Les Québécois sont les seuls Canadiens qui adhèrent au bilinguisme

Pierre Saint-Arnaud, La Presse Canadienne
Les Québécois sont les seuls Canadiens qui adhèrent au bilinguisme

MONTRÉAL — Le bilinguisme canadien est «un mythe» à l’extérieur du Québec, qui est la seule province à y adhérer.

Un sondage Léger réalisé pour La Presse Canadienne illustre de manière éclatante la fracture entre ce que l’on a souvent appelé les deux solitudes lorsqu’on compare les résultats obtenus au Québec à ceux du reste du Canada, et ce, à chacune des questions présentées par le sondeur.

«Cette question de la dualité linguistique, c’est une question pertinente au Québec, mais c’est un enjeu qui est soit limité, voire relativement absent dans le reste du Canada», constate Sébastien Poitras, vice-président aux affaires publiques chez Léger.

En fait, le Québec fausse l’ensemble des résultats obtenus. Par exemple, lorsqu’on demande aux Canadiens s’ils pensent que le bilinguisme officiel du Canada est positif, le résultat global montre que 43 % des Canadiens pensent que oui et 18 % pensent que non. Sauf que cette réponse positive provient de 70 % des Québécois, alors que seulement 35 % des répondants des autres provinces sont de cet avis, une proportion qui chute à 23 % en Alberta. Cette province, de même que le Manitoba et la Saskatchewan, ont la perception plus négative du bilinguisme quelle que soit la question.

Indifférence dans le reste du Canada

À l’opposé, seulement 11 % des Québécois ont offert une réponse négative, comparativement à 20 % des autres Canadiens. En fait, 39 % des répondants des autres provinces se sont dits indifférents face au bilinguisme officiel.

Lorsqu’on leur demande s’il est important que le Canada demeure officiellement bilingue, les Québécois appuient massivement, à 83 %, cette proposition alors qu’une majorité (51 %) des Canadiens des autres provinces croit que non.

«Les deux solitudes exprimées dans un sondage, c’est ça, confirme Sébastien Poitras. Cette valeur mise de l’avant par le gouvernement du Canada, qu’on est un pays avec deux langues officielles, donc le bilinguisme ‘coast-to-coast’, c’est un mythe qui n’a pas d’adhésion dans le reste du Canada. L’adhésion à cette espèce de mythe, elle est au Québec, elle existe chez les Québécois, mais pas dans le reste du Canada.»

Les Québécois en faveur d’un Québec bilingue

Une réponse québécoise qui a de quoi étonner survient lorsqu’on indique aux répondants que le Nouveau-Brunswick est la seule province officiellement bilingue et qu’on leur demande si les autres provinces devraient l’être aussi: 60 % des répondants du Québec affirment que oui, contre seulement 22 % qui croient le contraire. Dans le reste du Canada, c’est la moitié des répondants (49 %) qui répondent non et seulement le quart qui sont d’accord.

Pour être certain de la réponse des Québécois, le sondeur a spécifiquement demandé aux répondants si leur province de résidence devrait être bilingue et, même si la proportion diminue un peu, 55 % des Québécois répondent que oui et seulement 37 % répondent par la négative. Sans surprise, dans les autres provinces excluant le Nouveau-Brunswick, le non l’emporte haut la main à 59 % contre seulement 22 % qui seraient d’accord avec cette idée.

Par ailleurs, après avoir spécifié que le français est la seule langue officielle du Québec, lorsqu’on a demandé aux Canadiens des autres provinces si le Québec devrait être officiellement bilingue, les deux tiers d’entre eux (65 %) ont répondu oui.

Un bilinguisme «pour satisfaire une minorité»

Lorsqu’il est question de bilinguisme et d’identité canadienne, 60 % des Québécois estiment que le bilinguisme est au cœur de l’identité canadienne. Du côté du reste du Canada, la moitié (49 %) répondent au contraire que «le bilinguisme officiel du Canada existe uniquement pour satisfaire une minorité».

«On a vu que, pour le reste du Canada, les gens ne voient pas le bilinguisme officiel du Canada comme quelque chose de positif. Ça les laisse indifférents au mieux. Puis quand on pose la question sur l’importance du bilinguisme officiel du Canada, chez les anglophones, un peu plus de la moitié nous disent que ce n’est pas important. Donc à quoi est-ce que ça sert? Ça sert à satisfaire la minorité, c’est-à-dire les francophones», explique M. Poitras.

Quant à la place du français au Canada et au Québec, les deux tiers (65 %) des Québécois croient que la proportion de francophones au Canada a diminué, une perception qui n’est partagée que par le tiers (32 %) des autres Canadiens.

Survie du français: perceptions opposées

Seulement un Canadien hors Québec sur cinq (19 %) croit que la survie du français est menacée au Canada, comparativement à 70 % des Québécois. Quant à la survie de l’anglais au pays, seulement 5 % des Québécois croient qu’elle est menacée, comparativement à 22 % des autres Canadiens.

Le même question, à l’échelle québécoise, montre que 63 % des Québécois sont d’avis que la survie du français est menacée au Québec, contre seulement 11 % des autres Canadiens. À l’opposé, près de quatre Canadiens sur dix vivant hors Québec (38 %) croient que la survie de l’anglais est menacée au Québec, alors que seulement 17 % des Québécois sont de cet avis.

Selon Sébastien Poitras, cette idée d’une menace à la survie de l’anglais au Québec émane du traitement que font les médias canadiens anglais des lois linguistiques au Québec. «Les lois pour protéger la langue française en fait, eux les voient davantage comme quelque chose qui va nuire à l’anglais au Québec. D’où leur perception que l’anglais est menacé au Québec. Ils ne le voient pas nécessairement dans la lorgnette où ces lois sont là justement pour protéger le français. Pour eux, ce sont davantage des lois qui vont nuire à l’expression anglaise.»

Le sondage Léger a été mené en ligne auprès de 1536 répondants entre le 14 et le 17 juin 2024. La firme de sondage précise qu’à des fins de comparaison, un échantillon probabiliste de cette taille à l’échelle canadienne aurait une marge d’erreur de plus ou moins 2,5 %, 19 fois sur 20.

La somme des réponses rapportées ci-dessus est inférieure à 100 %, la différence étant, dans la plupart des cas, la proportion de ceux qui ont répondu «ne sais pas».

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