La protection de l’enfance absente de l’Assemblée des Premières Nations

Alessia Passafiume, La Presse Canadienne
La protection de l’enfance absente de l’Assemblée des Premières Nations

OTTAWA — L’Assemblée des Premières Nations (APN) n’autorisera pas l’adoption de résolutions sur la protection de l’enfance lors de sa prochaine assemblée générale annuelle, notamment celle qui lui demandait de s’excuser publiquement pour les commentaires tenus devant un tribunal.

Khelsilem, président de la Nation Squamish, a présenté une résolution sur le principe de Jordan, une règle juridique qui garantit que les enfants des Premières Nations reçoivent les soins dont ils ont besoin lorsqu’ils en ont besoin, les paiements devant être réglés par la suite.

Khelsilem, qui porte un seul nom, affirme que même s’il a suivi le protocole de l’assemblée, sa résolution ne pourra pas être présentée le mois prochain.

«Je pense que la manière dont le personnel de l’APN s’est comporté est très inappropriée», a-t-il déclaré.

L’APN a également rejeté une résolution présentée par la communauté autochtone d’Osoyoos qui demandait à l’APN de s’excuser publiquement pour le «manque de respect» envers les Premières Nations qui considèrent la cérémonie du potlatch comme un aspect intégral de leur culture et de leur souveraineté.

En mai, l’APN a fait valoir devant le Tribunal canadien des droits de la personne qu’il était «sans précédent» que deux enfants aient accès à un financement en vertu du principe de Jordan pour assister à une cérémonie de potlatch en l’honneur de deux parents décédés.

Les potlatchs, interdits depuis plusieurs décennies par le gouvernement fédéral, sont couramment organisés pour souligner les événements majeurs de la vie, notamment les funérailles. Ils impliquent généralement des fêtes ainsi que des pratiques spirituelles et culturelles.

Dans un document déposé auprès du tribunal dans l’affaire traitant de la non-conformité du Canada au principe de Jordan, l’APN a soutenu que le financement de la cérémonie dépassait la portée de ce qui devrait être autorisé.

Hors mandat

Dans un autre courriel adressé à Khelsilem, l’APN a avancé que toutes les résolutions concernant la protection de l’enfance seront transférées à une assemblée spéciale des chefs qui se tiendra en septembre, lorsque les chefs devraient débattre et voter sur un accord de plus de 20 milliards $ avec le Canada sur les réformes du système de protection de l’enfance.

Certaines des résolutions interdites sont directement liées à cet accord, notamment celle de Khelsilem. Sa résolution permettrait à l’APN d’obtenir un financement du Canada pour tenir des séances de mobilisation sur l’accord.

Khelsilem estime que si ces résolutions ne sont pas autorisées à être débattues lors de l’assemblée de juillet, elles seront essentiellement sans objet. «Ils refusent aux dirigeants des Premières Nations la possibilité d’en discuter», a-t-il déploré.

L’Assemblée des Premières Nations n’a pas immédiatement répondu à une demande de commentaires de La Presse Canadienne.

Dans ses communications avec Khelsilem, l’APN a aussi affirmé que certaines des clauses de la résolution interdite étaient en conflit avec les mandats antérieurs des chefs. Elle n’a toutefois pas spécifié quels articles étaient explicitement en conflit avec les résolutions antérieures. Bien que l’assemblée aide généralement les gens à adapter leurs résolutions aux mandats précédents, il a déclaré que l’assemblée ne l’avait pas fait.

Tensions

Les tensions se sont accrues entre la cheffe nationale Cindy Woodhouse Nepinak et certains chefs régionaux alors que l’APN se rapproche de la finalisation d’un accord avec Ottawa sur la réforme de la protection de l’enfance qui dépassera les 20 milliards $ promis dans le cadre de l’accord de règlement.

Début juin, trois chefs régionaux, représentant la Colombie-Britannique, la Saskatchewan et le Québec-Labrador, ont déclaré dans une lettre adressée à Mme Woodhouse Nepinak que l’Assemblée outrepassait son mandat en négociant des réformes avec le Canada et qu’elle tentait de mettre sur la touche les services de garde à l’enfance et à la famille des Premières Nations.

L’APN et la société de bienveillance ont conjointement lancé une plainte en matière de droits de la personne concernant le sous-financement chronique des services de protection de l’enfance dans les réserves à Ottawa, qui a mené à l’accord de règlement.

La moitié du règlement de 43 milliards $ était destinée à des réformes à long terme du système de protection de l’enfance à travers le Canada.

Mais les trois chefs ont déclaré à Mme Woodhouse Nepinak dans leur lettre que l’APN n’avait pas partagé de détails avec les Premières Nations à l’extérieur de l’Ontario et que l’assemblée n’avait pas tenu de réunions sur les négociations depuis février.

Ils disent que cela limite la capacité des chefs à donner leur consentement libre, préalable et éclairé sur l’accord avant qu’il ne soit finalisé.

Dans une récente entrevue, Mme Woodhouse Nepinak a déclaré que les Premières Nations de l’Ontario font partie des négociations et qu’elles sont donc au courant de détails dont d’autres juridictions ne disposent peut-être pas actuellement, et que l’assemblée n’est pas responsable de la décision de la Société de soutien de se retirer des négociations.

Raymond Shingoose, président de la Caring Society, s’attend à ce que la protection de l’enfance soit un sujet principal de discussion à l’assemblée, que des résolutions soient à l’ordre du jour ou non.

«Tout ce que nous voulons, c’est un consentement libre, préalable et éclairé, pour que les structures régionales soient suivies et que les structures nationales soient suivies, a-t-il déclaré dans en entrevue. Qu’est-ce qu’il y a de si difficile là-dedans?»

Il a ajouté que sans discussions et sans nouveaux mandats sur l’accord avant le vote cet automne, les chefs seront «aveuglés» quant à ce qu’ils approuvent.

«Tout se fait dans le secret», a-t-il déploré.

«Pour moi, l’APN est le nouveau Canada, a-t-il ajouté. Et elle semble libérer le Canada de ses responsabilités. Nous devrions négocier et combattre le Canada, et non notre propre peuple.»

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