Ottawa ne compte pas modifier la loi sur le tabac pourtant critiquée par un rapport

La Presse Canadienne
Ottawa ne compte pas modifier la loi sur le tabac pourtant critiquée par un rapport

OTTAWA — La loi fédérale réglementant le tabac et les produits de vapotage n’a pas suivi l’évolution rapide du menu des produits à base de nicotine sur le marché, ce qui a incité un groupe antitabac à déplorer le manque de mises à jour législatives.

La ministre de la Santé mentale et des Dépendances, Ya’ara Saks, a déposé discrètement un rapport interne sur la législation antitabac à la fin de la séance parlementaire du printemps, juste avant le retour des députés dans leurs circonscriptions pour l’été.

L’étude constate que des «progrès significatifs» ont été réalisés pour lutter contre les décès et les maladies liés au tabac au Canada et ne recommande aucune modification à la législation. Mais elle montre également que le taux de personnes qui arrêtent de fumer est resté plus ou moins le même au cours des 20 dernières années.

Dans le même temps, les taux de vapotage chez les jeunes ont plus que doublé depuis que la législation a été élargie pour réglementer le vapotage en 2018, et de nouveaux produits à base de nicotine sont apparus sur le marché.

«Les gens qui ont grandi en fumant la cigarette continuent de fumer, rapporte Cynthia Callard, cheffe de la direction de Médecins pour un Canada sans fumée. Les jeunes générations abandonnent la cigarette pour se tourner vers les produits de vapotage, et elles le font en plus grand nombre.»

Le rapport a été publié alors qu’une querelle se poursuit entre l’industrie du tabac et le ministre de la Santé, Mark Holland, qui s’est engagé à empêcher davantage de Canadiens de devenir dépendants.

Une partie du problème vient du fait que le gouvernement continue de jouer au «whack-a-mole» avec les nouveaux produits à base de nicotine depuis que la législation a été élargie pour inclure le vapotage en 2018, a déclaré David Hammond, professeur à l’Université de Waterloo.

«Nous nous retrouvons toujours avec un gouvernement qui se démène pour rattraper les produits les plus récents et découvre qu’ils sont réglementés par une voie légèrement différente», a déclaré M. Hammond, qui étudie la réglementation du tabac et du vapotage.

«Nous nous retrouvons dans une situation où nous avons constaté une augmentation de la consommation de nicotine chez les jeunes pour la première fois depuis des décennies.»

La législation vise à permettre aux fumeurs de passer à une habitude moins nocive, comme le vapotage, tout en protégeant les jeunes et les non-fumeurs de la dépendance.

«Je ne conteste pas la sincérité et les efforts du gouvernement, mais il est clair qu’il n’a pas atteint l’équilibre», commente M. Hammond.

Des pistes pour réduire la consommation

Le rapport a mis en évidence certains domaines potentiels d’amélioration, a déclaré lundi le bureau de Mme Saks dans un communiqué, et le personnel de la ministre prévoit de continuer à affiner sa stratégie en conséquence.

«Sur la base de notre expérience en matière de réduction de la consommation de tabac chez les jeunes, nous savons que des mesures globales peuvent avoir un impact sur l’adoption et l’utilisation des produits de vapotage par les jeunes», indique le cabinet de la ministre.

Un groupe de défense des personnes qui ont utilisé le vapotage pour se libérer de la cigarette, appelé Rights4Vapers, a lancé plusieurs campagnes de rédaction de lettres dans le but de préserver l’accès à ce qu’ils considèrent comme l’outil qui les a le mieux aidés à arrêter de fumer.

Le gouvernement a connu des difficultés similaires pour réglementer les nouveaux produits à base de nicotine comme le Zonnic, un sachet que les utilisateurs placent entre leurs gencives et leur lèvre supérieure.

M. Holland a promis une répression majeure contre les sachets, qui ont été approuvés par Santé Canada pour aider les gens à arrêter de fumer, mais qui ont également été utilisés à des fins récréatives.

Les sachets sont soumis à des règles différentes de celles des produits de vapotage et du tabac, et le ministre s’est vu accorder de nouveaux pouvoirs dans le projet de loi budgétaire récemment adopté pour les retirer des étagères s’il les considère comme nocives et qu’elles ne sont pas utilisées pour arrêter de fumer.

M. Hammond explique qu’idéalement, tous les produits à base de nicotine devraient être réglementés par un régime unique et cohérent.

Le vapotage s’est avéré être un outil utile pour certains qui souhaitent arrêter de fumer, a déclaré M. Holland la semaine dernière lors du dépôt du rapport. Mais il a ajouté qu’il est important de s’assurer que c’est bien pour cela qu’ils sont utilisés, et non comme «un autre vecteur de dépendance».

Quant à la raison pour laquelle la législation n’est pas mise à jour, M. Holland a déclaré qu’il pensait qu’il était préférable de cibler l’industrie pour le moment.

«Si nous voulons aider les gens, je pense que nous devons nous attaquer à l’industrie, vraiment dénoncer les tactiques qu’ils utilisent pour s’en prendre aux toxicomanes, comment ils s’en prennent aux jeunes», a déclaré le ministre Holland.

«Je veux que nous prenions toutes les mesures possibles, mais nous ne pouvons pas agir simplement pour le plaisir d’agir. Cela doit s’appuyer sur des preuves.»

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