la Loi sur la diffusion continue en ligne, qui impose de nouvelles exigences aux géants de ces plateformes, le gouvernement Trudeau a également proposé l’adoption d’une loi qui permettrait de réglementer — et sanctionner — les entreprises pour leur approche en matière de sécurité en ligne. Ce projet de loi est toujours à l’étude au Parlement.

La Loi sur les nouvelles en ligne stipule qu’une plateforme est visée si elle partage des informations ou les réutilise sur sa plateforme en ligne, tout en répondant à d’autres critères. Le ministère du Patrimoine a déjà déclaré que cette loi ne s’appliquerait qu’à deux entreprises: Google et Meta.

Or, Google devrait bénéficier d’une exemption depuis qu’elle a accepté de verser aux médias d’information canadiens 100 millions $ par année, indexés sur l’inflation.

Meta, de son côté, a choisi de bloquer, pour ses utilisateurs canadiens, les liens vers les médias d’information sur ses plateformes Instagram et Facebook afin de se conformer à la loi. «Notre société se conforme à la loi sur les nouvelles en ligne», a soutenu un porte-parole de Meta dans une déclaration écrite.

«Au Canada, Meta AI s’appuie sur des sources sur le Web qui ne sont pas limitées par cette législation pour répondre aux questions et fournit des sources pour ces résultats auprès de nos moteurs de recherche partenaires.»

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